Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

MOINEAUX SANS NID N° 206

1 Décembre 2012, 09:00am

Publié par nosloisirs

 

CHAPITRE-206--.jpegLa brave et courageuse femme essaya d’atteindre les étages supérieurs pour mieux se rendre compte du sinistre, mais elle se heurta à des groupes de gens affolés qui bondissant hors de leurs appartements et dégringolant les marches en hurlant, l’empêchaient de monter plus haut.

— Au feu ! Au feu ! Criait-on.

— Où a pris le feu ? S’écria la concierge très effrayée.

— Tout en haut, au dernier étage, lui fut-il répondu.

— Mon Dieu !

De minute en minute, la fumée suffocante s’épaississait. Malgré sa terreur, la courageuse femme essaya de monter l’escalier, mais un homme portant une grosse valise la heurta avec une telle violence qu’elle perdit l’équilibre et tomba. Sa tête heurta une des barres de la rampe et elle s’évanouit.

Des locataires la relevèrent et l’apportèrent au rez-de-chaussée pour la soigner.

La rue était pleine de badauds et déjà les fenêtres de l’immeuble laissaient passer les premières flammes.

— Mais que font les pompiers ? S’écria un homme impressionné par ce terrible spectacle.

— On les a prévenus, répondit un autre.

— Il vaut mieux les appeler de nouveau !

Tandis que s’échangeaient ces propos, la maison flambait, et aucune voiture de pompiers ne s’annonçait encore.

Soudain, une exclamation d’épouvante jaillit de la foule stationnant devant l’immeuble sinistré. Sur le balcon du deuxième étage venait d’apparaître un petit enfant de deux ou trois ans qui pleurait en criant de toutes ses forces :

— Maman ! Maman !

Tous les visages étaient levés vers lui, exprimant l’horreur, car les flammes, à présent, sortaient de toutes les fenêtres de l’immeuble.

— Il faut secourir cet enfant, hurla une femme prête à se trouver mal.

— Mais où sont ses parents ? Cria une autre.

Personne pourtant n’osa pénétrer à l’intérieur de la maison dont l’escalier dégageait une fumée noire, de plus en plus opaque.

Un jeune homme d’une vingtaine d’années, bouleversé par la vue du pauvre bébé sanglotant sur son balcon voulut s’élancer à son secours, mais sa mère lui encercla la taille de ses bras en hurlant comme une possédée :

— Non ! Non ! Mon petit, n’y va pas ! N’y va pas !

Malgré tous ses efforts, le jeune homme ne parvint pas à se dégager des bras de sa mère éplorée.

— Mon Dieu, ce pauvre bébé va donc mourir ainsi ! Il n’y aura personne qui aura pitié de lui ! Cria une femme.

— Si, moi, Madame, et j’y vais ! Répondit à cet instant un garçon d’une douzaine d’années qui venait d’arriver devant l’immeuble.

Un cri de terreur et d’admiration échappa de la foule car, sans hésiter, l’enfant avait bondi à l’intérieur de l’escalier.

La situation devenait plus que dramatique, et la foule se faisait plus dense à chaque minute.

— Pauvre gosse ! Murmura un vieil homme en hochant la tête, il va au-devant d’une mort certaine et affreuse.

— C’est un véritable suicide ! S’exclama une femme.

Tous les yeux fixaient le balcon où le bébé apeuré, semblait paralysé.

Un cri d’enthousiasme accueilli l’arrivée du courageux garçon dont le visage était noir de fumée et les vêtements en partie brûlés.

— Je ne peux plus redescendre par l’escalier, il est la proie des flammes, cria-t-il à la foule massée.

Agile comme un singe, le jeune garçon saisit l’enfant, enjamba la balustrade et s’accrocha avec son fardeau à une grosse gouttière.

Six hommes s’étaient munis d’une grande couverture et lui criaient :

— Jette-toi avec le petit ! N’aie pas peur !

Mais le courageux enfant descendait avec le bébé, posant avec précaution ses pieds sur les gros anneaux encerclant la gouttière et la fixant au mur.

La foule énorme qui occupait maintenant toute la rue suivait avec angoisse chacun de ses mouvements, haletante d’émotion, s’attendant d’un instant à l’autre à les voir s’écraser sur les pavés.

— Pierrot ! Mais c’est Pierrot, cria quelqu’un.

En effet, l’héroïque garçon était bien Pierrot.

Il arrivait presque au sol maintenant, couvert d’égratignures et de brûlures, l’enfant étroitement serré dans ses bras.

— Aidez-moi ! Aidez-moi ! Murmura-t-il aux hommes accourus vers lui, je n’en peux plus ...

Et il s’évanouit !

— Il faut vite prévenir sa mère ! S’écria un des hommes qui l’entourait.

