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MOINEAUX SANS NID N° 219

9 Janvier 2013, 09:00am

Publié par nosloisirs

 

CHAPITRE-219--.jpegAu début tout se déroula comme l’avait prévu Paul Macaire.

Le lendemain matin, Edwige et Marius revinrent frapper à la porte de l’homme d’affaires.

Lorsqu’il remarqua leur attitude embarrassée, l’usurier se réjouit intérieurement.

— Entrez ! Entrez ! Les accueillit-il très aimablement. Vous avez l’argent, j’espère car j’ai quelque chose d’incroyable à vous révéler concernant madame Picquet qui sera ainsi complètement à votre merci.

Les yeux de Marius étincelèrent tels ceux d’un fauve.

— Vrai ? S’exclama-t-il ravi. Qu’est-ce que c’est ?

— Un instant ! Fit l’usurier, et mes vingt mille francs ? L’argent d’abord, je parlerai après.

Les deux visiteurs baissèrent la tête, honteux et confus. Macaire les fixa silencieusement quelques secondes, puis reprit :

— D’après votre silence, je crois comprendre que vous êtes venus ici les mains vides, n’est-ce pas ?

— Je vous supplie d’être patient, monsieur Macaire ! S’écria Edwige. C’est vrai, nous n’avons pas cette somme. Il ne nous a pas été possible de nous la procurer. Ne pouvez-vous attende quelque jours encore ? Dites-nous pour le moment ce que vous savez, et peut-être « l’Araigne » lorsque nous irons la trouver, se déciderait-elle à payer sur-le-champ notre silence. Alors nous reviendrons aussitôt vous régler ces vingt mille francs.

— Non ! Interrompit énergiquement Macaire. Je regrette beaucoup, madame Ramier, mais je ne dirai rien avant d’avoir touché mes honoraires. Revenez demain ou après, mais seulement lorsque vous aurez la somme.

— Tu vois ! Je te l’avais bien dit ! Soupira Edwige en se tournant vers Marius, blanc de colère. Viens, allons-nous-en.

— Ne pouvez-vous pas vous faire prêter cet argent ? Demanda doucement Macaire.

— Impossible ! Soupira-t-elle. J’ai déjà essayé auprès de quelques amis, mais personne n’a pu m’avancer une telle somme.

Après un bref silence, Macaire reprit :

— Puis-je me permettre un conseil, même s’il vous semble absurde, madame Ramier ?

— Certainement, répondit Edwige, reprise d’une lueur d’espoir ...

— Voici : retournez voir madame Picquet et suppliez-là. Je suis certain qu’en insistant beaucoup, elle finira pas se laisser toucher.

Tous deux le dévisagèrent stupéfaits.

— C’est impossible ! Répliqua Edwige. Je connais trop cette femme et elle ne revient jamais sur sa décision.

— C’est assez juste. Pourtant je lui ai connu quelques exceptions. Suivez mon conseil ; allez la revoir et insistez. Dites-lui si vous voulez que c’est moi qui vous ai poussée à la revoir, n’ayant pu vous avancer moi-même cet argent.

Edwige finit par se laisser convaincre et tous deux décidèrent de revenir en fin de soirée chez macaire. Ils se rendirent sur l’heure à la villa de « l’Araigne ».

Lorsqu’ils arrivèrent devant la grille, Marius dit à sa compagne :

— Va la voir seule ! Elle ne me connaît pas et ça pourrait la gêner

Edwige obéit et sonna. Le vieux jardinier vint lui ouvrir et quelques secondes après, elle était reçue par la mère Picquet.

— Vous ! S’écria « l’Araigne ». Que se passe-t-il donc ?

— Je suis tellement désespérée ! Murmura Edwige n’osant lever les yeux sur la vieille femme. Je vous supplie de m’aider. Je sais, vous avez déjà refusé mais je n’ai personne à qui pouvoir m’adresser.

— Et dire que vous irez donner cet argent à ce misérable qui vous exploite ! Insinua méchamment « l’Araigne ».

— C’est faux. Marius ne m’exploite pas ! Protesta énergiquement Edwige. Il m’aime et veut m’épouser dès que les circonstances le permettront. Mais si je vous demande cet argent, c’est pour manger ! J’en suis réduite à ce point ! Ayez pitié de moi, je vous en conjure !

