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MOINEAUX SANS NID N° 317

2 Novembre 2013, 09:00am

Publié par nosloisirs

CHAPITRE 317

VICTOR REGAUD PORTE PLAINTE ...

A PARTIR DU 1er NOVEMBRE RENDEZ-VOUS SUR

histoiresautrefoisWordpress.com

Plusieurs fois déjà, et à quelques minutes d’intervalle, Victor Regaud avait consulté l’heure à sa montre de poignet, en proie à une grande agitation.

Il plia son journal qu’il glissa dans sa poche et fixa avec inquiétude l’allée qui conduisait à la villa du docteur Mollet, espérant finalement voir arriver Marius.

— Diable ! S’écria-t-il soudain. Il est une heure un quart et il ne revient toujours pas !

Bien qu’il n’eût pas oublié ce qu’ils avaient convenu entre eux avant de se séparer, le chauffeur hésita encore à aller quérir les gendarmes.

« Et s’il revenait sain et sauf ? se dit-il, très embarrassé. Je passerais aux yeux de tous pour un véritable crétin ! »

La perplexité du brave homme ne cessait d’augmenter, ainsi que l’inquiétude que lui occasionnait l’inexplicable retard de son client.

— Après tout, s’il m’a dit de prévenir les gendarmes, c’est qu’il devait avoir de sérieuses raisons ! Conclut-il en se dirigeant vers sa voiture. En tout cas, en agissant ainsi, je n’aurai pas de remords sur la conscience et je préfère passer pour un sot plutôt que d’avoir ensuite un malheur à regretter jusqu’à la fin de mes jours !

Tandis qu’il tenait ce raisonnement, il s’était installé au volant de son taxi qui démarra et se dirigea vers Melun. Un quart d’heure après, il atteignait cette ville. Le chauffeur ralentit et stoppa sa voiture devant la boutique d’un boucher.

— Pouvez-vous, s’il vous plait, m’indiquer la gendarmerie ? Demanda-t-il aimablement en pénétrant dans la boucherie.

— Que vous est-il arrivé ? S’informa avec curiosité la femme du boucher, en quittant des yeux son livre de comptes. Auriez-vous été volé ? Attaqué ?...

— Non, non, interrompit Victor Regaud ne désirant pas s’attarder, j’ai tout simplement besoin de certains renseignements.

— Tenez, Monsieur, répondit la bouchère, en sortant avec lui sur le trottoir, vous allez prendre cette rue tout de suite à droite, puis vous tournerez à votre gauche et vous arriverez sur une place où se trouve la gendarmerie.

Victor Regaud la remercia poliment et remonta dans sa voiture. Deux minutes plus tard, il arriva sur la place en question et s’arrêta devant l’entrée du bâtiment public.

Il sortit vivement de son taxi et se précipita à l’intérieur, ne voyant pas, dans sa hâte, un gendarme assis à l’entrée du vestibule qui lui cria :

— Eh ! là mon ami ! Où courez-vous comme ça ? Et que désirez-vous ?

Le brave homme revint sur ses pas, retira poliment son béret basque et répondit immédiatement :

— Je viens vous demander du secours, Monsieur le gendarme, j’ai un ami qui est en danger et qui a besoin de votre intervention.

Le gendarme quitta son siège, sur lequel il déposa son journal et s’approcha du nouveau venu. Il le dévisagea avec étonnement, puis il lui demanda :

— Vous êtes sûr de ce que vous avancez ? Vous n’exagérez pas un peu ?

— Non, pas du tout ! Je vous l’assure protesta le chauffeur en rougissant. Mon client et ami est en péril ! Faites vite, car il n’y a plus une minute à perdre !

Le gendarme se lissa le menton, perplexe, puis murmura :

— C’est bon ! Attendez-moi ici un instant, je vais prévenir le lieutenant.

Il partit après avoir prononcé ces paroles et se dirigea vers le fond du vestibule où il disparut derrière une porte. Il revint peu après et dit à Victor :

— Suivez-moi ! Le lieutenant vous attend !

