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MOINEAUX SANS NID N° 222

18 Janvier 2013, 09:00am

Publié par nosloisirs

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Après sa rencontre avec Lorette à Dieppe, Anna Carel pensa tout d’abord rentrer à Paris, puis changea d’idée, se souvenant que son ami lui avait confié que la police la recherchait à cause de la disparition du fils de Julien Delorme. Cela effrayait beaucoup la jeune artiste.

« J’ai pourtant bien remis le bébé au marquis d’Evreux, se disait-elle. Hélas ! Il n’y avait aucun témoin et ce bandit est très riche à présent ... Il se défendra et, c’est moi qui serais considérée comme la responsable de ce malheur ! »

En quittant son lit, après une terrible nuit d’insomnie, Anna décida de rester cachée dans cette modeste villa de Saint-Valéry-en-Caux pour éviter une accusation concernant le fils de son amie, songeant avec amertume, que le marquis ne devait certainement pas être étranger à cette disparition afin de s’emparer de l’immense fortune de Julien Delorme. Elle aurait beau protesté de son innocence devant les Juges, Anselme, avec son argent et ses relations saurait l’accabler.

C’étaient les raisons pour lesquelles elle renonça à son projet de regagner Paris.

Sans le vouloir, Lolette avait joué le jeu du marquis et de sa sœur Alice, en effrayant Anna.

La malheureuse ne pouvait faire autrement que de continuer à rester auprès de Vincent Leroux, dont l’état de santé allait empirant, car le remords le tenaillait.

« Mon Dieu ! Priait ardemment Anna, faites qu’il meure le plus vite possible pour sa paix et pour la mienne ! »

Mais l’agonie du malheureux semblait être appelée à dure éternellement.

Quelque temps s’était écoulé depuis sa rencontre avec Lorette, et Vincent Leroux demeurait dans les m^mes conditions lamentables.

Un soir, où elle venait tout juste de se coucher, Anna fut épouvantée par un cri terrible.

Elle bondit hors de son lit, enfila sa robe de chambre et se précipita dans la pièce voisine, qui était celle du vieillard.

Elle le trouva assis dans son lit, les yeux démesurément ouverts, fixant la porte avec effroi.

En apercevant Anna, il lui fit signe d’approcher. La jeune femme s’empressa d’obéir et lui demanda d’une voix tremblante :

— Que t’est-il arrivé ?

— Regarde ! Murmura-t-il, regarde ce qu’il y a là ! Désignant d’un doigt la porte de sa chambre.

— Mais il n’y a rien ! Répondit-elle.

— Tu ne vois pas ? Questionna-t-il, surpris.

— Non !

— Comment ? S’exclama-t-il d’une voix rauque. C’est elle ! C’est le spectre de ma femme qui est là.

Anna frissonna et malgré elle tourna de nouveau la tête vers la porte, tandis que le malheureux les yeux exorbités continuait à désigner la même porte.

— Vois ! Répéta-t-il d’une voix étranglée, c’est bien elle, je ne me trompe pas.

— Vincent ! Essaya-t-elle de le calmer.

— Regarde ! Délira le moribond, elle tend à présent ses bras vers nous.

— Mon Dieu ! Gémit Anna tremblant comme une feuille, et elle cacha son visage dans ses mains.

— Regarde ! Hurla encore le vieil homme livide, regarde.

A bout de forces, Anna prise de vestige, essaya de s’accrocher aux couvertures du lit, mais glissa, privée de connaissance sur le tapis recouvrant le parquet.

Lorsqu’elle reprit ses sens, elle s’aperçut que le vieillard s’était endormi.

En proie à une panique folle, elle se précipita dans sa chambre, où elle ne put fermer l’œil de la nuit. Ce ne fut que lorsque l’aube commença à éclairer faiblement sa fenêtre qu’elle s’endormit, d’un sommeil agité ne parvenant pas à dissiper la terreur causée par le délire de Vincent Leroux.

Assez tard dans la matinée, elle se décida à se lever, et après avoir terminé sa toilette et s’être habillé, elle se rendit dans la chambre voisine où le vieillard dormait toujours.

Evitant de faire du bruit, elle ressortit, descendit au salon en se pencha à la fenêtre d’où on découvrait le splendide panorama surplombant la mer et dominant toute la baie.