— Il m’est impossible de jeter à droite et à gauche un argent si durement gagné pendant de longues années ! Soupira la vieille femme. S’il s’agissait d’une autre personne que vous, je lui aurais interdit ma porte. Je déteste que l’on insiste après mon refus et vous ne l’ignorez pas. De plus, la pensée que ce Marius n’est qu’une canaille, un profiteur ...

— Assez, interrompit Edwige avec force. Je vous interdis d’insulter cet homme. Et vous n’avez pas non plus le droit de me traiter ainsi parce que je suis, actuellement dans le besoin, j’ai commis une grosse erreur, en revenant ! Aussi, je m’en vais immédiatement.

La vieille femme comprit qu’elle avait exagéré et que, si Edwige partait, le plan de l’usurier allait s’effondrer définitivement.

— Allons ! Allons ! Ne vous fâchez pas, ma chère, reprit « l’Araigne » plus conciliante. Je suis vraiment ennuyée de vous savoir dans une situation aussi précaire. Et comme je ne suis pas si mauvaise que vous le croyez, je vais m’occuper de vous.

Cette réponse inattendue pétrifia littéralement Edwige qui, les yeux écarquillés, fixa son interlocutrice, se demandant si elle avait bien compris.

— Certainement, répondit « l’Araigne » en lui souriant, et il n’y a rien d’étonnant à cela. Je vous connais depuis très longtemps et n’ai jamais rien eu à vous reprocher.

— Je suis navrée de vous savoir si angoissée et si, hier, j’ai été dure, je le regrette, mais pensais bien faire, croyant que vous étiez tombés entre les mains d’un homme sans scrupules et qui, par-dessus le marché, vous exploitait. Alors, dites-moi ce qu’il vous faut, et s’il ne s’agit pas d’une somme trop élevée, je désire vous tirer d’embarras.

— J’ai ... j’ai besoin de trente mille francs, murmura Edwige, n’arrivant pas à en croire ses oreilles.

« L’Araigne » faillit éclater, car elle savait que madame Ramier n’avait besoin que de vingt mille francs. Voilà qu’elle abusait de sa bonté !

Toutefois, elle se domina et répliqua en hochant la tête :

— C’est trop, je ne puis vous avancer que quinze mille francs.

Edwige pâlit à cette réponse et s’écria en joignant les mains :

— Je vous en conjure, madame Picquet, donnez-moi au moins, vingt mille francs, sinon, je ne pourrais jamais m’en sortir !

« L’Araigne » fit semblant de réfléchir, puis, après quelques secondes de silence, qui semblèrent des siècles à Edwige, elle se décida à déclarer :

— Entendu ! Vous aurez vingt mille francs, mais contre reçu, n’est-ce pas ?

L’affaire fut vivement bâclée. « L’Araigne » sortit un petit coffret de fer de la grande armoire normande, occupant tout un panneau de la pièce et en retira vingt mille francs qu’elle tendit à Edwige.

— J’espère que vous pourrez me les rendre le plus vite possible, reprit-elle avec une douceur inhabituelle dans la voix. Disons dans un mois. Toutefois, si vous aviez besoin d’un peu plus de temps, n’hésitez pas à me le demander. Je préfère ne pas fixer de date, plutôt que de ne pas être réglée à celle que nous aurons arrêtés ensemble.

Edwige réfléchit, puis affirma :

— Je vous rembourserai dans un mois, madame Picquet, je vous le promets et vous savez que je suis toujours très ponctuelle.

— En tout cas, si vous aviez besoin de quelques jours de plus, prévenez-moi à l’avance, ajouta « l’Araigne » très gentiment.

— Je vous remercie beaucoup, mais un mois me suffira. D’ici là j’aurai eu le temps de rétablir la situation et vous restituerai l’argent. Vous n’avez rendu un immense service et je ne l’oublierai jamais !

« Infâme canaille ! Pensa la vieille femme retenant à temps la bordée d’insultes qui lui montait aux lèvres, comédienne ! Je m’amuserai bien le jour où tu te rendras compte que tu es tombée dans le piège que je t’ai tendu ! »

Edwige, qui glissait dans son sac la somme remise par la vieille femme, ne remarqua pas le regard haineux qu’elle lui jetait, car si elle l’avait fait, elle aurait sans doute compris que cette gentillesse cachait une intention très inquiétante.

— Je vous remercie encore, madame Picquet, reprit-elle joyeusement, car votre intervention m’aidera à résoudre une situation vraiment dramatique. Maintenant permettez-moi de m’en aller. Je suis pressée et ne veux pas vous faire davantage perdre votre temps.