Il le précéda dans un long couloir sur lequel s’ouvraient de nombreuses portes et s’arrêta devant la troisième à droite qui était entr’ouverte.

— C’est ici ! Entrez ! Dit-il en quittant Victor pour aller reprendre son poste.

Le chauffeur hésita quelques secondes, puis pénétra timidement dans la pièce qui était très spacieuse.

Un homme jeune et mince, au visage sévère et froid, portant son uniforme avec élégance, était assis derrière un imposant bureau. Il compulsait des dossiers, tandis que de l’autre côté d’une large baie, un gendarme écrivait, sans se soucier de ce qui se passait autour de lui.

— Qu’y a-t-il, Monsieur ? Demanda l’officier. Approchez, je vous en prie et donnez-moi des explications les plus précises possible.

Victor tournait toujours fébrilement son béret entre ses mains, attendant que le fonctionnaire commençât à lui poser des questions.

Le lieutenant, voyant que le visiteur ne se décidait pas à parler, donna quelques signes d’impatience.

— Alors, Monsieur, de quoi s’agit-il ? Dit-il, agacé. Mais asseyez-vous, je vous en prie.

Victor s’empressa de s’asseoir et répondit aussitôt :

— Je suis venu vous trouvez, mon lieutenant, pour une affaire très grave ; un de mes amis est en danger de mort !

— Diable ! S’exclama le jeune officier en le dévisageant avec un sourire incrédule.

— Je vous affirme que je n’exagère pas ! Protesta vivement le chauffeur. Mon client s’appelle Marius, il est aussi mon ami. Je viens de le conduire jusqu’à la villa du docteur Mollet, à une dizaine de kilomètres d’ici ...

— Je vous en prie, arrivez au fait ! Interrompit le lieutenant, agacé. J’ai peu de temps à perdre !

— J’y arrive, mon lieutenant. Cet ami est donc entré dans cette propriété. Mais auparavant il m’avait recommandé de venir vous demander du secours s’il ne m’avait pas rejoint à une heure de l’après-midi. J’ai attendu jusqu’à une heure un quart, et comme je ne l’ai pas vu revenir ... me voici ! C’est tout !

— Mon bon ami, je crains fort que vous vous alarmiez à tort. Je ne comprends pas bien cette histoire. Votre ami est entré dans cette maison, bon ! Mais pourquoi vous a-t-il chargé de venir nous alerter ?

— Je ne le sais pas exactement, mon lieutenant, convint avec franchise Victor Regaud. Mais comme il m’avait prié de vous alerter, je pense qu’il est de mon devoir de le faire. Je ne crois pas me tromper en vous disant qu’il craignait pour sa vie !

Le lieutenant jeta un rapide coup d’œil à son subordonné lequel lui répondit pas un geste rapide, signifiant que ce curieux visiteur devait avoir l’esprit quelque peu dérangé et qu’il ne fallait pas attacher une grande importance à ses propos.

Malgré son aspect froid et un peu sec, l’officier avait pris l’habitude de toujours écouter les plaignants avant de prendre une décision, et de prêter une oreille attentive aux histoires qui lui étaient débitées.

— D’après ce que vous me dites, Monsieur, votre ami craignait pour sa vie, et malgré cela il n’a pas hésité à entrer dans cette maison. Pouvez-vous m’en donner la raison ?

— Certainement, mon lieutenant ; il cherchait à secourir une femme, expliqua Victor, qui ne se sentait pas à son aise ... une femme de ses amies.

— C’est un véritable roman policier que vous me racontez ! S’exclama l’officier de gendarmerie en riant. J’espère que la suite sera aussi intéressante !

Il s’interrompit, fronça les sourcils, fixa avec sévérité ce curieux visiteur et ajouta :

— Faites attention à ce que vous allez me dire, mon bonhomme !

Et ne me racontez surtout pas de blague, sinon vous aurez affaire à moi. Je vous préviens tout de suite que je ne serai pas indulgent !

A ces paroles, le pauvre Victor sursauta sur son siège en pâlissant, regrettant vivement de s’être engagé dans une telle mésaventure et surtout d’avoir accepté de faire la démarche dont Marius l’avait chargé.

