VOTRE OPINION ET LA NOTRE 2/2

19 Juillet 2012, 09:00am

Publié par nosloisirs

VOTRE OPINION ET LA NOTRE

La composition du jury a été modifiée récemment par l'admission des ouvriers ; il a fallu plus de cinquante ans de suffrage universel avant qu'on découvrent un lien nécessaire entre la capacité de voter et la capacité de juger ; les mêmes citoyens qu'on supposait assez éclairés pour prononcer sur les destinées du pays, on ne les supposait pas assez intelligents ou assez droits pour prononcer sur la culpabilité d'un accusé. Le progrès démocratique est lent.

Maintenant c'est le rôle du jury que le législateur s'apprête à changer.

Les jurés avaient jusqu'ici pour devoir de déclarer l'accusé coupable ou non coupable, sans se préoccuper des conséquences pénales de leur déclaration. Une fois le verdict rendu, les magistrats seuls étaient compétents pour prononcer l'acquittement ou pour appliquer la peine. Mal instruits des lois, les jurés s'étonnèrent plus d'une fois d'avoir provoqué des condamnations qu'ils jugeaient excessives. Et pour éviter de telles surprises, ils rendent des verdicts négatifs ; ils aimaient mieux renvoyer un coupable absous, que de le laisser accabler par les magistrats.

A l'avenir, si la réforme entreprise aboutit, les jurés seront admis à délibérer avec les magistrats sur la gravité der la peine encourue. On espère qu'ils hésiteront à déclarer non coupable des accusés manifestement coupables, quand ils pourront proportionner eux-mêmes le châtiment à la faute.

Etes-vous pour, êtes-vous contre la suppression des orgues de barbarie ? Voilà encore une question qui va diviser notre pauvre France.

M. Lépine préfet de police, à décidé de ne pas accorder d'autorisation nouvelles ; les joueurs d'orgues disparaîtront et ne seront pas remplacés. Aussitôt, une croisade commence en faveur du vieil instrument . Il est doux, à certaines oreilles, d'entendre chaque jour éclater soudain la Valse des Roses, Viens Poupoule et la Polka des Anglais, moulus à contre temps sous nos fenêtres, accompagnés du hurlement désespéré de tous les chiens du voisinage, et recommencé de cour en cour jusqu'au bout de la rue.

Évidemment Paris perdra de son charme quand les orgues se tairont.

Les personnes qui voudraient couper la gorge de quelques-uns de leur contemporains comme on fit à M. Fualdès ne sauront plus comment s'y prendre ; l'assassinat de Fualdès et la complainte qui l'immortalisa n'auraient pu se passer de l'orgue de Barbarie.

Le fameux tribun Danton résista, de toute son éloquence révolutionnaire, à la mesure qu'exécute aujourd'hui M. Lépine. Et l'éminent académicien qui dirige la Maison de Molière reprend les arguments de Danton. Il y aurait alors un moyen de tout arranger ; ce serait d'hospitaliser l'orgue de Barbarie à la Comédie Française, où l'on vient déjà d'introduire les artistes de café-concert.

Les étudiants viennent de s'apercevoir qu'ils ont un corps, un estomac, des besoins physiques. A la bonne heure ! Ils vivaient depuis Abélard dans les hauts spéculations intellectuelles, et ils méprisaient la matière. Même les futurs médecins, chargés de l'hygiène et de la santé publique, ignoraient l'hygiène ou dédaignaient le soin de leur propre santé. Les gargotes où ils se nourrissaient et les hôtels où ils logeaient, au quartier Latin, n'affichaient nulle prévention au « confort-moderne »

Une Ligue s'est fondée pour remédier à ce triste état de choses. Les étudiants sont des jeunes gens comme les soldats ; dans les fatigues du cerveau comme dans les fatigues musculaires, la dépression nécessite des mesures réparatrices. Puisqu'on songe à l'hygiène pour les casernes, il est temps d'y songer pour les hôtels d'étudiants.

Grâce à l'inexpérience et à l'insouciance de ces écoliers, on leur faisait payer fort cher une nourriture équivoque, des chambres insalubres, un vieux mobilier peuplé de microbes. La Ligue exigea de la bonne cuisine et des logements habitables. On obtient tout ce qu'on veut, aujourd'hui par une action concertée. Le Touring-Club a transformé un nombre infini de vieilles auberges pour le bien-être des voyageurs , il est très simple d'en faire autant, à Paris, pour le bien-être des étudiants.

REVUE NOS LOISIRS DU 10 MAI 1908

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