Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

MOINEAUX SANS NID N° 208

7 Décembre 2012, 09:00am

Publié par nosloisirs

 

CHAPITRE-208--.jpegLa nuit commençait à tomber. Seule une légère clarté filtrait à travers les branches des arbres.

Robert, apercevant un ruisselet qui bordait le sentier, s’agenouilla pour étancher la soif ardente qui lui brûlait la gorge. Soudain, une voix impérieuse cria en français :

— Halte là ! Haut les mains !

Montpellier tourna la tête et vit une patrouille de soldats français, arrêtée à quelques mètres de lui.

— Haut les mains ! Répéta l’officier, en le mettant en joue ... Haut les mains !... Ignoble Allemand !

— Ignoble Allemand ? Répéta à son tour Robert, ahuri.

— Rends-toi ou je t’abats, reprit l’officier.

Robert comprit brusquement l’équivoque dont il était victime. Il avait totalement oublié qu’il portait toujours l’uniforme du soldat allemand découvert mort dans le bois.

— Ecoutez, mon Lieutenant, fit-il, les bras toujours levés sous la menace des fusils braqués sur lui, je suis ...

— Te rends-tu ... Trancha le jeune lieutenant, furieux.

— Certainement, mon Lieutenant !

— Alors, jette ton arme !

— Voilà ! S’exécuta Montpellier en lançant son fusil loin de lui.

Un homme ramassa l’arme et la patrouille entoura aussitôt Robert.

— Relève-toi ! Ordonna l’officier.

— Mon Lieutenant, vous faites erreur, je suis Français, expliqua Robert en se relevant.

— Tu es Français ? Ricana l’autre, incrédule.

— Je vous l’affirme ! Je suis Robert Montpellier et appartiens au vingt-septième régiment d’infanterie, mon Lieutenant.

— Alors que signifie ton uniforme ? Questionna l’officier, perplexe.

— Je vais vous expliquer, mais je dois être conduit tout de suite auprès du Capitaine pour lui rendre compte de la mission qu’il m’avait confiée.

— Ah ! S’exclama le Lieutenant, continuant à le dévisager avec la plus grande attention, tu avais donc été chargé d’une mission ?

— Oui, mon Lieutenant, et même assez importante, répondit robert avec un accent qui ne permettait pas de douter de la sincérité de ses paroles.

L’officier se tut un instant, puis ajouta avec le plus grand calme :

— Très bien, nous allons te conduire tout de suite auprès du Capitaine.

— Alors, vous me croyez ? S’écria Robert en le fixant avec reconnaissance.

— A ton accent, il est indéniable que tu es Français ... Mais on ne prend jamais assez de précautions ... En avant ! Cria-t-il en s’adressant à ses hommes.

La patrouille s’ébranla, Robert ayant été placé au centre, de façon à ce qu’il ne put se sauver.

La nuit, maintenant, était tout à fait tombée et, de temps en temps, une chauve-souris effleurait la tête des soldats.

Une heure plus tard, le petit détachement atteignit la localité où se trouvait cantonné le régiment de Robert Montpellier qui fut sur-le-champ conduit à son capitaine.

L’officier ne put cacher sa stupéfaction en le voyant revêtu d’un uniforme allemand. Il ouvrit la bouche pour le questionner mais le jeune artiste ne lui en laissa pas le temps. Il s’exclama :

— Mon capitaine, c’est par miracle si je suis devant vous !

— Et on compagnon ? Où est Moulouk ? Le questionna l’officier en fronçant les sourcils.

— Il est mort, hélas ! Mon Capitaine, répondit tristement Montpellier.

— Mort ? Répéta l’officier en le fixant avec une légère méfiance.

— Oui ! Mon Capitaine, affirma Robert, il a été tué alors que je le transportais sur mon dos.

— Que s’est-il donc passé ? Interrogea le Capitaine, très intrigué.

Calmement, Robert lui rapporta sa dramatique aventure. Lorsqu’il eut achevé, son supérieur lui posa une main sur l’épaule, planta son regard dans les yeux et ajouta :

— Est-ce la vérité, Montpellier ?

— C’est la stricte vérité, mon Capitaine, répliqua Robert sans battre une seule fois les paupières.

— Peux-tu en ce cas, me décrire scrupuleusement le dépôt allemand ? Reprit l’officier.

— Certainement, mon Capitaine, affirma le jeune artiste. Je vais vous le dessiner, acheva-t-il en sortant un carnet et un stylo de sa poche.

En quelques secondes, il traça le plan exact du dépôt en question qu’il tendit ensuite à son supérieur.

L’officier l’examina les yeux remplis d’étonnement.

— C’est excellent, aucun détail n’y manque ! S’exclama-t-il.

— Vous êtes trop indulgent, mon Capitaine ! Murmura Robert en riant.

— Mais non ! Protesta l’officier.

— Ce n’est qu’une mauvaise exquise et très mal venue pour un peintre, reprit Robert.

— Comment, tu es peintre ? Questionna le Capitaine, de plus en plus étonner.

— Oui, mon Capitaine, répondit Robert, c’était mon métier.

L’officier garda le silence quelques instants paraissant réfléchir profondément, puis sourit et dit au jeune artiste :

— Bien ! Maintenant va dormir jusqu’à demain, car tu dois en avoir bien besoin. Nous reparlerons de tout cela plus tard !

