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MOINEAUX SANS NID N° 48

14 Août 2011, 09:00am

Publié par nosloisirs

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48 SAINT OU COQUIN ?

 

Lorsque l’abbé Louis et Pierrot se présentèrent chez lui, Paul Macaire n’y était pas. Un voisin leur dit qu’il ne tarderait pas et que, s’ils voulaient l’attendre, il arriverait bientôt. Ce qu’ils firent.

En effet, peu de temps après, Paul Macaire apparaissait. Il revenait d’une visite à Alice, qu’il avait connue – nos lecteurs s’en souviennent sans doute – chez Valérie. Mais il n’avait rien tiré de cette entrevue, puisque le dernier testament était détruit. Alice n’avait plus rien à craindre ; les véritables et seuls héritiers étaient elle et ses frères.

Paul Macaire revenait donc chez lui très mécontent. Pourtant en voyant l’abbé Louis, il le salua avec empressement et le fit entrer dans un petit bureau dont le mobilier était vieux et abîmé. Aux murs, de nombreuses images pieuses étaient accrochées.

— En quoi puis-je vous être utile, mon Père ? demanda-t-il sur un ton mielleux qui lui était familier.

— Je suis venu vous entretenir d’une affaire très délicate, répondit le prêtre.

— Parlez ! Vous savez bien que je serai heureux de rendre service à un des prêtres les plus méritants de notre paroisse.

— Merci, monsieur Macaire. Je ne mérite pas de tel compliment ... Mais venons-en au fait !

Paul Macaire examinait attentivement Pierrot qui, silencieux, se tenait debout auprès de l’abbé.

— S’agirait-il de quelque chose au sujet de cet enfant ? demanda l’homme d’affaires.

— Oui, répondit le prêtre. C’est une très longue histoire assez étrange ... quelque chose qui va vous surprendre.

— Pas grand’chose me surprend ! dit l’autre en souriant.

— C’est vrai ... Vous en avez tant vu dans ce bas monde !

— En effet, pas mal !

— Eh bien ! S’il s’agit de savoir ce qu’il y a lieu de faire dans le cas d’une spoliation donc a été victime ce gamin. Il s’agit d’un gros héritage, commença l’abbé Louis.

Les yeux de Paul Macaire commencèrent à briller. Intéressé, il s’approcha de son interlocuteur.

— Ah ! Murmura-t-il. Continuez, je vous écoute ...

Le prêtre se retourna vers le gamin.

— Pierrot, veux-tu dire une seconde fois toute l’histoire que tu m’as racontais tout à l’heure ? Il faut que Monsieur Macaire soit bien au courant puisque nous lui demandons son aide.

— C’est tellement invraisemblable qu’il ne voudra pas me croire !

— N’aie pas peur ! Je sais, moi, que c’est la vérité ! De plus, tu as devant toi un honnête homme qui peut nous conseiller utilement.

Malgré les paroles encourageantes du bon abbé, Pierrot hésitait ... La rue, la liberté, ses rapports continuels avec des gens de toutes sortes, la lutte qu’il avait dû mener pour vivre, depuis sa plus tendre enfance, lui avaient appris à reconnaître avec une certaine expérience la valeur des hommes.

Et l’individu qu’il avait devant lui, ne lui inspirait pas confiance ! Pourtant, l’abbé Louis avait tant vanté son honnêteté qu’il devait se tromper, pensait-il. Aussi, sans plus hésiter, Pierrot commença-t-il à raconter sa vie.

Il parla de la mère Picquet, de Mireille, et de tous les personnages qu’il avait connus de près ou de loin depuis son enlèvement. Il raconta aussi sa séquestration, ce qu’il avait entendu dire concernant le marquis, ce qu’il avait découvert depuis qu’il était revenu à Paris ...

— Et maintenant, vous en savez autant que moi, conclut-il en soupirant profondément.

Paul Macaire se gratta le menton ... Pour gagner du temps, il s’occupa du feu qui brûlait dans la cheminée et, enfin il déclara :

— Pour moi, toute cette histoire a été imaginée par le cerveau fertile de ce garçon !

— Que dites-vous ? s’exclama Pierrot, indigné. Je n’ai rien inventé du tout ! C’est la pure vérité !

— je ne doute pas que ce soit la vérité en ce qui concerne ta vie, riposta le sinistre individu, mais pour l’histoire de l’héritage et ta supposition d’être le fils de Julien Delorme, là, je ne te crois plus ! D’ailleurs, je connais les neveux du défunt et je peux assurer que ce sont des gens incapables d’un pareil forfait !

— Alors, demanda le gamin, pourquoi parlaient-ils ainsi du vieil oncle et de l’héritage ? Pour quelle raison m’ont-ils enlevé et garder prisonnier ?

Paul Macaire réfléchit encore un instant et répondit :

— Monsieur le marquis avait certainement l’intention de te protéger et de faire de toi un brave homme ... Pourquoi tant de méfiance envers lui ?

A ces mots, l’abbé Louis intervint.

— Je m’excuse de vous interrompre, monsieur Macaire, dit-il d’un ton conciliant mais les soupçons de cet enfant me semblent justifiés.

— Vous croyez cela ?

— Je le crois si bien que je l’ai amené ici, dit le prêtre. Je dois admettre que la conduite de ce marquis d’Evreux me paraît bien étrange ... S’il voulait réellement protéger ce gamin, qu’avait-il besoin de le séquestrer ?