« Mon Dieu, pensa-t-elle, que ça doit être agréable de pouvoir respirer librement dans ce coin si charmant ? »

Elle avait à peine formulé cette pensée qu’elle entendit la sonnette de la chambre de Vincent.

« Il a sans doute besoin de quelque chose, se dit-elle ! Et il vient tout juste de se réveiller ».

Elle grimpa vivement au premier étage et entra dans la chambre du paralytique.

Elle le trouva la tête tournée vers la porte. Dès qu’il l’aperçut, il poussa un grand soupir de soulagement et murmura d’une voix à peine perceptible.

— Approche, ma petite, j’ai à te parler.

— Je t’écoute, répondit-elle en prenant une chaise et en s’asseyant tout près du lit. Mais, auparavant, je vais sonner pour qu’on te monte une tasse de thé.

— Non ! Attends, protesta-t-il faiblement.

— J’aimerais mieux que tu prennes tout de suite quelque chose, tu as si mal dormi la nuit dernière !

— C’est vrai !

— Mon Dieu ! Quel terrible martyre que le nôtre ! Murmura-t-elle tristement.

— Le mien ne durera pas longtemps, remarqua amèrement le malade.

— Que veux-tu dire, Vincent ?

— Que je n’en ai guère que pour quelques jours, expliqua-t-il doucement.

— Il faut avoir du courage, mon ami, fit elle.

— Je n’en ai pas manque, mon enfant, puisque je n’ai pas cédé et que mon agonie dure depuis plus de trois ans.

— Dieu t’a imposé ces souffrances pour te les éviter dans l’autre monde, expliqua la jeune femme. Aie confiance, Vincent, en la miséricorde divine.

Il hocha tristement la tête.

— Non ! Répondit-il, car mon péché a été trop horrible.

— Dieu est magnanime, insista Anna.

— Qu’il t’écoute, ma petite Anna ! Gémit le vieillard.

— J’en suis absolument certaine, affirma-t-elle.

Leroux se tut un moment, puis ajouta tout bas.

— C’est la troisième fois que ma femme m’est apparue. Cette vision me bouleverse.

— Je le sais, tu l’as appelée la nuit dernière.

— Je m’en souviens, et toi tu t’es évanouie et tu es tombée sur le tapis, ajouta Vincent.

— Je ne voulais pas t’en parler, reprit-elle amèrement.

— Je ne veux pas revivre une nuit pareille ! Déclara-t-il avec force.

— Que veux-tu dire, Vincent ? Demanda-t-elle très surprise.

— Je te l’expliquerai tout à l’heure, pour le moment j’ai autre chose à te confier. Sais-tu que j’ai déposé plus de quatre millions au Crédit Lyonnais ? Reprit le malade.

— Tu sais que j’ai horreur d’entendre parler d’argent, protesta Anna.

— Il le faut pourtant, ma petite, parce que ma dernière heure approche et que cet argent t’appartiendra, déclara Vincent Leroux.

— Qu’est-ce que tu dis ? S’exclama la jeune femme ...

— Oui, tu seras ma légataire universelle. Ton dévouement à mon égard mérite bien ce dernier cadeau !

— Vincent !

— N’en parlons plus. Je te demande seulement de faire le plus de bien possible chaque fois que tu le pourras, ajouta-t-il.

— Je te le promets Vincent, murmura-t-elle, émue.

— Très bien ! A présent, j’ai encore autre chose à te dire.

— Je t’écoute ...

— Je te demande d’aller tout de suite au village.

— Ah ! Et pourquoi faire ?

— Tu tâcheras de découvrir un homme aux nerfs solides, que tu payeras mille francs pour une veiller pendant la nuit.

— C’est entendu.

— D’ailleurs, ce ne sera pas bien long ... Deux ou trois nuits, tout au plus. Alors vas-y tout de suite, car je tiens à ce qu’il soit ici ce soir ; acheva-t-il.

— Je ferai comme tu le désires, Vincent.

— Bien ! Tu peux sonner à présent pour mon thé.

Anna descendit rapidement et se dirigea vers le village, si pittoresque avec son charmant port de pêche de Valéry en Caux, qu’elle atteignit au bout d’un quart d’heure. Il ne lui fut pas difficile de trouver l’homme réclamé par Vincent Leroux.

Le soir même il se présenta à la villa, armé d’un fusil.

