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MOINEAUX SANS NID N° 147

6 Juin 2012, 09:00am

Publié par nosloisirs

 

CHAPITRE-147-.jpegLe principal but de Jean Marigny le vil séducteur de Valérie Labeille était de réussir à reconquérir au moins l’estime de la fille de Michel puisqu’il ne pouvait plus prétende à son amour qu’il avait à jamais perdu.

En réalité ce que désirait ce misérable était d’arriver à s’emparer de l’immense fortune de Labeille.

«  L’unique obstacle qui l’empêche de retomber sous sa coupe, se disait le lamentable personnage, c’est Robert Montpellier ce damné barbouilleur !

Son imagination fertile échafaudait toutes sortes de plans machiavéliques pour arriver à ce que Valérie, même ne l’aimant pas, devienne sa femme.

«  Je dois y parvenir à tout prix ! Se répétait-il car si le crime ne m’effraie pas, la misère par contre m’épouvante !

Et il estimait qu’il se trouvait en ce moment dans la misère, car le modeste secours de Michel Labeille lui permettait seulement de subsister et non de se livrer aux folles dépenses qu’il aurait souhaité faire en menant la vie à grandes guides.

« Il m’a traité absolument comme un mendiant ! » Se disait le misérable avec rage.

Quelques jours plus tard, dans une des tavernes les plus mal famées de la ville, il fit la connaissance d’un individu bizarre, un italien d’une trentaine d’années, échoué à Barcelone depuis près de deux ans et vivant d’expédients plus ou moins louches.

Tout en mangeant une paëlla, Jean Marigny lui raconta un soir son histoire, mais agrémentée de tels détails que lui-même ne s’y retrouvait plus !

Esposito — tel était le nom de l’Italien — l’écoutait très attentivement en dégustant un verre de vin épais.

Lorsque Marigny eut achevé son fantastique récit, l’autre déclara, en allumant une cigarette :

— Il n’y a vraiment pas lieu de vous tourmenter pour si peu !

Marigny poussa un grand soupir, puis répondit :

— Si Valérie m’aimait comme autrefois, je n’aurais plus à me préoccuper de l’avenir, mon cher ... Comment vous appelez-vous au fait ?

— Je me nomme Esposito, lui apprit son commensal avec un sourire engageant.

— Et moi, Jean Marigny ... (Et le misérable continua) : Donc, si cette femme m’aimait encore, je serais actuellement immensément riche !

— Vous voulez dire que cette personne vous met des bâtons dans les roues ? Questionna l’Italien.

— Oui, car cette pauvre sotte s’est éprise d’un artiste et elle me déteste à présent.

L’autre haussa les épaules avec mépris.

— Et cet homme se trouve à Barcelone, il ne nous serait pas très difficile de vous en débarrasser ! Insinua-t-il à voix basse.

— Hélas ! Justement il n’est pas en Espagne, et je ne puis rentrer à Paris ou je réside habituellement, soupira Marigny le visage sombre.

L’ Italien alluma une seconde cigarette et sembla se plonger dans de profondes réflexions mais il leva la tête et reprit avec animation :

— Vous m’avez bien dit que cette dame se trouve ici, auprès de son père malade ?

— C’est cela même, répondit Jean Marigny en le regardant intensément comme s’il cherchait à deviner où il voulait en arriver.

Un sourire diabolique se dessina sur les lèvres minces et cruelles d’Esposito.

— Dans ce cas, ajouta-t-il je suis certain que son amoureux ne tardera pas à l’y rejoindre.

— Vous croyez ? Lui demanda Marigny, incrédule.

— J’en suis absolument convaincu, affirma Esposito.

— Je souhaite de tout mon cœur que vous ne vous trompiez pas ? S’écria Marigny.

— Je ne peux pas me tromper, fit le voyou avec assurance. Il viendra, vous verrez, et une fois ici, il ne sera pas difficile de le supprimer, acheva-t-il en se penchant vers son interlocuteur.