Robert salua et s’éloigna pour échanger son uniforme allemand contre une tenue française que lui procura tout de suite le Sergent appelé par le Capitaine. Ensuite, il étendit une couverture par terre, près d’un groupe de soldats et ne tarda pas à s’endormir profondément.

Il ne se réveilla qu’à l’aube le lendemain, lorsqu’un camarade l’eut secoué à deux ou trois reprises.

Robert se leva, fit sa toilette, puis suivit ses compagnons pour aller boire son quart de café.

Son déjeuner achevé, il s’assit au pied d’un arbre car il était encore épuisé par les émotions et les fatigues de la veille.

« Mon Dieu ! Se dit-il avec angoisse, reverrai-je Valérie ? Qu’il est dur de se sentir seul sur terre ! »

Emu, Robert caressa la tête du brave chien.

— Oui ! Murmura-t-il c’est vrai, je ne suis pas seul, puisque tu es là mon bon toutou !

Puis le souvenir d’Alice d’Evreux se présenta à sa mémoire.

— L’infâme créature ! Murmura-t-il avec mépris.

Il se replongea dans ses souvenirs et ses méditations, lorsqu’un soldat vint s’asseoir près de lui.

— Montpellier, lui dit-il, j’ai à te parler.

Robert le dévisagea avec indifférence.

— Je t’écoute, répondit-il distraitement.

— Il s’agit, reprit le nouveau venu de choses qui te concernent.

— Ah ! Fit Robert.

— Avant tout, méfie-toi des hommes de couleur qui se trouves avec nous, lui conseilla son camarade.

— Tiens, et pourquoi ? S’exclama Robert, étonné.

— Je parle très sérieusement, mon vieux, affirma son interlocuteur.

— Mais pour quelle raison devrais-je me méfier de ces braves gens ? Interrogea Robert intrigué.

— Parce qu’ils sont persuadés que tu as tué Moulouk par vengeance, expliqua l’autre.

— C’est faux ! S’indigna Montpellier avec énergie. Le malheureux a été tué d’une balle par une patrouille allemande.

— eux prétendent que c’est toi son meurtrier, insista le soldat.

—Alors, je vais aller leur raconter comment Moulouk est mort décida Robert.

— Non ! Surtout ne les approches pas, s’écria vivement le nouveau venu.

Robert fronça les sourcils et garda le silence quelques secondes, réfléchissant intensément puis, haussant les épaules, il murmura d’une voix basse :

— Entendu, j’agirai comme tu me le conseilles.

— Surtout, sois constamment sur tes gardes, mon vieux, poursuivit son camarade.

— Et si j’étais attaqué par surprise ?

— Alors, tu serais perdu !

— Si tu savais comme ça m’est égal ! Répliqua amèrement Robert. Je tiens si peu à la vie !

L’autre sourit et ajouta :

— Je ne désire pas te poser de questions indiscrètes, mais comme je ne veux pas que tu sois tué, je veillerai sur toi !

— Je te remercie, répondit Montpellier étonné — puis il protesta — Je ne tiens pas à ce que tu risques ta vie pour moi !

— Ne t’en fais pas !

— Et pour quelle raison, reprit Robert, t’intéresses-tu à moi, alors que tu me connais à peine et que tu sais tout juste mon nom ?

L’homme sourit mystérieusement et répondit :

— A dire vrai, mon cher Montpellier, en plus de la réelle sympathie que tu m’inspires, j’ai une dette envers toi.

— Qu’est-ce que tu dis ? S’exclama Robert en le dévisageant stupéfait. Je ne te comprends pas !

L’autre toujours souriant, poursuivit :

— Je dois beaucoup à un ange qui t’aime.

— Un ange ? Répéta Montpellier de plus en plus ahuri.

— Oui, un ange, une femme qui s’appelle Valérie.

— Valérie ! Interrompit Robert d’une voix altérée, en se relevant d’un bond.

— Oui, mon ami, il s’agit bien de Valérie Labeille, continua son camarade avec douceur.

Robert tressaillit, se pencha vers son interlocuteur et lui saisit une main qu’il étreignit avec émotion.

— Valérie ! Bégaya-t-il, bouleversé. Valérie ! Parle vite, par pitié et dis-moi tout ce que tu sais d’elle, je t’en conjure !

Son compagnon eut un nouveau sourire et reprit :

— Mais oui, Montpellier, je vais t’en parler et te raconter aussi une très longue histoire, mais calme-toi et assieds-toi à côté de moi.
Le jeune artiste s’empressa d’obéir et fixa avec le plus vif intérêt cet inconnu, qui brusquement, lui paraissait être un ami et un confident ... Cet homme allait lui parler de Valérie, lui donner enfin des nouvelles de celle qui occupait toute sa pensée, tout son cœur !

— Parle vite, je t’en supplie, le pria-t-il alors que l’autre se taisait comme s’il cherchait à coordonner ses pensées. Raconte-moi tout d’elle. Ne vois-tu pas que je meurs d’impatience ?

Son nouvel et mystérieux ami répondit en souriant toujours :

— Mais oui ! Tu vas tout savoir, mais reprends ton calme et ne perds pas un seul mot du récit que je vais te confier.

— Je suis très calme, affirma le peintre.

— C’est que j’ai également à te raconter une longue histoire, poursuivit l’autre soupirant.

A cet instant, on sonna le rassemblement.

Certainement quelque chose de sérieux venait d’arriver.

 

( A SUIVRE LE 10 DÉCEMBRE )

 

041

 

Commenter cet article