Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

MOINEAUX SANS NID N° 235

26 Février 2013, 09:00am

Publié par nosloisirs

 

CHAPITRE-235--.jpeg Marius et Edwige écoutèrent, avec la p^lis vive attention, le récit que madame Bonnet leur fit de sa visite à « l’Araigne ».

Lorsqu’elle se tut, ils échangèrent un regard d’entente et se sourirent, satisfaits.

— Nous avons eu beaucoup de chances, reconnut Edwige, car si madame Picquet avait eu le moindre soupçon, elle n’aurait pas, telle que je la connais, desserré les lèvres. Il est incontestable que « le Boiteux » est d’accord avec elle, et se fait payer les renseignements qu’il lui communique. Aussi, en sortant d’ici, a-t-il dû se précipiter chez elle et lui rapporter nos intentions de ne pas la rembourser, et de lui reprendre ce terrible papier ! Acheva-t-elle avec inquiétude.

— Ca n’a aucune importance ! Déclara Marius, avec un accent qui ne présageait rien de bon. Avant tout, je tiens à mettre ce sournois dans l’impossibilité de contrecarrer mon projet : reprendre à « l’Araigne » la reconnaissance de dette que tu as eu l’imprudence et la faiblesse de signer, ma pauvre Edwige. Ah ! Ils ont voulu me séquestrer ! A mon tour d’en faire autant. C’est aussi le moyen le plus sûr pour l’empêcher de me nuire. Je connais une baraque située tout près de la ligne de chemin de fer. Je vais l’y enfermer le temps qu’il faudra pour mener à bien mon expédition chez sa complice. Là, il méditera tout à son aise sur le danger auquel il s’est exposé en trahissant ma confiance !

Il s’interrompit brusquement en remarquant le regard ahuri de madame Bonnet.

— Je suis très contente d’avoir pu vous êtes utile, s’empressa de dire cette dernière, pour cacher son étonnement et j’espère que vous saurez ...

Marius eut un geste d’énervement.

— Inutile de continuer !... Je devine que vous avez réfléchi et que vous trouver qu’un simple remerciement de notre part ne suffit plus à régler votre dérangement ?...

— Je dois avouer qu’il ne m’a pas été facile de faire parler la mère Picquet, spécifia madame Bonnet, sans éveiller ses soupçons. J’ai couru le risque de m’en faire une ennemie.

Marius l’interrompit agacé :

— Bon ! Trancha-t-il sans même la regarder. Puis, se tournant vers sa maîtresse : Vois ce que tu peux faire pour payer convenablement madame.

Il s’agissait toujours ainsi lorsqu’il était question d’argent. Et Edwige habituée à ce procédé, n’essaya même pas de protester. Elle prit son sac, en retira un billet de cinq cent francs qu’elle tendit à madame Bonnet.

— Voici, lui dit-elle, je pense ainsi vous dédommager suffisamment du dérangement que nous vous avons occasionné !

Les yeux de « la Grosse » scintillèrent de joie. Elle ne s’attendait certainement pas à cette récompense. Aussi, fit-elle disparaître vivement l’argent au fond de la poche de son manteau.

— Je vous remercie, leur dit-elle avec chaleur, et si, de nouveau vous avez besoin de moi, n’hésitez pas à me faire signe.

— N’en doutez pas ! Fit Marius et il ajouta. A propos, savez-vous si « le Boiteux » est rentré chez lui ?

— Non, répondit-elle avec empressement, car dès mon retour, je me suis précipitée chez vous, sans même avoir retiré mon manteau.

— C’est vrai ! Reconnut Marius, qui surmontait difficilement son impatience.

— Je n’ai pas l’impression qu’il soit déjà de retour, intervint Edwige, car nous l’aurions entendu rentrer dans sa chambre, la porte faisant un bruit très caractéristique lorsqu’on l’ouvre ou la ferme.

— Je peux m’en assurer, si vous le désirez ? Proposa madame Bonnet avec zèle.

— Je ne demande pas mieux, répondit Marius, d’autant plus que ...

Il s’interrompit brusquement et « la Grosse » quitta la chambre de son pensionnaire, sans avoir entendu la fin de sa phrase.

Son absence fut de très courte durée. Elle revint avec le renseignement demandé.

