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MOINEAUX SANS NID N° 99

14 Janvier 2012, 09:00am

Publié par nosloisirs

 

99 LE RETOUR DE ROBERT

 

En raison de la mort de Jacques d’Evreux, Robert Montpellier avança son retour à Paris ; il croyait Alice très frappée. Même s’il ne l’aimait pas d’amour, il lui était très attaché et pensait pouvoir la réconforter un peu par sa présence.

Il laissait le petit Guy à Biarritz avec sa mère, Anna Carel, pour quelques jours encore.

Robert arriva chez lui à une heure très avancée de la nuit, et le lendemain matin, téléphona dès son réveil à Alice qui le pria de venir tout de suite. Il refusa, car il ne désirait pas revoir Anselme. Un peu plus tard, la jeune fille se rendit donc chez lui, et, se jetant à son cou, éclata en sanglots désespérés.

— Voyons, ma petite Alice, sois courageuse ! Dit Montpellier . Hélas ! La vie nous réserve souvent des heures bien cruelles.

— C’est tellement affreux, bredouilla la perfide comédienne.

— J’imagine quelle douleur peut causer la mort d’un être cher ... Ce sont des peines que nous devons tous éprouver un jour.

— Tu ignores ce qui s’est passé, n’est-ce pas, Robert ?

— Je viens à peine d’arriver ... Mais que veux-tu dire, mon amie ?

— Je n’ose te le confier ... Il s’agit d’un drame, une effroyable tragédie ! Révéla-t-elle d’une voix à peine audible.

— Une punition divine, peut-être ? Hasarda le peintre.

— Robert ! dit-elle avec reproche, ne dis pas cela !

— Tu as raison, je te demande pardon ...

— Je dois admettre que tu viens de prononcer des paroles assez justes ... Mais si tu savais de quelle terrible et épouvantable punition il s’agit !

— Enfin, que s’est-il passé ? Demanda Robert lorsqu’il la crut un peu calmée.

Alice hocha tristement la tête.

— C’est effrayant ! Répondit-elle. Jacques est mort à la suite d’un coup que lui a donné Anselme.

— Mon Dieu ! S’exclama le peintre.

— Oui ... Tous deux s’étaient épris de la même femme, une odieuse intrigante, et ils se sont disputés. Jacques a commencé et voulu étrangler Anselme ... qui lui a jeté un chandelier à la tête, et ceci à causé indirectement sa mort.

— C’est incroyable ! Murmura le jeune peintre, devenu tout pâle. Pauvre Alice, quel coup pour toi !

— Anselme est en liberté provisoire ; il ne bouge pas de chez nous. Peut-être le condamnera-t-on ... Que vais-je devenir ? Je te jure que je suis capable de je ne sais quoi en ce moment.

— Es-tu folle ? S’écria Montpellier.

— A quoi bon vivre désormais ? Gémit son interlocutrice. La honte et la douleur m’étouffant et m’écrasent à un tel point !

— Calme-toi un peu et réfléchissons ensemble, reprit Robert. Je comprends ton chagrin ; il est tellement normal. Mais, il faut à présent faire appel à tout ton courage.

— Jamais je n’oserai plus regarder personne en face ! Se lamenta-t-elle en recommençant à pleurer. Je suis la sœur d’un meurtrier !

— Tu n’es tout de même pas responsable des actes d’autrui.

— Evidemment, reconnut-elle ; cependant, ce sont mes frères et je porte leur nom.

— N’avais-tu pas déjà envisagé de ne plus vivre avec eux ? Tu les jugeais indigne de toi ...

— Certes, car ils avaient commis une bien vilaine action. Mais tu n’as donc pas lu les journaux, Robert ? Il m’est, hélas ! Question que de cette lamentable histoire. Et tout est arrivé par la faute de cette misérable qu’ils avaient engagés comme gouvernante ; elle a su les séparer, eux si unis, et les dresser l’un contre l’autre ...