— Parce que Pierrot était habitué à une vie libre et sans aucune discipline ... Le marquis qui lui voulait du bien, l’a envoyé dans cette maison de campagne pour l’habituer à obéir et lui permettre d’oublier ses habitudes de la rue. Il n’avait certainement pas d’arrière-pensée.

— Et moi, je vous dis que c’est un coquin ! Affirma Pierrot.

— De qui parles-tu ? demanda Macaire, alarmé à l’idée qu’il pouvait être question de lui. Parles-tu du marquis ou de moi ?

« Des deux » fut sur le point de répondre l’enfant, mais il se retint à temps et dit :

— Du marquis, naturellement.

— Mon enfant, il faut savoir modérer tes expressions ! lui dit le prêtre avec douceur.

— S’il n’était pas un coquin, pourquoi aurait-il agi ainsi avec moi ? demanda Pierrot. Et puis, je l’ai entendu dire ...

— Que lui as-tu entendu dire ? Questionna Paul Macaire.

— Que son oncle laissait un fils naturel ...

— Et tu crois que c’est toi ?

— Bien sûr ! Vous ne comprenez donc pas que les neveux voulaient me cacher ? Pourquoi l’auraient-ils fait s’il n’y avait pas eu cette raison ?

— Il me semble que tu vas un peu loin, fit remarquer l’homme d’affaires, prenant sa voix la plus douce.

— En somme, vous ne voulez pas vous charger de cette affaire ? demanda l’abbé Louis.

— Je l’étudierai attentivement, répondit le fourbe, mais je pense qu’il n’est pas souhaitable de prendre tout cela au sérieux. J’irai vous voir dans deux jours et nous reparlerons de cette affaire à tête reposée.

— Très bien ! J’attends votre visite, conclut le prêtre en se levant pour prendre congé.

— Entendu ! Lança l’autre, apparemment très satisfait.

— De toute façon, ajouta l’abbé Louis, je vous prie de garder le silence le plus absolu sur cette histoire.

Paul Macaire fit un geste qui signifiait : « Cette recommandation est inutile » et l’accompagna jusqu’à la porte.

Mais à peine les deux visiteurs avaient-ils passé le pas de la porte, qu’il se mit à manifester sa satisfaction ; il se frottait les mains et, se parlant à lui-même, disait les yeux brillants de joie ?

— Quelle affaire !... la plus belle de ma vie ! la plainte était donc motivée ! Et le fils, le véritable héritier est entre mes mains ! Oh ! Dieux immortels, vous m’avez apporté la fortune sans que je la cherche ! Il me faut réfléchir et me calmer avant d’entreprendre quoi que ce soit !

« Quand je pense que c’est un prêtre qui m’apporte cette affaire ! Si je me mets du côté de l’enfant, quel avantage vais-je en tirer ? Bien peu de choses, en vérité ? La récompense qu’il pourrait me donner, de toute façon ne me suffirait pas ! Par contre si je me mets avec les autres, ce sera là, une mine inépuisable. Et quel sera mon adversaire ? Un gosse de neuf ou dix ans soutenu par un prêtre qui me prend pour un saint.

« Je placerai le gosse dans une pension dont on ne le laissera plus sortir ... Quand au prêtre, je le ferai changer de paroisse, ou bien je m’arrangerai pour faire courir de faux bruits à son sujet ... Tout cela est très facile, très facile !

« Je commence à voir clair ! Maintenant je vais fêter cette affaire d’or à ma manière ! D’abord, un bon dîner au restaurant, ensuite une séance au cinéma, puis le cabaret ... Il faut bien s’amuser un peu de temps en temps !

« Mais avant de sortir, jetons un petit coup d’œil sur nos archives ! Peut-être ai-je quelque chose sur Julien Delorme ? Avant d’agir, j’aimerais bien avoir quelques renseignements complémentaires.

Il retourna dans la pièce qui lui servait de bureau et entreprit de trouver ce qu’il était venu chercher parmi une grande quantités de dossiers classés soigneusement.

Pendant ce temps, l’abbé Louis et Pierrot cheminaient en silence. Presque arrivés au presbytère, le prêtre demanda :

— Que penses-tu de ce monsieur ?

— Je ne sais pas quoi vous dire, Monsieur l’abbé, répondit le gamin avec réticence.

— C’est un saint homme !

— Il me semble que le saint c’est vous ! Affirma l’enfant.

— Mais lui aussi, je te l’assure ! Il fera pour toi tout ce qu’il pourra !

Pierrot eut un instant d’hésitation, puis demanda avec franchise :

— Ecoutez, Monsieur l’abbé, voulez-vous que je vous dise toute ma façon de penser ?

— Bien sûr !

— Je crois qu’il ne fera rien du tout !

— Pourquoi dis-tu cela ? s’étonna le prêtre surpris.

— Parce qu’il m’a bien l’air d’un louche individu.

— Ciel ! Il n’y a pas plus croyant, pas plus honnête ! On ne trouve pas meilleur que lui !

— Peut-être ; je ne dis pas non, mais quand même ...

Le prêtre hocha la tête et remarqua avec tristesse :

— Tu es très méfiant, mon enfant ! Je n’aime pas cela !

— Pardonnez-moi, Monsieur l’abbé ... Ne vous fâchez pas ! Je suivrai vos conseils, puisque je me suis confié à vous.

Et tous deux continuèrent à cheminer sans plus échanger une parole …

 

( A SUIVRE LE 17 AOUT )

 

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