— Au revoir, ma chère, répondit « l’Araigne ». J’espère que tout s’arrangera au mieux pour vous et que je vous reverrai bientôt.

Edwige était si contente qu’elle ne releva pas l’ironie enfermée dans ces paroles. Elle s’empressa de prendre conge de « l’Araigne » et partit, après l’avoir remerciée une dernière fois.

La mère Picquet s’approcha de sa fenêtre pour la regarder traverser rapidement le jardin et quitter le pavillon. Si Edwige avait pu voir son expression méchante, elle en aurait sûrement été épouvantée.

« Bientôt, ricana la mégère, tu comprendras avec qui tu as affaire et tu te traîneras à mes pieds, comme un misérable ver ! ».

Marius pendant ce temps, avait fait les cent pas dans la rue fumant cigarette sur cigarette. Dès qu’il aperçut Edwige, il jeta son mégot et courut à sa rencontre.

— Eh bien ? Questionna-t-il, anxieux.

— Ca y est ! Annonça-t-elle avec un sourire triomphant. Paul Macaire avait raison, cette fois elle n’a pas été insensible et m’a prêté les vingt mille francs ... à ma grande stupeur je dois le reconnaître.

— Peu importe ce que tu penses, déclara-t-il assez brusque. Ne perdons pas une minute en discussions inutiles. Allons immédiatement chez Macaire au lieu d’attendre jusqu’à cet après-midi. J’espère que ce qu’il nous révélera sera d’importance, sinon gare à lui !

Et tous deux pressèrent le pas, impatients d’arriver chez l’homme d’affaires.

— Je crois deviner que vous avez l’argent cette fois ! S’exclama l’usurier, nullement étonné de les revoir si rapidement.

Après les avoir fait passer dans son bureau et s’être installé à sa table de travail, il alluma une cigarette et attendit, en les fixant d’un air interrogateur.

— C’est vrai ! Reconnut Edwige en souriant, vous aviez deviné juste, monsieur Macaire, car madame Picquet ne s’est pas trop fait prier.

— J’espère à présent, intervint avec impatience Marius, que vous allez vous décider à parler.

— Certainement, affirma l’usurier en souriant, mais auparavant je vous prie de bien vouloir régler mes honoraires.

Ce disant, il sortit une feuille de papier d’un tiroir de son bureau et se mit à écrire quelques lignes d’une belle écriture ronde et régulière. Puis il ajouta :

— Voici le reçu des vingt mille francs et l’engagement de vous les rendre au cas où les renseignements ne vous satisferaient pas.

Edwige à son tour, ouvrit son sac et en retira l’argent qu’elle déposa sur le bureau de l’usurier. Macaire prit les billets et lui tendit en échange la feuille de papier. Puis se carrant dans on fauteuil, un large sourire aux lèvres, il s’écria :

— Je vais, à présent, vous dévoiler un fait qui vous permettra d’attaquer, très avantageusement, cette mégère.

Macaire se tut quelques secondes pour mieux jouir de l’impatience de ses visiteurs. Comme Marius ouvrait la bouche, il l’arrêta d’un geste et poursuivit :

— Il ne s’agit pas d’un secret à proprement parler, mais plutôt d’un incident que « l’Araigne » tient à cacher.

Le visage de Marius exprima une vive désillusion et il jeta un coup d’œil inquiet à Edwige.

— Vous croyez qu’il pourra quand même nous être e quelque utilité ? Demanda-t-elle.

— Certainement ! S’exclama Macaire, mais laissez-moi le temps de vous expliquer, vous allez en juger par vous-même. Vous n’ignorez pas, vous tout au moins, Madame, que « l’Araigne » a gardé avec elle une fillette, sa fille adoptive, à laquelle elle n’a pas témoigner de tendresse excessive.

— En effet, je la connais la pauvre enfant, et madame Picquet ne l’a jamais beaucoup gâtée, reconnut Edwige.

— Eh bien ! C’est elle qui sera le principal argument de votre plan de bataille.

— La petite Mireille ? S’écria Edwige très déçue. Je ne vois pas du tout ce ...

— Soyez patiente, interrompît-il. Je sais que le Juge d’instruction à déjà eu l’occasion de réprimander la mère Picquet au sujet de l’enfant. Il l’a menacée de la lui retirer, si elle la maltraitait, pour la confier à un orphelinat, et ne lui a pas caché qu’il prendrait alors de très sévères mesures à son égard.