— C’est horrible ! S’exclama le jeune artiste indigné. Que c’est triste de se laisser ainsi entraîner par la passion ! Cette femme est bien coupable !

— Tu as raison, approuva-t-elle avec force. Et je la maudis, car elle n’a cessé de semer le malheur partout où elle est passée. Tu ignores sans doute qui est cette ignoble créature ?

— Bien sûr, puisque je n’ai pas lu les journaux.

— Eh bien ! C’est celle qui a empoisonné ta vie ! S’écria Alice. C’est Valérie Labeille !

Robert blêmit à ces paroles.

— Oh !C’est impossible ! Murmura-t-il ; tu te trompes !

— Je l’ai vue et lui ai parlé ! Affirma-t-elle avec violence. Elle est la cause de notre malheur, et elle a agi ainsi pour se venger de moi !

— Je ne puis te croire, répondit-il, obstiné.

— Tu es donc toujours aussi aveugle ? Reprocha sèchement Alice. Tu l’aimes encore et tu serais capable de retomber sous sa coupe en le revoyant. Décidément, je n’arrive pas à comprendre les hommes ! Ils sont tous faibles et méprisables ! Que trouvez-vous donc à cette fille pour qu’elle vous fasse perdre la tête de la sorte ? Est-ce sa monstrueuse méchanceté qui vous attire ainsi ?

— Non, Alice, tout cela est réellement impossible ! Répéta Robert, infiniment malheureux.

— Quelles preuves te faut-il encore pour te convaincre ? Cette misérable a cru que tu m’aimais et, pour se venger, elle a provoqué ce drame chez nous. Elle doit être satisfaite, à présent, car elle m’a tout pris : amour, honneur, paix ... tout !

— Pourtant, avant de ...

— Ne la défends pas si tu veux que je continue à t’estimer ! Coupa Alice avec colère.

Montpellier n’osa rien ajouter ; cette révélation inattendue le bouleversait. Si Valérie était réellement coupable de cette tragédie, il ne pourrait plus que la mépriser et la renier à jamais. Tout en réfléchissant douloureusement, il s’approcha d’Alice et murmura :

— Sois courageuse, mon amie ! Ne nous occupons plus de cette malheureuse et ne songeons uniquement qu’a essayer de t’éviter la honte d’un scandale.

A cet instant, la femme de chambre entra et remit à son maître une carte de visite ; celle de Valérie Labeille ! Robert fixa le carton, les yeux écarquillés, ne parvenant pas à croire ce qu’il lisait. Comment osait-elle ?...

L’expression de son visage était si altérée qu’elle effraya Alice.

— Qu’est-ce que c’est, Robert ? Questionna-t-elle.

Pour toute réponse, il lui tendit le bristol.

— Sainte Vierge ! S’exclama-t-elle, saisie. Que veut donc cette femme ? Que vient-elle chercher ici ?

Déconcerté, Robert haussa les épaules.

— J’espère que tu ne me feras pas l’affront de la recevoir pendant que je suis là ? Dit-elle avec hauteur.

Le peintre ne savait que répondre ; les propos d’Alice l’avaient tellement frappé qu’il n’arrivait pas à se reprendre. Il ne pouvait, non plus, s’empêcher de penser que Valérie était chez lui, qu’il pouvait la voir, l’entendre peut-être se justifier, se défendre ...

Cependant il déclara à la femme de chambre :

— Dites à cette personne que je puis la recevoir.

Dans le hall, Valérie attendait trépignant d’impatience. La servante, très gênée, transmit le message ...

Le beau visage de la jeune femme rougit violemment, puis pa^lit intensément, et elle fut obligée de s’appuyer à une chaise pour ne pas tomber. Faisait appel à toute son énergie, elle se domina, puis, sortant une seconde carte de visite de son sac, elle traça nerveusement ces lignes :

 

Je viens uniquement pour vous remettre le testament olographe de Julien Delorme et je n’ai rien à vous demander. Cependant, je pense avoir le droit d’exiger une explication pour votre incroyable conduite à mon égard ...