— Mais que signifie cette arme ? S’écria Anna stupéfaite.

— C’est pour le cas où le diable se présenterait, expliqua le paysan.

— Le diable ? Répéta-t-elle de plus en plus ahurie.

— Oui, Madame, c’est ce que l’on raconte dans le pays.

— C’est absolument ridicule ! S’exclama sévèrement la jeune femme.

— Ah ? Ca n’a pas d’importance, car rien ne me fait peur à moi ! Affirma l’homme.

— Tant mieux ! Et comme je vous l’ai expliqué ce matin, vous n’aurez qu’à passer la nuit à veiller un vieux Monsieur qui est sur le point de mourir, ajouta tristement Anna.

— Que Dieu l’assiste ! Fit l’homme en se signant.

— Merci ! Murmura Anna.

Elle le conduisit au premier et le fit entrer dans la chambre de Vincent qui était éveillé.

— Voici le gardien de nuit ! Annonça la jeune actrice.

Le malade dévisagea le nouveau venu puis lui fit signe d’approcher.

— Asseyez-vous, lui dit-il. Comment vous appelez-vous ?

— Gaston, pour vous servir, Monsieur, répondit l’homme en s’installant dans le fauteuil placé au pied du lit et en déposant son fusil sur le parquet.

— Je vous ai engagé, mon ami, lui expliqua le malade, parce qu’il me reste très peu de temps à vivre et que je ne veux pas mourir seul pendant la nuit. Vous n’aurez qu’à me veiller et ne pas vous inquiéter, car j’ai souvent de terribles cauchemars et des hallucinations non moins impressionnantes !

— Ah ! Fit l’autre, indifférent.

— Alors, si vous me voyez me dresser dans mon lit et hurler très fort, ne vous étonnez, ni ne vous effrayez pas, ajouta le paralytique.

— Je n’ai peur de rien, Monsieur, affirma le paysan.

— Je le sais, mon ami, mais parfois la peur peut être contagieuse, expliqua Vincent Leroux.

En achevant ces mots, il ferma les yeux, épuisé d’avoir parlé si longtemps.

La nuit commençait à tomber et ses premières ombres envahissaient lentement la pièce.

Carré dans son fauteuil, le paysan ne quittait pas des yeux le vieillard qui semblait dormir.

Anna entra quelques minutes plus tard sans faire le plus petit bruit.

— Voulez-vous descendre à la cuisine, je vous ai fait préparer votre dîner ? Lui dit-elle. Pendant votre absence, je resterai ici.

L’homme obéir avec empressement et ne remonté qu’au bout de trois quart d’heure. Il semblait très satisfait de son repas.

— Madame, murmura-t-il aimablement à Anna, allez vous reposer, vous avez l’air d’en avoir besoin. Et si vous désirez quelque chose, je suis à votre disposition.

— Merci, mon ami, répondit Anna en lui souriant. Je ne vais pas tarder à suivre votre conseil, car il y a deux nuits que je n’ai pas fermé l’œil. Voici une potion, dès que Monsieur se réveillera, n’oubliez pas de lui en faire prendre une cuillerée.

— Vous pouvez compter sur moi, Madame, je n’y manquerai pas, affirma l’homme.

— Dans le cas où il s’agiterait trop, venez me chercher, je suis dans la chambre voisine, lui recommanda encore la jeune artiste.

— Oui, Madame.

— Alors, bonne nuit !

— Bonne nuit ! Madame, répondit le paysan en souriant.

Anna descendit à son tour prendre un léger repas, fuma deux cigarettes penchée à la fenêtre d’où arrivait le bruit lointain du ressac de la mer sur les rochers. Elle respira avec volupté l’air iodé du large. Puis elle remonta dans sa chambre et se coucha, brisée de fatigue.

De son côté, Gaston ramassa son fusil et s’installa dans le fauteuil décidé à aire feu sur le premier diable qui se présenterait à ses yeux.

Le temps passa et l’homme finit par s’endormir à son tour.

Vincent Leroux se réveilla en sursaut, s’assit dans son lit et, fixant la porte de ses yeux exorbités, il se mit à hurler :

— Elle est là ! Elle est revenue !

— Quoi ? Qu’est-ce que c’est ? S’écria l’homme en se réveillant brusquement.

— Elle est là ! Elle est là ! Cria le malade d’une voix épouvantée.

