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MOINEAUX SANS NID N° 233

20 Février 2013, 09:00am

Publié par nosloisirs

 

CHAPITRE-233--.jpegTu es un lâche, un traître ! Hurla Marius, lorsque la porte de la cave s’ouvrit, enfin, pour laisser le passage au « Boiteux » qui s’arrêta un instant, sa lampe électrique à la main. Tout est arrivé par ta faute !

— Tu vas d’abord, m’écouter avant de juger si rapidement les choses, répliqua froidement le nouveau venu. Je vais commencer par dénouer tes liens car « l’Araigne » a décidé de te rendre immédiatement la liberté.

— Je le pense bien ! Rugit l’ami d’Edwige Ramier en gravissant l’escalier de la cave, suivi du « Boiteux ». Elle n’ignore pas les sérieux ennuis qu’elle encourt, en continuant à me séquestrer chez elle !

— Remarque qu’elle aurait pu appeler la police, mais ne l’a pas fait ! Fit remarquer son ancien complice, toujours très calme. Dépêche-toi ! Je vais t’accompagner jusqu’à la porte et reviendrai, ensuite, prévenir « l’Araigne » que je m’en vais, moi aussi.

— Oui ! Je te répète que tout est arrivé par ta faute ! Reprit rageusement Marius.

— Nous en discuterons tout à l’heure, si tu y tiens ! Trancha froidement « le Boiteux ». Il faut, avant tout, que nous quittions cette maison le plus vite possible. Avec cette terrible femme, on ne sait jamais ce qui peut se passer dans sa cervelle ! Elle pourrait brusquement changer d’avis !

En proie à une rage qui le faisait trembler, Marius réalisait cependant que son compagnon avait raison. Il se tut en débouchant dans le vestibule, puis précédé du « Boiteux », traversa le petit jardin. Tous deux atteignirent, ensuite la grille extérieure de la villa.

— Attends-moi ici ! Dit « le Boiteux », je n’en ai pas pour longtemps. D’ailleurs, Edwige est avec madame Picquet.

— Qu’est-ce que tu dis ? S’exclama Marius, suffoqué et très inquiet. Edwige est ici ? Pour quelle raison ?

— Elle te renseignera mieux que moi dans un instant. Je reviens tout de suite, répliqua l’autre, en se dirigeant, à grands pas, vers l’intérieur de la maison.

Marius franchit la grille et se trouva dans la rue, complètement déconcerté. Il se mit à arpenter rageusement le trottoir, tout en fumant une cigarette.

Son attente ne fut pas de longue durée. Quelques minutes venaient à peine de s’écouler, qu’il vit apparaître « le Boiteux » suivi d’Edwige Ramier.

Il jeta vivement son mégot et dès qu’ils eurent franchi, à leur tour, la grille de la villa de madame Picquet, Marius se précipita vers son amie.

— Comment se fait-il que tu sois là, Edwige ? Interrogea-t-il avec impatience et comment as-tu appris que j’étais ici ?

— C’est « le Boiteux » qui me l’a dit. Il est venu me prévenir ce matin à l’aube, précisa madame Ramier.

La stupeur et l’indignation pétrifièrent à un tel point Marius que durant quelques secondes, il lui fut impossible de prononcer une seule parole. Il enveloppa « le Boiteux » d’un regard lourd de menaces qui pourtant, n’émut nullement ce dernier.

— J’avais bien raison de te crier que tu étais un traître et un lâche ! Vociféra-t-il. Mais tu ne tarderas pas à me payer chèrement ta trahison !

— Ne parle pas avant de connaître la vérité, répliqua « le Boiteux » ne se départissant nullement de son calme. Je suis certain que tu comprendras ce qui s’est passé. Mais l’endroit n’est guère propice aux confidences. Rentrons chez la mère Bonnet. Là-bas, je te raconterai, en détail, toute l’histoire.

— Je ne veux rien entendre ! S’exclama Marius. J’ai compris ton attitude et je t’affirme que tu me payeras ta perfidie.

Si Edwige ne s’était pas empressée de le calmer, Marius se serait jeté sur son ancien complice, mais la pauvre femme était trop heureuse d’avoir réussi à arracher celui qu’elle aimait des griffes de l’Araigne » pour lui permettre de se compromettre de nouveau.

— Puisque « le Boiteux » affirme pouvoir tout t’expliquer, il faut que tu le laisses parler, conclut-elle, en lui prenant le bras. Viens ! Marius, rentrons vite chez toi, où nous pourrons l’écouter, sans aucune crainte d’être dérangés.

Bien à contre cœur, l’amoureux d’Edwige se décida à obéir, et tous trois, pressant le pas, se dirigèrent vers la pension de « la Grosse », « le Boiteux » suivant le couple.