 

— Veuillez remettre ce mot à votre maître, dit-elle en tendant la carte à la femme de chambre ; cette fois, il ne refusera certainement pas à me parler.

Lorsque les jeunes gens virent revenir la domestique, apportant un second message, ils s’exclamèrent en même temps :

Ayant lu, Robert se tourna vers Alice et lui dit sèchement :

— Je te prie de m’excuser, Alice, mais je suis forcé de la recevoir.

— Dans ce cas, répliqua-t-elle, furieuse, tu perdras pas toujours mon amitié !

— Tu ignores ce qu’elle m’écrit, insista-t-il. Il se peut évidemment, qu’il s’agisse d’un prétexte, mais c’est tellement grave que je ne puis me désintéresser de cette question.

— Alors, adieu ! S’écria-t-elle rageusement en se levant.

— Attends un peu, pria le jeune homme, ne sachant comment la convaincre. Tiens : lis ce qu’elle m’écrit, continua-t-il en lui tendant la carte de Valérie.

Alice parcourut vivement les quelques lignes et éclata d’un rire strident, tandis que son visage devenait d’une pâleur impressionnante.

— Je ne peux croire pareille stupidité ! S’écria-t-elle, méprisante. Comment peux-tu être naïf à ce point ?

— Je t’ai déjà dit que cela peut, en effet, n’être qu’un prétexte ...

— Suis-en bien convaincu ! Comment un tel document pourrait-il se trouver en sa possession ?

— Je n’en sais rien, soupira le peintre, et c’est justement pourquoi je veux la voir. Ne m’en veuille pas, Alice, mais si nous tenons à ...

— Non, non !... Interrompit-elle les yeux étincelants de colère et de jalousie. Tu veux la voir et lui parler parce que tu l’aime toujours !

— Même si ce que tu dis est vrai, répliqua-t-il sèchement cela ne peut rien changer. Cette femme est désormais morte pour moi !

Puis, se tournant vers la femme de chambre qui attendait toujours, il ajouta :

— Conduisez cette dame dans mon atelier. (Et s’adressant à Alice) : Excuse-moi, je te prie.

Sans attendre sa réponse, il quitta la pièce derrière la servante.

Alice ne partit pas ; elle tenait trop à connaître le résultat de l’entrevue pour s’en aller, car un terrible soupçon commençait à l’envahir à propos du fameux testament ...

L’atelier de Robert n’était séparé d petit salon – ou elle se trouvait en ce moment – que par une petite pièce sombre. La jeune fille s’y rendit et, sans hésiter, colla son oreille contre la porte.

En pénétrant dans son atelier, Robert n’y trouva encore personne. Son cœur battait à tout rompre à la pensé de revoir Valérie ... Il devait se montrer dur, implacable envers elle ... Enfin, il allait la voir, lui parler ...

Elle entra ... Elle demeura sur le seuil de la pièce, fixant le peintre qui, de son côté, la regardait avec des yeux pleins de passion. Tous deux orgueilleux, ils freinaient à qui mieux mieux les élans de leurs cœurs ...

Sans pouvoir articuler un seul mot, Valérie d’une main tremblante, sortit de son sac une grande enveloppe et la tendit au jeune homme.

Tout de suite, il reconnut sa propre écriture. Il l’ouvrit, retira la feuille et lut, visiblement bouleversé, le testament que lui avait dicté Julien Delorme à son lit de mort, et qu’ils avaient signé tous les deux ainsi qu’un deuxième témoin ; le valet de chambre. C’était bien le testament ; il ne pouvait subsister aucun doute !

— Comment l’avez-vous trouvé ? demanda-t-il enfin à la jeune femme.

— Il s’agit bien, n’est-ce pas, des dernières volontés der monsieur Delorme ? Questionna à son tour Valérie.

— Oui, affirma Robert sans hésiter.