Gaston regarda autour de lui, mais ne vit rien. Il saisit cependant son fusil et mit en joue l’endroit que le malade lui désignait.

— Ne tirez pas ! Supplia Leroux. Ne tirez pas ! Elle est déjà morte.

— Morte ? Bredouilla le paysan sentant ses cheveux se dresser sur sa tête.

— Oui ! Je l’ai tuée ! Gémit Vincent Leroux, en éclatant en violents sanglots.

— Seigneur ! S’exclama l’autre d’une voix haletante. Que dites-vous ?

— Regardez ! Regardez c’est son spectre qui revient ! Regardez !

— Mais non ! Calmez-vous, il n’y a rien, répondit Gaston qui sentait une sueur glacée lui courir dans le dos.

— Dites-lui de s’en aller ! Peut-être vous écoutera-t-elle supplia le malade.

— Moi ?

— Je vous en conjure !

— Je ne parlerai pas à un spectre pour tout l’or de la terre, s’écria le paysan en quittant brusquement son fauteuil.

Saisi d’une frayeur folle, il sortit de la chambre en courant, descendit l’escalier avec la rapidité d’un éclair. Il se précipita hors de la maison et se dirigea vers le village, en proie à une épouvante indicible ...

Le lendemain tout le pays savait que la villa était hantée par les spectres et les fantômes.

— quelle horreur ! Dit l’un.

— Je fais un grand détour pour ne pas passer devant cette demeure maudite, ajouta l’autre.

— Gaston m’a juré qu’il a vu le diable, raconta un troisième.

Ces bruits circulaient à plus d’une lieue à la ronde et les gens, en passant près de la villa, se signaient en la regardant avec crainte.

La pauvre Anna, ayant eu connaissance de tous ces propos, était très ennuyée, car elle ne pouvait plus demander à quelqu’un de veiller Vincent.

Vers midi, alors qu’elle était allée prendre un peu de repos, Vincent l’appela. Elle se précipita dans sa chambre, effrayée, mais à sa grande surprise, elle le trouva sensiblement mieux. Il y avait même longtemps qu’elle ne l’avait vu ainsi.

— Tu te sens mieux, n’est-ce pas ? Demanda-t-elle avec une grande douceur.

— Beaucoup mieux, en effet, murmura le vieil homme en souriant, alors que de grosses larmes roulaient le long de ses joues pâles, creusées de profondes rides.

— Mais ... tu pleures, Vincent ? S’exclama la jeune femme, stupéfaite.

— Non ! Non ! Protesta faiblement le malade.

— Je le vois bien ! Affirma-t-elle affectueusement. J’espère que ce n’est pas parce que tu te sens mieux que tu pleures, ajouta-t-elle en souriant.

— Ce mieux, chère petite, répondit-il dans un souffle, est celui qui précède la mort.

— Allons ! Allons ! En voilà des idées ! Dit-elle tendrement. N’aie pas peur, Vincent, je ...

— Comment veux-tu que je n’aie pas peur, alors que je sais que je ne vais pas tarder à comparaître devant dieu, pour répondre de mes crimes ? Protesta-t-il épouvanté.

— Cessons de parler du passé, Vincent, ça te fait beaucoup de mal.

— Je veux en parler, au contraire ! S’entêta le paralytique.

— Bien ! Soupira-t-elle résignée.

— Ecoute, Anna, j’ai une dernière prière à te faire avant de mourir, reprit-il d’une voix brisée.

— De quoi s’agit-il, mon ami ? Dit-elle en se penchant vers lui.

— Je te demande lorsque je serai mort, de me fermer les yeux, Anna, et de prier très ardemment pour moi, supplia-t-il en la fixant anxieusement.

—Tu n’avais même pas besoin de me le demander, Vincent, répondit-elle avec douceur. Je te promets de prier de tout mon cœur pour toi tous les soirs, avant de me coucher.

— Merci, mon enfant ! Soupira-t-il avec soulagement.

Soudain son visage se crispa, tandis que son front se couvrait de gouttes de sueur.

— Qu’as-tu, Vincent ? S’écria la jeune femme, en se penchant vers le malade, très effrayée.

— Je ... j’étouffe, râla-t-il en portant ses mains décharnées à sa gorge.

— Attends ! Je vais te donner ta potion, proposa-t-elle.