— « Le Boiteux » n’est pas rentré, mais je sui sûre qu’il ne tardera pas.

— Voudriez-vous, s’il vous plait, déposer ce billet dans sa chambre. Placez-le en évidence afin qu’il le découvre aussitôt qu’il rentrera chez lui, fit Marius en souriant à madame Bonnet, qui prit le papier qu’il lui tendait. Il ajouta : Il vaut mieux agir tout de suite avant que ne surgissent d’autres complications.

Ces paroles semblèrent assez confuses pour « la Grosse » qui était loin de réaliser la gravité de cette menace.

Aussi ce fut d’un cœur léger qu’elle porta le papier dans la chambre du « Boiteux »

Son premier geste fut de déplier la feuille et de la lire rapidement : elle ne contenait rien de bien extraordinaire ; Marius lui écrivait d’aller le rejoindre, peu importait l’heure !

Madame Bonnet posa le papier, bien en évidence, sur son oreiller en songeant :

« De cette façon « le Boiteux » ne pourra pas ne pas le remarquer dès qu’il ouvrira la porte ».

Certaine d’avoir scrupuleusement accompli la commission dont Marius l’avait chargée, elle quitta la chambre et gagna vivement la sienne, où elle se coucha, tranquille et sereine.

— Je crois que « le Boiteux » n’a aucun soupçon, dit Edwige à son amoureux. Il ne se doute pas que tu vas l’enfermer dans une baraque.

— Il est bien trop sot pour deviner que je lui tends un piège, ricana l’autre. D’ailleurs, il ne peut se douter que nous sommes au courant de sa trahison. Tout marchera très bien, tu verras. Le seul ennui que je redoute, est qu’il ne rentre pas cette nuit.

— Il rentrera, sois en certain, assura Edwige désireuse de le tranquilliser. Madame Bonnet m’a confié qu’il n’a encore, jamais découché. Je crois qu’il agit ainsi par économie, car il est toujours à court d’argent et n’ira sûrement pas s’offrir une autre chambre, alors qu’il en a une à sa disposition.

— Il pourrait, peut-être, essayer d’agir seul et tenter un cambriolage, fit observer Marius.

— Oh ! Il est bien trop paresseux ! Protesta Edwige. « Le Boiteux » n’est pas un homme à prendre des responsabilités graves. Non ! Il se contente de petites combinaisons louches et de menus larcins.

— Je crois que tu as raison, ronchonna Marius, en s’étendant paresseusement sur son lit. Alors, armons-nous de courage et attendons. Je me demande où peut bien être passé ce traître ?...

— Il est peut-être allé prendre un verre avec des gens aussi peu scrupuleux que lui, répondit Edwige.

— J’espère remarqua rageusement Marius, qu’il ne vas pas arriver en titubant !

— Ne t’en plains pas, fit observer sa maîtresse. En ce cas, tu pourras l’enfermer avec plus de facilité. Puis, inquiète, elle questionna timidement : tu es réellement décidé, Marius, à le séquestrer jusqu’à ce que nous ayons pu nous emparer de cette fameuse reconnaissance de dette ? Ne crains-tu pas que, libéré, il te dénonce à la police pour séquestration arbitraire, comme tu avais toi-même l’intention de le faire si « l’Araigne » t’avait gardé dans sa cave ?...

Marius se mit à sourire.

— Non ! Ma chérie, rassure-toi, j’ai pensé à tout et je te garantis que nous n’avons absolument rien à redouter. D’une part, la police à d’autres chats à fouetter que de s’occuper d’un tel individu et d’autre part, « le Boiteux » aurait trop peur qu’une enquête établisse qu’il a nombreux méfaits sur la conscience.

— Tu oublies la mère Bonnet !... Remarqua Edwige avec inquiétude.

Il la dévisagea étonné, et bondit hors de son lit.

— « La Grosse » ? S’exclama-t-il. Que veux-tu dire ?...

— tu sais aussi bien que moi qu’elle n’ignore pas que nous voulons nous venger « du Boiteux ». Ne le voyant plus, elle devinera tout de suite que tu as mis tes menaces à exécution. Je la crois capable de nous faire chanter !... Vraiment, ne penses-tu pas que nous pourrons laisser « le Boiteux » tranquille ?