— Alors, le reste ne peu vous intéresser, ajouta-t-elle sèchement. Je vous demande seulement de m’écrire un papier, attestant que je vous ai remis, en mains propres, ce document dont vous reconnaissez l’authenticité.

— Je ne comprends pas ... Murmura Robert étonné.

— Ce n’est pas nécessaire, poursuivit froidement Valérie.

Robert s’assit devant son secrétaire pour écrire le reçu qu’elle désirait.

— Asseyez-vous, Valérie, dit-il tout bas.

— Je préfère rester debout, merci.

— Comme vous voudrez ... Je vais écrire ce que vous me demandez, mais je voudrais bien savoir comment vous avez pu obtenir ce document.

— Je ne puis vous le révéler, répliqua-t-elle avec fermeté.

— Pourquoi me l’avez-vous apporté au lieu de le remettre à un homme de loi ! Insista-t-il en la dévisageant.

— Parce que vous étiez très ennuyé d’avoir formulé une certaine accusation et j’ai tenu à trouver la preuve qu’elle était justement fondée.

— Je vous remercie ... Je n’en attendais pas moins de votre générosité ... qui fait partie de vos grandes qualités ! Ajouta-t-il amèrement ironique.

Les beaux yeux de Valérie se remplirent de larmes à ces paroles ...

— Cependant reprit Robert, j’insiste ; je tiens à savoir comment ce papier peut se trouver entre vos mains !

— Avant de vous répondre là-dessus, je désire n’entretenir avec vous d’un tout autre sujet, répliqua Valérie ;

— Je ne vois pas de quoi nous pourrions parler, en dehors de cela. Si vous désirez être récompensée pour cette démarche ...

— Comment osez-vous m’offenser de la sorte ? Interrompit-elle indignée. Pourquoi une telle attitude envers moi ? Que vous ai-je donc fait, Robert ?

— Il vaut mieux ne pas en parler, croyez-moi, répondit tristement le peintre.

— J’y tiens beaucoup au contraire ! S’exclama-t-elle avec force car, depuis le jour où vous êtes venu me voir à l’hôpital, vous avez complètement changé vis-à-vis de moi. Me croyez-vous réellement la complice de Jean Marigny ? Me croyez-vous méprisable à un tel point ? Répondez-moi franchement ! Je n’attends rien de vous, mais j’ai le droit d’exiger cette explication.

— Et moi celui de le refuser, rétorqua-t-il durement.

— Pourquoi ?

— Par délicatesse ; tout d’abord, pour ne pas humilier une femme que j’ai follement aimée.

— Je vous supplie de mieux vous expliquer ! Remit la pauvre Valérie.

— Eh bien ! Alors, sachez que j’ai totalement perdu la confiance que j’avais en vous. Je sais que vous vous êtes jouée de moi, que vous m’avez menti en profitant de l’amour aveugle et insensé que vous m’inspirez et ...

— Assez ! Coupa-t-elle furieuse. Assez, par pitié !

Et ses yeux se remplirent de larmes qui roulèrent le long de ses joues.

— Valérie ! S’écria-t-il d’une voix passionnée.

Elle protesta d’un geste las de la main.

— Je pourrais me justifier, murmura-t-elle d’une voix brisée, mais je ne le veux pas ; ce serait déchoir à mes yeux. Un jour, pourtant, mon innocence éclatera aux yeux de tous !

— Qui sait si vous y parviendrez ? Reprit-il de nouveau furieux, car il revoyait par la pensée, la jeune fille sortant de prison et se précipitant en banlieue pour rejoindre Marigny, la lettre adressée à Bertil, la visite de ce dernier à l’hôpital, et pour couronner le tout, le drame survenu entre les deux frères ...

La malheureuse baissa la tête et poussa un douloureux soupir.

— Oui, admit-elle, tout semble m’accabler pour le moment.

— En effet, convint Robert.

— Je le sais ... mais cessons de parler de moi ... Parlons de ce document et du fils de votre ami.

— Fort bien.

— Qu’en pensez-vous ?