— De l’eau !... De l’eau ! Bégaya-t-il les yeux exorbités, le visage livide.

Anna se précipita vers la commode, saisit la carafe d’eau, en remplit un verre, et revint précipitamment vers le malheureux.

Mais l’infortuné ne put en avaler une seule goutte. Il agitait douloureusement sa tête sur l’oreiller, les mains autour de sa gorge. De temps en temps, des râles affreux lui échappaient.

Affolée, Anna sonna la servante, et lui cria, lorsqu’elle apparut, d’aller chercher le docteur ...

C’était hélas ! Trop tard.

Vincent ouvrit les yeux une où deux fois, poussa un grand soupir et ... ce fut la fin. Son visage se détendit et il parut dormir paisiblement ...

Anna se pencha sur lui, fit un signe de crois sur son front, après avoir déposé un baiser sur la joue, déjà froide du mort.

Puis, elle s’agenouilla au pied du lit et prisa de toute la ferveur de son âme. Elle se releva au bout de cinq minutes et s’empressa de lui donner les derniers soins.

Une fois ce triste devoir achevé, elle se dirigea vers le village pour déclarer sa mort à la Mairie.

Vincent Leroux fut enterré dans le petit cimetière de Saint Valéry en Caux placé tout en haut de la falaise et dominant la mer.

Seule la jeune femme assista à la cérémonie funèbre.

Le lendemain elle revint sur la tombe fraîche qu’elle couvrit de fleurs. Suivant les instructions du défunt, seule une croix abritait son sommeil éternel.

Anna renvoya la bonne et s’occupa de rentrer en possession de la petite fortune que lui avait laissée Vincent. Effectivement, il s’agissait d’environ quatre millions de francs.

« Maintenant, pensa-t-elle, plus rien ne me retient ici. Je vais rentrer à Paris et tâcher, le plus discrètement possible d’entreprendre des recherches pour retrouver le fils de Julien »

Trois jours plus tard, la jeune actrice débarquait à la gare Saint Lazare.

Elle eut vite fait de découvrir un charmant appartement meublé, non loin du quartier Saint Augustin, dans lequel elle s’installa.

Des commerçants du quartier lui indiquèrent une brave et honnête veuve d’une quarantaine d’années, cherchant à se placer pour subvenir aux besoins de son fils, de santé délicate.

Anna la prit à son service ainsi que le garçon, âgé de quatorze ans, auquel elle faisait faire les courses. Elle lui apprit, également à servir à table.

Il y avait un mois qu’elle était revenue dans la capitale, lorsqu’un jour, après déjeuner, Anna chargea Mathieu — C’est ainsi que s’appelait son jeune valet de chambre — d’aller chercher un taxi, désirant se promener en voiture au Bois de Boulogne. Il faisait un temps magnifique.

— Veux-tu m’accompagner ? Demanda-t-elle lorsqu’il lui annonça que la voiture attendait devant la porte.

Le jeune Mathieu ne se le fit pas dire deux fois, ravi d’une pareille aubaine.

— Que le Bois est joli ! S’exclama-t-elle lorsque la voiture longea le lac.

— Oh, oui ! Approuva Mathieu et surtout en cette saison.

— Tu es Parisien, je crois ? Demanda Anna.

— Oui, Madame, je suis né à la Chapelle, répondit fièrement Mathieu.

— Et moi, à la Villette, murmura Anna en souriant.

— Vrai ? S’écria le jeune garçon ravi, nos quartiers sont voisins.

— Vous avez raison, reconnut Anna en riant. J’ai une idée ! Je vais demander au chauffeur de nous conduire dans nos quartiers respectifs, ajouta-t-elle.

Et c’est ce qu’elle fit, en ouvrant la glace qui les séparait du chauffeur.

Lorsque le taxi, après un long parcours, passa devant l’hôpital Lariboisière, ils aperçurent un groupe de personnes faisant cercle autour de deux ménagères qui se querellaient. Soudain, le chauffeur donna un violent coup de frein, tandis que des cris d’horreur se faisaient entendre.

— Un accident ! Cria quelqu’un.

Anna Carrel ouvrit la portière et sauta dans la rue.

Le taxi venait de renverser une petite fille d’une dizaine d’années.

 

( A SUIVRE LE 21 JANVIER )

 

 

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