— Je ne sais si je me déciderais à faire une chose pareille ! Murmura hypocritement Marigny. Je ne suis jamais allé jusqu’au crime !

— Bah ! S’exclama l’autre avec ironie, c’est si vite fait qu’on n’a même pas le temps de le réaliser !

— Je ne crois pas en être capable, assura encore Jean Marigny.

— Alors, c’est que vous ne désirez pas tellement la fortune de cette femme ! Remarqua l’autre d’un air méprisant. Qui veut la fin veut les moyens !

— Comment pouvez-vous prétendre une chose pareille ! Répliqua Marigny en assénant un grand coup de point sur la table et n’ayant retenu que le début de la phrase. Mais tout se dressa contre moi en ce moment et je n’ose aller parler à cette femme qui me hait !

— Si je me trouvais à votre place, cher Marigny, je n’hésiterais pas une seconde, déclara fermement l’Italien, et je vous assure que ça ne m’effrayerait pas du tout !

En entendant ces dernières paroles, le misérable pensa qu’il pourrait utiliser ce nouvel ami, cet homme prêt à tout pour conduire à bien ses ignobles manœuvres.

Le crime ne l’effrayait guère, nos lecteurs le savent bien mais lorsque la chose lui était possible, il préférait ne pas s’exposer, et trouver un exécutant.

— Ecoutez, Marigny, reprit Esposito ; en ce qui me concerne rien ne m’effraye, sauf la faim !

L’ancien amant de Valérie garda le silence.

— C’est pour cette raison, poursuivit l’Italien que, si vous aviez besoin de quelqu’un pour vous aider, sachez que ma main ne tremble pas sur le manche d’un poignard ou la crosse d’un revolver !

Jean Marigny sourit, se disant qu’il venait vraiment de découvrir réellement l’homme qu’il lui fallait.

— Eh bien ! S’exclama-t-il après quelques secondes de réflexions, si Robert Montpellier vient à Barcelone, je profiterai de votre offre avec plaisir, et lorsque j’aurai touché la fortune de ma femme, je vous récompenserai très généreusement.

— Il faut mettre les choses au point dès maintenant, décida l’autre avec décision.

— Nous avons tout le temps pour ça, répondit Marigny avec nonchalance.

Son compagnon saisit la bouteille de vin placée devant lui et en versa un grand verre qu’il tendit à Jean Marigny, puis il remplit le sien et l’avala d’un trait, s’essuyant ensuite les lèvres du revers de la main avec un soupir d’aise.

— Voyons, reprit Esposito, si j’ai bien compris en épousant cette jeune femme vous serez immédiatement mis en possession de sa fortune ?

— C’est-à-dire qu’elle m’appartiendrait à la mort de son père.

— Ne m’avez-vous pas dit qu’il était très gravement malade ?

— En effet, acquiesça le misérable, mais il peut encore traîner quelques mois.

— A moins qu’on ne s’arrange autrement ! Fit observer Esposito avec un clin d’œil chargé de signification.

— Evidemment ...

— Ensuite, une femme qui n’aime pas son mari et qui vient de perdre son père, peut très bien mourir de chagrin en peu de temps ... insinua le cruel Esposito.

— Ce n’est pas impossible, admit Marigny en souriant.

— Après la mort de la mère, la petite fille héritera naturellement, mais un père aussi hérite de sa fille ...

Trop profondément ancré dans le mal, Jean Marigny n’eut pas la moindre réaction, le moindre sursaut, devant un aussi monstrueux programme ! Il sourit de nouveau ; si Esposito se mettait à l’œuvre avec un tel acharnement, son avenir à lui, Marigny serait solidement assuré !

Quelques minutes plus tard, ils avaient signé en pacte ignoble dont les termes voilés n’auraient certes jamais laissé supposer que, pour commencer, la vie d’un homme était un jeu !

Parfois, la Providence nous envois un mal qui nous en évite un autre, pire, puisqu’il menace notre existence ; si Robert Montpellier avait joui de sa liberté, il aurait sans doute accouru rejoindre Valérie à Barcelone, et là les deux bandits l’auraient supprimé sans hésitation car Marigny promettait à l’Italien deux millions. A valoir sur sa fortune à venir, comme récompense de ce « service ».