— Ce que penserait à ma place tout être censé ; je crois que vous continuez à vous intéresser à Pierrot et Mireille.

— Je les considère comme mes propres enfants, déclara Valérie.

— C’est très généreux de votre part. Et vous pensez également que ce petit Pierrot est le fils de mon ami Julien Delorme, n’est-ce pas ?

Valérie le fixa avec inquiétude.

— Oui, mais pourquoi me posez-vous cette question si ... si bizarrement Robert ?

— Tout s’éclaircit à présent ! Dit-il, glacial, et je comprends pourquoi vous vous êtes emparée de ce testament ; pourquoi vous vous êtes introduite chez les d’Evreux et avez cherché à séparer ces deux frères.

— Mon Dieu ! S’écria la jeune femme pâle comme la mort.

— Jacques, le moins intelligent de ces deux hommes, s’est laissé prendre à votre jeu et, ainsi vous lui avez arraché le secret concernant la cachette du testament !

— Il en a parlé dans son délire ; il a dit où ils l’avaient enfoui, expliqua-t-elle, de plus en plus bouleversée par la dureté de robert. Je l’ai alors pria pour ...

— Vous voyez ! Interrompit-il.

— C’est pour cette raison que j’ai sans cesse épié tout ce qu’ils disaient, admit-elle pour savoir si Pierrot était réellement le fils de Julien Delorme, donc son légitime héritier.

— Ne vous fatiguez pas ; son véritable enfant a déjà été retrouvé.

— C’est faux ! Cet enfant n’est pas celui de votre ami ! Cria Valérie, indignée. On vous a trompé, Robert, je vous le jure !

— Quelles preuves possédez-vous de ce que vous affirmez avec une telle conviction ?

— Je l’ai entendu dire par le marquis et son frère ; ils désiraient évincer Pierrot parce qu’il est réellement le fils de votre ami et ils avaient peur de cet enfant.

— C’est impossible à prouver, rétorqua lle peintre. D’ailleurs, je n’en crois pas un mot.

Robert souffrait affreusement, car, malgré sa méfiance envers Valérie, il subissait le charme irrésistible de sa présence et il sentait qu’il l’aimait toujours ardemment.

— Pourquoi me parlez-vous sur un tel ton, Robert ? Demanda soudain la jeune femme avec douceur. Que vous ai-je donc fait ? Je sais pourtant que vous m’avez aimée et que vous m’aimez toujours.

— Non ! Protesta-t-il sourdement, sans oser la regarder.

— Si, et moi aussi je vous aime ! Cessons de nous mentir. C’est seulement en nous parlant avec franchise que nous pourrons nous expliquer, murmura la pauvre Valérie. Dites-moi pourquoi vous avez une si mauvaise opinion de moi ?

— Pourquoi ? Ricana-t-il avec douleur.

Alors, se laissant emporter par la jalousie et la rancœur, l’enveloppant d’un regard lourd de rancune, il s’écria :

— Je vous ai vue, oui, vue de mes yeux, quitter la prison et vous diriger tout de suite en banlieue, pénétrer dans la maison où Marigny vous attendait. Sûrement vous possédiez les bijoux de la femme assassinée, et ...

— Ciel ! que dites-vous là ? Coupa-t-elle en reculant.

Il continua, impitoyable :

— Ensuite, j’ai lu une de vos lettres adressée à Georges Bertil et j’ai trouvé plus tard cet homme au chevet de votre lit d’hôpital ... Je connais maintenant vos mensonges, votre hypocrisie, tout votre passé, poursuivit-il s’exaltant au fur et à mesure qu’il parlait ... Je vous ai chérie, adorée, et vous avez brisé ma vie, détruit jusqu’au talent que je possédais ! Maintenant, j’en ai assez, et je ne vous remercie même pas de m’avoir remis ce testament, parce que je sais quelle intention vous a poussée à accomplir ce geste !

— Et quelle est donc cette intention, selon vous ? articula la pauvrette avec effort.