Toutefois, il se ressaisit et répondit, avec un grand accent de sincérité :

— Mon lieutenant, je vous jure que je ne vous ai dit que la pure stricte vérité. J’admets que cette histoire puisse vous paraître invraisemblable et extraordinaire, mais si vous voulez bien m’en laisser le temps, je vais vous l’expliquer le plus clairement possible.

Le jeune officier se radoucit, jeta à nouveau un coup d’œil vers son subordonné, que cet entretien semblait amuser énormément, et répondit en soupirant :

— Parlez ! Mais je vous prie d’être très clair et racontez-moi tout ce que vous savez.

Le brave chauffeur se gratta la tête, essayant de rassembler ses idées. Puis, il sourit et commença avec beaucoup de calme :

— Cette histoire a débuté lorsque le docteur Mollet qui est un de mes clients habituels m’a demandé de l’emmener de Paris avec quelques gros bagages dans sa propriété de Melun, en me recommandant le plus grand secret ... De plus, ce voyage devait être effectué en pleine nuit.

Il s’interrompit, regarda le lieutenant, comme pour constater l’effet produit par ses paroles, puis satisfait, poursuivit :

— Bien que fort original, le docteur Mollet payant largement ses déplacements. J’ai donc accepté sans poser la moindre question, car il n’aime pas beaucoup qu’on se mêle de ses affaires et ...

— Je vous ai déjà recommandé de ne pas vous écarter du sujet ! Interrompit l’officier de gendarmerie.

— Bon ! Bon ! J’allai donc le chercher comme convenu, et à trois heures du matin, nous descendions l’escalier, évitant de faire le moindre bruit, transportant une énorme malle, divers autres bagages, ainsi qu’un ami du docteur qui semblait être très souffrant, mais dès le premier coup d’œil, je me suis aperçu qu’il s’agissait d’une femme.

Le lieutenant s’exclama agacé :

— Je vous prie de vous exprimer avec précision ; était-ce un homme ou une femme que vous avez aidé à descendre ?

— C’était bien une femme, mon lieutenant, mais déguisés en homme. Je vous jure que c’est la vérité ! Affirma énergiquement le brave Victor.

L’officier de gendarmerie s’adressa alors à son subalterne :

— Jordan, lui dit-il, dressez, je vous prie le procès-verbal de tout ce que vous entendrez !

Ce dernier s’empressa d’obéir, saisit sa plume et tendit l’oreille pour sténographier la déposition du chauffeur.

— Poursuivez votre récit, reprit l’officier, mais soyez surtout clair et concis. Que s’est-il passé ensuite ?

Victor haussa les épaules.

— Ensuite, mon lieutenant, nous sommes tous partis en voiture. L’assistant du docteur s’était également joint à nous.

Et le chauffeur continua son histoire avec une abondance de détails et de commentaires, malgré les continuelles observations de son interlocuteur.

Lorsqu’il arriva à l’incident qui l’avait fort impressionné ; la malle en tombant du taxi s’était ouverte, révélant ainsi son contenu, le lieutenant et son collaborateur sursautèrent et se regardèrent, ahuris.

Il était évident qu’ils ne croyaient pas aux paroles du chauffeur. Victor le comprit et pâlit. Il se tut et regarda les deux hommes d’un air indigné et s’écriant :

— Il est tout à fait inutile que je continue à vous expliquer ce qui s’est passé si vous ne me croyez pas. Pourtant, je ne vois pas pour quelle raison, je serais venu vous voir, s’il en avait été autrement ? Je vous jure, mon lieutenant, que je vous ai dit la vérité si incroyable qu’elle vous paraisse, et vous supplie d’agir vite, car mon pauvre client court sans doute un très grave danger ainsi que la malheureuse qu’il désirait secourir !

— C’est entendu, répondit aimablement le lieutenant en adressant un rapide coup d’œil d’intelligence à son sous-ordre. Je vais voir ce qu’il y a lieu de faire. (Puis fixant un regard scrutateur sur Regaud, il ajouta sévèrement) : Avant tout, pouvez-vous me certifier que vous m’avez dit la vérité ?