Les yeux d’Edwige étincelèrent.

— Je crois deviner votre idée ! S’exclama-t-elle. Et je la trouve excellente !

— Et comment ! Affirma l’usurier. En ce moment, la fillette est à l’hôpital. Elle a été victime d’un accident, heurtée par une auto. Il est certain que la pauvrette, poussée par le désespoir motivé par les mauvais traitements de madame Picquet, a essayé de mourir.

— Ciel ! Murmura Edwige en sursautant. Est-ce possible ?

— J’en suis absolument convaincu, ajouta tranquillement Macaire, et c’est là votre argument ? Menacez madame Picquet de la dénoncer comme responsable du geste désespéré de Mireille, et je suis persuadé que vous obtiendrez d’elle ce que vous désirez.

— Mais quelles sont les preuves de sa responsabilité ? S’enquit Marius qui, jusqu’ici, s’était contenté d’écouter en silence.

Paul Macaire haussa les épaules.

— Les preuves ne sont pas nécessaires, affirma-t-il. Si la police veut bien se donner la peine d’enquêter, elle découvrira que malgré toutes ses promesses, « l’Araigne » a continué à traiter Mireille avec beaucoup de dureté, la poussant ainsi au désespoir. Et puis, vous verrez bien les réactions de cette femme et ses arguments lorsque vous lui parlerez !

— Je vous ai mis sur la bonne route. A vous de jouer à présent !

Edwige et Marius échangèrent un long regard puis se levèrent, aussitôt imités par macaire.

— très bien ! Si les choses sont vraiment telles que vous les décrivez, je crois que « l’Araigne » sera forcée de s’exécuter. Mais si vous vous êtes trompé, je vous tiendrai comme responsable de notre échec, déclara Marius assez durement.

— Ayez confiance en moi ! Répliqua Macaire, toujours souriant. Allez tout de suite chez madame Picquet. Parlez-lui sans détours et vous constaterez, vous-même, son inquiétude et sa frayeur.

Partons immédiatement ! S’écria Marius, et si ce que nous espérons se réalise, après avoir exigé une somme très importante de cette vieille, je reviendrai vous en récompensez, monsieur Macaire.

Un sourire indéfinissable se dessina sur les lèvres et pâles de l’usurier.

— Dans ce cas, je suis convaincu de vous revoir sous peu, et c’est certainement avec plaisir que j’accepterai votre offre, ajouta-t-il mielleusement, en reconduisant ses nouveaux clients jusque sur le palier.

« Très bien ! S’exclama-t-il en refermant sa porte. Ils sont plus naïfs encore que je ne le supposais. Ils n’ont pas eu le moindre petit soupçon. Et quand ils réaliseront que de chasseurs ils deviennent gibier, il ne leur sera pas possible de revenir sur leurs pas ... Décidément j’ai beaucoup de chance ! Il faut toujours savoir saisir le moment propice dans la vie, d’autant plus qu’en ces temps de guerre on ne sait jamais !

« Et puis, avec madame Picquet, nous pourrons vivre tranquillement et nous reposer, car la mère Ramier se chargera de remplir nos goussets !... »

— Mais qu’est-ce que tu as ? S’écria Marius, en remarquant le peu d’enthousiasme d’Edwige, tu hésites à présent ?

Maintenant, ils n’étaient plus très éloignés du petit pavillon de madame Picquet, dont ils apercevaient le toit de briques rouges à travers les arbres de son jardin.

En, effet, Edwige paraissait assez soucieuse.

— Ecoute ! Marius lui répondit-elle soudain ; Pourquoi avant d’aller lui parler, n’essayerions-nous pas de prendre de plus amples renseignements ?

Le visage de Marius s’assombrit et il ne put pas retenir un geste de mauvaise humeur.

— Qu’est-ce qui te prend à présent ? Questionna-t-il avec irritation. Nous n’avons pas tellement de temps à perdre ! Nous arrivons au bout de nos ressources et chaque minute qui s’écoule est tragique pour nous.

— Je crains que Paul Macaire ne se soit pas suffisamment renseigné, expliqua Edwige avec inquiétude. Que se passerait-il si ce qu’il nous a raconté n’était pas exact ? Si tu connaissais cette femme comme moi, je t’affirme que tu hésiterais toi aussi.