Une demi-heure plus tard, ils pénétraient dans la chambre de Marius. Pendant quelques secondes, tous trois se dévisagèrent, méfiants et silencieux.

Marius sortit de sa poche un paquet de cigarettes, en prit une qu’il alluma, en tira quelques longues bouffées et, rapprochant sa chaise de celle d’Edwige, bougonna.

— Alors, sors-nous, enfin, ta fameuse explication, faux frère ! Mais sache, auparavant, reprit-il, en regardant haineusement « le Boiteux » que si tes paroles ne me satisfont pas, je briserai ta jambe valide !

— Ecoute-moi avant de proférer de si stupides menaces, répliqua tranquillement son ancien complice, en allumant à son tour une cigarette. Je me demande bien ce que tu aurais fait si tu avais été surpris par « l’Araigne » comme cela m’est arrivé ?

— Comment veux-tu que je le sache ? Grogna rageusement l’ami d’Edwige. En tout cas, à ta place, j’aurais fait l’impossible pour te secourir, alors que toi ...

— Arrête ! Cria « le Boiteux », tu n’as pas le droit de m’accuser, car tu as pris une décision malheureuse, que tu pouvais éviter. Si je ne me trompe, tu es entré de ton plein gré chez « l’Araigne ». Je me demande si tu l’as fait pour me porter secours ou dans l’intention de lui voler son argent ?

— Et toi, crétin, puis-je savoir pourquoi tu t’es attardé chez elle ? Hurla Marius, en proie à une colère folle. Comme tu ne te décidais pas à revenir, j’étais inquiet et tourmenté sur ton sort ; telle est la raison qui me fit entrer chez la vieille. Je ne pouvais pas m’imaginer que tu étais de connivence avec cette sorcière et que tu te préparais à me sauter dessus.

— Tu fais allusion au coup que tu as reçu sur la tête ? Ce n’est pas moi qui t’ai frappé, mais « l’Araigne », affirma énergiquement « le Boiteux ».

— Et tu aurais dû l’en empêcher ! Hurla Marius, furieux. Elle a failli me fracasser le crâne ...

Il s’interrompit brusquement, dévisagea son ancien complice, et reprit d’une voix menaçante.

— dis-moi ? Te rends-tu compte de ce qu’à raconté cette vieille folle ; elle m’a affirmé que tu l’avais prévenue de mon intention de la cambrioler ... Et tu oses nier, à présent, ta trahison ?

« Le Boiteux » se mit à rire, toujours calme et froid, n’ignorant pas que c’était la seule façon d’empêcher une explosion de colère et de haine, de la part de son dangereux interlocuteur.

— Réfléchis un peu à tête reposée, Marius, expliqua-t-il très patiemment. Que pouvais-je dire à cette maudite sorcière, lorsqu’elle m’a surpris dans son salon, alors que je venais de m’emparer de son magot ? Et dire que je l’avais déjà glissé au fond de ma poche. La connaissant bien, je lui ai donné une explication quelconque. Avant tout, je tenais à la calmer. Mais son imbécile de jardinier a eu, alors, l’idée de sortir dans la rue, et de lui raconter qu’un homme, à l’allure inquiétante faisait les cent pas devant la grille de son pavillon, ne cessant de surveiller ce qui se passait à l’intérieur ... Alors « l’Araigne » s’est mis dans la tête que cet inconnu se préparait à pénétrer chez elle ...

« Cela m’a offert la possibilité de lui faire admettre que j’étais entré pour la prévenir d’un cambriolage. Elle a cru ou fait semblant de me croire, car il ne faut pas oublier qu’elle est plus rusée qu’un renard !

« Mais comment pouvais-je m’imaginer que tu allais arriver, à ton tour, pour corser les événements ? Alors que j’allais quitter cette maudite femme, tu es entré dans son jardin !

« Comme elle t’avait entendu (elle a une oreille très fine et tu faisais légèrement crisser le gravier), elle m’a forcé à me dissimuler avec elle.

 

« C’est la raison pour laquelle, nous nous trouvions dans le vestibule ... Tu sais le reste ? »

Marius et Edwige qui, jusqu’ici n’avait soufflé mot, échangèrent un regard interrogateur, puis cette dernière intervint, furieuse et méprisante :

— Vous oubliez, dit-elle, avec une légère ironie dans la voix, que vous êtes venu me chercher, « le Boiteux » pour me conduire chez la mère Picquet.

— Et tu l’as également aidée à m’enfermer dans sa cave ! Rugit Marius, en le fixant haineusement.

— Réfléchis un peu et dis-moi comment pouvais-je agir différemment, grogna « le Boiteux ». Elle me menaçait de son revolver, j’étais donc complètement à sa merci. Je n’avais pas le choix des moyens pour calmer sa colère. Avoue que nous avons obtenu un bon résultat, puisque nous sommes tous trois libres et en sûreté.