— Faire reconnaître votre protégé, afin de vous emparer de ce fabuleux héritage !

— Moi ? S’exclama la jeune femme, exaspérée. Et de quelle manière m’y prendrais-je ? N’êtes vous pas son tuteur ?

Robert Montpellier hocha la tête, puis murmura :

— Si, bien sûr.

—- Alors, comment pourrais-je détourner cette fortune à mon profit ?

Robert ne répondit pas ; l’argument qu’elle lui opposait était irréfutable. Valérie faisait des efforts surhumains pour retenir ses sanglots. Elle reprit :

— Je suis venue vous remettre ce testament et vous exposer les raisons qui me persuadent que Pierrot est l’héritier de votre ami, sans rien attendre de vous ni de lui ... et vous m’insultez ! Dans ce cas, rendez-moi ce document. J’agirai seule, et je saurai bien démasquer les criminels qui ont volé le patrimoine de cet enfant !... Je n’ai nul besoin de votre appui !

— Le document m’appartient, déclara Robert d’une voix sans timbre.

— Vous refusez de me le rendre ?

— Oui. Mais je vais rédiger la déclaration que vous réclamez et dans laquelle j’affirmerai que vous me l’avez remis.

Valérie hésita, puis répondit :

— D’accord ; mais de plus, je désire la copie du document de votre main.

— Bien.

— Et vous la signerez également.

Robert commença à écrire, tandis que Valérie l’observait en silence.

Etait-ce bien celui qui l’avait tant aimée ? Le garçon noble et généreux qui avait la conviction absolue de son innocence ? Pourquoi avait-il changé de la sorte ? En aimait-il une autre ? Une femme lui avait-elle volé ce cœur qui lui avait appartenu si totalement ?

Que cet idée lui faisait du ma ! Savoir qu’elle ne possédait plus son estime la torturait aussi intensément. Mais à quoi bon essayer de se disculper ? Et qu’obtiendrait-elle en le tentant ? N’était-il pas persuadé désormais de son indignité ?

Soudain elle remarqua qu’une larme tombait sur le papier sur lequel se penchait le jeune homme, puis une autre et une troisième.

« Il pleure ! » pensa-t-elle.

Un espoir fou la pénétra, comme si ces larmes étaient les gouttes de la rosée bienfaisante que réclame le pèlerin perdu dans le désert. Qu’il est dur d’étouffer l’amour, lorsqu’il déborde de notre cœur !

Valérie s’approcha, posa légèrement sa main sur le bras de Robert.

— Vous pleurez, Robert ?

— Tout est tellement cruel et triste ! Soupira-t-il le cœur prisé d’angoisse. Je vous aimais tant ! J’avais une telle confiance en vous ! Ajouta-t-il en la fixant avec douleur.

— Pourquoi l’avez-vous perdue ? Murmura la jeune femme. Je me contenterais, voyez-vous, uniquement de votre confiance, car vos terribles soupçons me tuent. Ne comprenez-vous donc pas que ma plus grande force était de savoir que vous aviez confiance en moi ! C’était mon unique lueur dans les terribles ténèbres de ma vie !

Valérie pleurait, elle aussi, et elle poursuivit à travers ses larmes :

— Vous savez également que je ne veux rien de vous, sinon savoir que vous avez foi en moi. Ne vous l’ai-je pas toujours dit jusqu’ici ? Je vous souhaite même d’être un jour heureux avec une autre, car je sais que je ne suis pas digne de vous ! Je vous aime toujours, bien que j’essaye de vous oublier ! Pourquoi doutez-vous de moi ? Réfléchissez un peu à ce que je vous dis, Robert, je vous en conjure !

Le jeune homme ne pouvait plus résister à la douceur de cette voix chérie, mais la porte, derrière eux, s’ouvrit brutalement Alice bondit dans l’atelier en hurlant comme une furie :

— Comédienne !

( A SUIVRE LE 17 JANVIER )

 

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