Visiblement très énervé et irrité, il x’exclama :

— Depuis quand te tourmentes-tu ainsi sans raison ? « Le Boiteux » a eu moins de scrupules. Il a parfaitement admis que je reste enfermé et il est logique que je le lui rendre la monnaie de sa pièce. Œil pour œil, dent pour dent ! Je te prie dorénavant, de ne pas oublier aussi que ce n’est pas de ma faute si ce lâche m’a trahi et me force à me méfier de lui !

Edwige restait silencieuse. De nature plutôt calme et pondérée elle aurait préféré que son cher Marius abandonne toute idée de vengeance. Mais ce dernier, que la colère empourprait, reprit avec violence.

— Pourquoi s’est-il rangé du côté de cette maudite sorcière tout en affectant de nous soutenir ? Oui, pourquoi veux-tu me le dire ?...

Il saisit le bras de sa maîtresse et la secoua avec rudesse, en la fixant méchamment dans les yeux.

— As-tu perdu la tête, Edwige ? Ne te souviens-tu pas, une fois encore, de la reconnaissance de dette que « le Boiteux » et « l’Araigne » t’ont forcée à signer ?

Un pâle sourire effleura les lèvres de la femme.

— C’est vrai ! Baltutia-t-elle, mais je ne vois pas comment cette femme pourra m’obliger à tenir un pareil engagement ?

— Je me le demande aussi, déclara sèchement Marius, mais je n’oublie pas qu’elle est capable de toutes les représailles pour t’y contraindre ! Crois-moi, nous n’avons pas d’autre solution possible et il nous faut, au plus vite, lui reprendre ce maudit papier. Pour le faire, nous sommes forcés d’évincer, tout au moins un certain temps, ce traître qui ne manquerait pas de faire obstacle à notre projet.

Edwige ne trouva rien à opposer à de tels arguments. Elle baissa la tête et garda le silence.

Marius continua à lui parler pour essayer de calmer ses craintes. Il y parvint sans trop de mal, car elle sourit tendrement à son amant et de légères couleurs montèrent à ses joues.

La nuit, maintenant était très avancée.

Brusquement les deux amoureux tressaillirent en entendant un bruit de pas dans le couloir.

— C’est certainement lui ! Murmura la maîtresse de marius, en courant à la porte qu’elle entrebâilla.

— Voilà qui est bien ! Fit ce dernier.

— Oui ! Affirma-t-elle après quelques secondes, c’est bien « le Boiteux » !

— Il va trouver mon billet et ne tardera sûrement pas à nous rejoindre, répliqua tranquillement marius.

De nouveau, une crainte irraisonnée secoua Edwige. Elle se tourna vers son amant, en balbutiant :

— Et s’il refuse de te suivre, que feras-tu Marius ?

— Assez ! Trancha-t-il d’une voix glaciale. Tu ne cesses pas de dire des sottises !tu sembles toujours oublier qu’il m’a trahi. Il est coupable de tous les ennuis que nous avons eus avec « l’Araigne ». S’il avait été loyal, envers moi, cette sorcière ne l’aurait pas surpris ... et je n’aurais pas été forcé d’entrer chez elle à mon tour, pour essayer de lui porter secours.

Soudain, Edwige parut soucieuse. Visiblement, elle était inquiète et n’osait pas poser une nouvelle question à son amant. Il remarqua son embarras.

— Qu’as-tu encore à ajouter ? Dit-il brusquement.

Craintivement la brave femme lâche la phrase qui semblait lui tenir tant à cœur :

— Comment feras-tu pour nourrir « le Boiteux » ?...

— Oh ! Cela ne m’embarrasse nullement ! Je prendrai à ce moment-là la décision qui s’imposera. Vois-tu, plus je réfléchis à ce traître, plus je suis décidé à me venger. Et ce que je lui reproche avant tout, c’est de trop parler.

Cette fois, la pauvre Edwige était à bout d’arguments. Et puis, elle sentait confusément que Marius avait raison en affirmant que « le Boiteux » était en obstacle sérieux à leur projet : reprendre à cette terrible « Araigne » la reconnaissance de cette dette qu’elle avait si imprudemment signée.  

Trois coups légers furent frappés à la porte qui s »’ouvrit aussitôt de l’extérieur.

C’était bien « le Boiteux ».

 

( A SUIVRE LE 1 MARS )

 

041

Commenter cet article