— Ah ! Vous trouvez ? S’exclama amèrement Edwige. Vous oubliez le papier qu’elle m’a forcée à écrire et à signer pour obtenir la libération de Marius !

— Qu’est-ce que tu dis ? Et quel papier veux-tu parler ? S’exclama ce dernier brusquement alarmé.

— C’est vrai, tu l’ignores ! Murmura amèrement la pauvre femme. « L’Araigne » pour te rendre la liberté et ne pas t’envoyer en prison, a exigé que je lui signe une reconnaissance de dette de dis cent mille francs.

— Comment ? Reprit-il avec effroi.

Il dévisagea Edwige en fronçant les sourcils, tout d’abord déconcerté. Puis il ajouta, en proie à une colère qui le faisait bégayer.

— Tu t’es laissée rouler par cette femme ? Je te croyais plus maligne, ma petite Edwige, alors que tu n’es qu’une sotte, vite terrorisée par de vagues menaces, au point de commettre des bêtises impardonnables !

Ces dures paroles blessèrent profondément Edwige. Elle pâlit et faillit éclater en sanglots, mais au prix d’un effort de volonté incroyable, elle réussit à se dominer, et répliqua sourdement :

— Qu’aurais-je dû faire selon toi, Marius ? Ne comprends-tu pas que si j’ai cédé, devant les exigences de cette mégère, c’est uniquement pour te retirer d’entre ses griffes ?

— Si tu avais possédé la plus petite parcelle de bons sens, tu aurais réalisé que cette sorcière n’avait aucun intérêt à me séquestrer chez elle, répliqua Marius.

— C’est tout ce que tu trouves à me dire au lieu de me remercier ? Protesta-t-elle, dominant péniblement les sanglots qui étranglaient sa gorge. Oh ! Marius que tu es ingrat ! Tu ne comprends donc pas que je t’aime et que de te savoir prisonnier de cette femme, ou de penser qu’elle allait te dénoncer à la police, me faisait perdre la tête ?

Un sourire imperceptible erra sur les lèvres de son amant. Il haussa les épaules, l’air résigné.

 

 

 

— Oui ! Répondit-il avec un peu moins de dureté dans la voix, je le sais, Edwige, mais que tu sois arrivée à accepter ses conditions draconiennes, dépasser mon entendement. Je sais que tu m’aimes comme je t’aime moi aussi, mais jamais tu n’aurais dû te laisser intimider par les menaces de « l’Araigne ». Je suis absolument convaincu que tu n’as pas pris le temps de réfléchir, avant d’accepter ce qu’elle exigeait de toi. Tu n’as donc pas compris qu’elle agissait comme un chat qui joue avec une souris, avant de la tuer ?

« Crois-moi, Edwige, elle t’a tendu un piège terrible en se servant de tes sentiments, à mon égard ! »

— Ce n’est pas vrai ! Protesta Edwige, avec force, très offensée par les paroles de Marius et n’admettant pas de passer pour une sotte à ses yeux. C’est toi qui ne comprends pas que je n’avais pas le choix. Tu n’assistais pas à cette pénible discussion. « Le Boiteux » qui était présent, peut te dire qu’il m’était absolument impossible d’agir autrement, si je voulais t’éviter la prison.

La pauvre femme se tourna vers ce dernier et ajouta :

— Dites-lui, vous, que si j’avais refusé ses conditions, elle n’aurait pas hésité à appeler la police ?

« Le Boiteux » qui était satisfait d’avoir réussi à se justifier de sa trahison envers son complice, tressaillit et répondit immédiatement :

— C’est exact, Marius, Edwige a raison ! Tu ne peux t’imaginer ce que disait madame Picquet à cette malheureuse. D’ailleurs, elle avait déjà essayé de te forcer à écrire et à signer cette reconnaissance. Elle t’a enfermé dans la cave, précisément parce que tu lui résistais.

— C’est tout à fait différent, répliqua Marius avec mépris. J’étais seul libre de ma décision. Quant à toi, Edwige, je sais car je la connais bien, qu’elle a agi ainsi parce qu’elle n’a pas pris le temps de réfléchir suffisamment.

Marius quitta le bord du lit sur lequel il s’était assis pendant cette discussion, et s’approcha d’Edwige, dont les yeux étaient remplis de larmes.

— Dis-moi la vérité, ma chérie, reprit-il, en lui souriant avec tendresse, n’aurais-tu pas fait n’importe quoi pour moi ? Je t’en remercie du fond de mon coeur et en suis même bouleversé, car tu m’as donné la preuve de ton immense amour !

Ces paroles calmèrent un peu la pauvre Edwige.

— Mais à présent, poursuivit gravement Marius, il nous faut immédiatement rattraper ton imprudence.