Il haussa les épaules et répondit :

— Je ne dis pas que tu aies tort et te comprends dans un certain sens, mais je raisonne plus froidement que toi, et je sais très bien que dans cette affaire nous n’avons rien à craindre. A mon avis, Macaire nous a confié le seul fait dont nous puissions tirer avantage. Evidemment, il n’en connaît pas d’autres concernant cette diablesse. S’il s’est trompé, nous serons forcés de renoncer à lui faire payer notre silence. Alors, nous chercherons une autre affaire du même genre.

Achevant ces paroles, il saisit la main d’Edwige, essayant de l’entraîner, mais elle ne bougea pas.

— Voyons ne t’effraie pas ainsi, ma chérie, ajouta-t-il et si, comme je viens de te le dire, nous ne réussissions pas avec elle, il existe des tas d’autres gens qui désirent que l’on ne se mêle pas de leur vie privée. Ca ne nous sera pas très difficile, crois-moi, de trouver une autre personne que nous ferons chanter pour en retirer de l’argent.

Il commença à avancer lentement, et Edwige se décida finalement à l’imiter.

— D’ailleurs, poursuivit-il, en s’exaltant au fur et à mesure qu’il parlait, je n’ai pas l’intention de me contenter de cette affaire, et « l’Araigne » ne sera pâs notre unique poule aux œufs d’or. J’ai en tête d’autres grands projets ... Mais il me faut un petit capital, qui, ensuite, nous rapportera une véritable fortune.

Edwige tressaillit. C’était la première fois que Marius, dont elle s’était éperdument éprise, lui révélait aussi cyniquement sa véritable nature.

Tout d’abord, elle frissonna, effrayée.

Se serait-elle trompée sur lui ? Etait-il différent de ce qu’elle pensait ? Cependant, sa passion, sa tendresse, sa générosité ne pouvaient pas être le résultat d’une comédie, jouée afin de la pousser à agir, à assumer la plus grande part de responsabilité pour acquérir la mine d’or à laquelle il aspirait tant.

Son cœur de femme amoureuse, assoiffé d’amour, refusait d’admettre une telle supposition ... Non ! C’était impossible, car Marius l’aimait et ne pouvait être différent de l’idée qu’elle s’en faisait ! Tous deux, se trouvaient dans l’impossibilité de réaliser leur rêve d’union pour la vie, et étaient obligés de recourir à des moyens peu recommandables, certes afin de gagner un peu d’argent ... Cela ne signifiait pas aux yeux d’Edwige que Marius était un mauvais sujet, ni un exploiteur !

Et bientôt, lorsqu’ils auraient obtenu la somme exigée de madame Picquet pour payer leur silence, ils commenceraient une existence nouvelle, simple, honnête et paisible. Marius trouverait une occupation digne et sans aucune équivoque.

Tandis que madame Ramier agitait ses pensées dans sa tête, elle et Marius venaient d’atteindre la grille du pavillon occupé par « l’Araigne ».

— A quoi penses-tu ? Demanda-t-il. Nous présentons-nous ensemble à madame Picquet ou préfères-tu lui parler seule ?

Edwige réfléchit.

— Je vais y aller seule, répondit-elle après un léger silence, c’est préférable, pour la première fois que nous discutions sans témoin. Peut-être ainsi, me fera-t-elle plus facilement quelques confidences.

— Tu vas tout de suite lui demander de l’argent ? Reprit Marius anxieux.

— Ca dépendra de la façon dont se déroulera cet entretien, répondit Edwige. Il serait plus sage de lui laisser le temps de réfléchir. J’agirai de manière à ce que ce soit elle qui me propose de payer mon silence.

— Peut-être as-tu raison ! Soupira Marius. Pourvu qu’elle consente à te verser tout de suite quelques dizaines de milliers de francs !

— Je ne pense pas qu’il soit prudent d’exiger une grosse somme au début, répliqua fermement Edwige. Il vaut mieux qu’elle ait le temps de réaliser la gravité de sa situation.

— Tu as raison ! Affirma-t-il en souriant. Je te laisse l’entière initiative de cette entreprise. Je ne m’éloignerai pas, et si elle avait une réaction violente envers toi, vu son odieux caractère, je serai prêt à intervenir à temps pour te défendre.

— N’aie pas peur ! Rassura-t-elle en riant. Je sais, moi aussi sortir mes griffes lorsque c’est nécessaire.

Après un dernier sourire, elle attendit qu’il se fût éloigné de quelques mètres, puis sonna résolument à la porte de la villa.

 

( A SUIVRE LE 12 JANVIER )

 

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