— Aujourd’hui, dit Jean Marigny, mon amitié ne vaut pas bien cher, mais lorsque le vieux Labeille sera mort ...

— Peut-être qu’alors, vous ne penserez plus à moi, murmura Esposito. Enfin, je prends le risque !

— Ne dites pas cela, Esposito, protesta vivement Marigny d’une voix pleine de reproche. Je n’oublie jamais un service rendu !

— Et puis, poursuivit l’autre vous avez signé ce papier, et chez moi, ajouta-t-il avec un soupire sinistre, lorsqu’on n’est pas payé avec de l’argent, alors on se paie soi-même ... autrement !

— Je n’ai jamais manqué à ma parole ! Affirma solennellement Marigny.

— Et n’oubliez pas, reprit le bandit que, dans la vie, ce qui compte avant tout, c’est l’argent.

Le Français eut un nouvel haussement d’épaules.

— Je n’en ai pas pour le moment, constate-t-il amèrement, vous le savez bien !

— Aussi, je ne vous en demande pas, fis remarquer son complice. D’autant plus que, pour le moment, il m’est impossible de remplir la tache que vous me confier.

— Mais s’il arrivait à Barcelone ?... S’écria Jean Marigny avec un éclair cruel dans les yeux.

— Alors il ne tarderait pas à se trouver dans l’impossibilité totale de regagner son pays, ricana Esposito si cruellement que l’autre frissonna.

— Et s’il restait à Paris ? Reprit Marigny après un bref silence.

— Nous pourrions aller l’y chercher, proposa l’autre.

— Vous seriez disposé à aller en France ?

— Oui, et je saurais bien me lier avec cet homme, car je tâte, moi aussi, à la peinture, répondit l’Italien sans hésiter.

— Splendide ! Exulta Marigny, ravi.

Tout ayant été discuté et établi, Esposito paya son addition, nota l’adresse de Marigny sur son carnet, lui serra la main et partit.

Il s’était bien gardé de dire où il habitait, expliquant qu’il logeait tantôt chez un compatriote, tantôt chez un autre ... Marigny n’y prêta pas attention, certain que son nouvel ami se manifesterait un jour ou l’autre. De toutes façons, il pourrait le joindre à la gargote ou Esposito prenait tous ses repas.

Après avoir longuement réfléchi, Marigny avait décidé de reprendre sa fille, sûr, en agissant ainsi, de forcer Valérie à se plier à sa volonté. Mais pour cela, il lui fallait rentrer à Paris où vivaient Mireille et Pierrot.

Il disposait dans la capitale d’une petite chambre modeste, située dans un quartier très populeux où il avait caché le restant des bijoux volés à la danseuse de la rue Lakanal, après l’avoir assassinée.

Mais avant de quitter Barcelone, Jean Marigny pensait qu’il devait revoir son ancienne maîtresse, et ce fut pour cette raison que, ce soir-là, accompagné de son complice Esposito, il avait fait le guet aux abords de la somptueuse demeure de Michel Labeille.

Vers la fin de l’après-midi, alors que les premières ombres du crépuscule commençaient à s’étendre sur la grande cité espagnole, ils avaient aperçu enfin Valérie et une autre femme qui sortaient de la villa.

Les deux bandits avaient sauté dans un taxi, ordonnant au chauffeur de suivre celui qui s’était installés les deux amies, et lorsque Jean Marigny vit la voiture qui les précédait stopper au feu rouge, il avait jugé le moment propice et s’était précipité à la portière du taxi de Valérie.

Il n’avait pu échanger que peu de mots avec la fille de Michel Labeille. Mais le principal avait été dit ; à présent, Valérie savait que sa fille vivait toujours et que le père odieux l’avait en son pouvoir.

Elle pensa immédiatement qu’elle devait la lui arracher à n’importe quel prix ...

 

 

( A SUIVRE LE 9 JUIN )

 

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