— Oh ! S’indigna le brave homme offensé, combien de fois me faudra-t-il vous le répétez encore ? Je ne ...

L’officier l’interrompit :

— Je voulais dire que vous avez pu exagérez un peu, emporté par la chaleur de votre récit. Vous savez, quelquefois on parle, on parle et on brode, sans même s’en rendre compte !

— Mais pas du tout ! Protesta énergiquement le chauffeur, je ne vous ai dit que la stricte vérité, mon lieutenant !

Il y avait un tel accent de sincérité dans sa voir que, durant un instant, le jeune officier en fut touché. Puis, réfléchissant, il lui sembla que cette histoire ne tenait pas debout et il décida de brusquer les choses.

— Bien, dit-il lentement en allumant une cigarette et en fixant les volutes de fumée montant vers le plafond, je pense que vous n’ignorez pas que dans notre métier, nous sommes forcés de vérifier scrupuleusement tout ce qui nous est apporté avant d’entreprendre une expédition de ce genre !

Le grave chauffeur sursauta sur son siège.

— Que voulez-vous insinuer, mon lieutenant ? S’exclama-t-il.

— Rien de plus ! Continua le fonctionnaire en soupirant. Pour le moment, vous allez rester ici pendant que j’enverrai un gendarme contrôler ce qu’il y a d’exact dans votre histoire et ensuite je déciderai de ce qu’il y aura lieu de faire.

— Vous allez envoyer quelqu’un chez le docteur Mollet ? S’écria Victor. Qu’il se tienne sur ses gardes car son intervention peut être très dangereuse pour lui !

— Ne vous tourmentez pas pour nous ! Nous connaissons notre métier !

Ces paroles furent prononcées avec une telle sècheresse que le malheureux réalisa tout à coup que, malgré les gentillesses et les sourires prodigués, il n’avait pas été cru. Il s’enferma alors dans un silence réprobateur, tandis que le gendarmer Jordan, quittant vivement sa chaise, ouvrait la porte du bureau et appelait un collègue.

Inquiet, Victor tourna la tête dans cette direction et vit entrer le gendarme qui l’avait accueilli à son arrivée. Sur un signe presque imperceptible de son supérieur — signe qui échappa à l’infortuné plaignant — il s’approcha du chauffeur et lui ordonna avec brusquerie :

— Suivez-moi !

Le visage aussi blanc que le col de sa chemise, le pauvre Regaud essaya de protester :

Le visage aussi blanc que le col de sa chemise, le pauvre Regaud essaya de protester :

— Mais ... qu’es-ce que ça signifie ?

— Je vous ai dit de me suivre, répéta le gendarme en le tirant par un bras.

— Monsieur le lieutenant ! Bredouilla Victor suffoqué. (Puis croyant deviner leur intention il hurla) : Non ! Vous ne pouvez agit ainsi avec moi ! Je vous ai dit la vérité, je vous le jure. Quel crétin j’ai été de faire la commission dont m’a chargé Marius !

— Allons ! Allons ! Gronda l’officier. Obéissez et calmez-vous si vous tenez à ne pas avoir d’ennuis ! Vous devez admettre que je suis forcé de procéder à une petite enquête ... Je vous demande donc de ne pas trop vous agiter, sinon je me verrai dans l’obligation d’appeler une ambulance.

Victor baissa la tête avec résignation. Il n’avait pas le choix et ne tenait pas à compliquer son cas. Il suivit le gendarme qui le conduisit dans une minuscule pièce, servant de cellule où il l’enferma ... Heureusement pour lui, il n’avait pas de compagnon !

— Vous avez entendu ce qu’a dit le lieutenant ; pas de scandale ça vaudra mieux pour vous ! Lui dit-il avant de refermer la porte.

Victor se laissa tomber sur l’escabeau, en proie à une véritable crise de découragement.

{ A SUIVRE LE 2 NOVEMBRE }

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