— que vas-tu faire ? Dit Edwige avec stupeur. Et que vas-tu me demander ? Tu ne penses pas que je vais aller de nouveau chez « l’Araigne » pour lui dire qu’après avoir mûrement réfléchi, je lui demande de me restituer ce fameux papier ?

— Non, évidemment ! Admit Marius, car elle refuserait énergiquement. Cependant, il faut absolument lui reprendre cette reconnaissance de dette !

Il se tourna vers « le Boiteux » et ajouta :

— Cette fois, c’est moi qui étudierai et dirigerai l’opération.

— Tu agiras comme bon te semble, car cette histoire ne me regarde plus, répliqua « le Boiteux » avec indifférence.

— Ah ! Ca ne te regarde plus ? Reprit Marius sourdement mais tu m’aideras quand même. Tu ne peux me refuser ton concours, car n’oublie pas, « le Boiteux » que tu es à l’origine de tous nos ennuis. Si tu avais été plus habile et prudent, tu ne te serais pas laissé prendre comme un idiot par cette rouée, et tu nous aurais évité de bien gros tourments !

— Puisque je t’affirme que j’avais déjà l’argent dans ma poche ! Protesta sèchement « le Boiteux ».

— Mais « l’Araigne » te l’a repris ! Ricana l’autre, et cela prouve que tu t’es bien mal débrouillé ou que tu as cherché à me rouler ... Ca ne fait rien ! Nous aurons tout le temps d’en reparler ! Pour le moment, il faut à tout pris lui reprendre ce terrible papier. Jamais ! Entends-tu ? Jamais, cette ignoble « Araigne » n’aura un sou de nous ! Elle s’apercevra, sous peu, à qui elle a affaire, et je te jure bien qu’elle regrettera sa conduite et versera des larmes amères !

— As-tu déjà un plan ? Questionna Edwige.

— Pas encore ! Je dois y réfléchir avec le plus grand soin ; Mais dis-moi ; à quelle date cette mégère exige-t-elle son argent ?

— Elle m’a fait la grâce de m’accorder un payement par mensualités ! Répliqua Edwige avec un rire sarcastique. Je dois effectuer un premier versement de cent mille francs dans un mois.

— Elle n’en verra jamais le moindre centime ! Affirma Marius avec force. (Puis se tournant vers « le Boiteux », il ajouta en lui jetant un coup d’œil menaçant) : J’espère que tu ne vas pas de ranger du côté de cette sorcière, n’est-ce pas ?

— Que vas-tu imaginer ? Protesta l’autre, avec une indignation admirablement simulée. Tu peux compter sur moi, car pour ma part, j’ai également un sérieux compte à régler avec elle. Je serai ravi de vous donner un coup de main pour reprendre ce papier !

— Parfait ! Conclut Marius avec satisfaction. Tout est donc entièrement décidé maintenant. Il ne nous reste qu’à étudier sérieusement notre plan. Nous ne le ferons pas aujourd’hui, car je suis très fatigué et comme nous avons devant nous une femme très habile, il est difficile de la rouler !

— Je suis entièrement d’accord avec toi, reprit « le Boiteux ». Je vais me coucher, car après cette nuit blanche, j’ai uniquement envie de dormir ! Acheva-t-il en bâillant.

Il leur fit un petit signe de la main et quitta la pièce. Après son départ, Edwige demanda à Marius :

— Crois-tu, mon chéri, que nous pouvons avoir confiance en lui ?

— Je t’avoue qu’à présent, je m’en méfie comme de la peste, répondit ce dernier, en souriant tendrement à son amie. C’est la raison pour laquelle je préfère ne pas agir tout de suite, car je dois le surveiller très étroitement ... Je ne sais pourquoi, mais j’ai la nette impression que cet homme est d’accord avec « l’Araigne » pour nous soutirer de l’argent.

— Mon Dieu ! Alors il peut lui répéter ce que nous venons de décider ensemble ! Murmura Edwige très effrayée.

— C’est justement ce que je veux, expliqua Marius avec un sourire mystérieux et cruel. Je viens de lui tendre un piège. D’ailleurs, cela ne surprendra nullement « l’Araigne » car elle doit bien se douter que notre plus ardent désir est de nous venger. Ce sera très bien que « le Boiteux » confirme sa supposition.

— Ne crains-tu pas qu’elle ne devienne très dangereuse pour nous ? Remarqua Edwige.

— Sois tranquille, ma chérie. Lorsque j’aurai la preuve de la nouvelle trahison du « Boiteux », je lui administrerai la leçon qu’il mérite et « l’Araigne » comprendra vite que jamais elle n’aura un sou de nous !

Le visage d’Edwige s’éclaira. Elle se jeta au cou de son ami en s’écriant :

— Tu es réellement magnifique, mon Marius !

 

( A SUIVRE LE 23 FEVRIER )

 

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