— Il n’a personne au monde, déclara une voisine.

— Pauvre gosse !

On transporta Pierrot à l’hôpital tandis que le bébé qu’il venait de sauver était confié à sa tante, accourue, elle aussi en apprenant l’incendie.

Les pompiers enfin arrivés devant l’immeuble, essayaient d’éteindre l’incendie, qui prenait d’inquiétantes proportions, menaçant les maisons voisines que les locataires commençaient à évacuer, emportant avec eux ce qu’ils avaient de plus précieux.

Fort heureusement l’intervention des pompiers empêcha le sinistre d propager et trois heures plus tard, le feu commença à s’éteindre.

Ce fut alors qu’une voiture s’arrêta dans la rue et qu’une fort élégante et jolie femme demanda à un badaud qui stationnait devant la voiture des pompiers occupés à ranger leur matériel :

— Il y a eu le feu par ici ?

— Je pense bien, Madame, s’exclama l’homme et il s’agissait d’un terrible incendie, je vous le jure !

— Y a-t-il eu des victimes ? Reprit l’inconnue, vivement intéressée.

— Heureusement pas, mais un garçon d’une douzaine d’années et une femme ont été très gravement brûlés !

— Les malheureux ! S’apitoya la jeune femme.

— Il y a également à cause de ce sinistre une bonne dizaine de familles sans toit, reprit le très complaisant informateur.

— Que c’est triste ! Et qu’est-il arrivé à ce petit garçon ? Demanda encore la jolie femme.

— Le pauvre petit a eu le corps atrocement brûlé, m’a-t-on raconté en voulant sauver un bébé de deux ou trois ans ! Ajouta l’homme.

— Mais c’est un véritable acte d’héroïsme ! S’écria l’inconnue.

— Il paraîtrait même que ce jeune garçon — qui s’appelle Pierrot — est descendu d’une fenêtre du deuxième étage avec l’enfant, en s’agrippant à la gouttière.

— Ah ! Ce garçon s’appelle Pierrot ? Reprit l’inconnue, de plus en plus intéressée.

— Oui, Madame, et c’est un orphelin très travailleur et courageux qui gagne seul sa vie en vendant des journaux.

— Ah !

— On vient d’ailleurs de le transporter en ambulance à l’hôpital, continua l’homme — ravi du succès de son histoire auprès de cette dame si élégante, égarée certainement dans le quartier — et un médecin qui se trouvait parmi la foule a dit qu’il ne croyait pas qu’il pourrait s’en tirer.

— Mais vous dites là des choses terribles, Monsieur, s’exclama la jeune femme, et j’espère de tout mon cœur que ce courageux enfant guérira !

Puis, l’inconnue, qui n’était autre qu’Alice d’Evreux — nos lecteurs l’ont certainement déjà deviné — quitta après l’avoir remercié son aimable informateur, remonta en voiture et se dirigea rapidement vers son domicile, un sourire diabolique sur les lèvres, tout en songeant avec ravissement qu’il ne devait plus rien exister du testament de l’oncle Julien.

De retour chez elle, elle sonna la femme de chambre.

— Monsieur le marquis est-il rentré ? Demanda-t-elle.

— Oui, Mademoiselle, il vous a précédé d’un quart d’heure environ.

— Priez Monsieur Anselme e venir me rejoindre ici, ordonna-t-elle sèchement.

— Tout de suite, Mademoiselle, répondit la servante qui disparue aussitôt.

Quelques minutes plus tard, Anselme pénétrait dans le boudoir d’Alice. Il était très pâle et très sombre.

— Tu désires me voir ? Demanda-t-il à sa sœur.

— Mais oui, mon vieux, répliqua gaiement la jeune femme.

Anselme la dévisagea quelques secondes, perplexe puis ajouta :

— Tu as pu te renseigner ?

— Certainement, j’en viens !

La pâleur du marquis s’accentua.

— J’admire ton courage ! Murmura-t-il en hochant la tête.

Alice éclata de rire.

— Mon courage ! Répéta-t-elle avec ironie. Tu as raison, je n’en manque pas. Nous pouvons espérer aujourd’hui que l’héritage de notre oncle nous appartient entièrement, d’autant plus que son cher fils ne tardera certainement pas à mourir ! Acheva-t-elle triomphante.

— Comment ? Le ... le petit était chez lui ? Bredouilla le marquis d’une voix mal assurée.

— Non ! Mais il a été très gravement blessé en voulant sauver un bébé de l’incendie, expliqua sa sœur.

Anselme baissa la tête.

— Comme le document a dû être détruit par le feu, que ce maudit Pierrot meure ou vive, ça n’a plus grande importance pour nous !

— Ainsi je suis, maintenant, un incendiaire ! Murmura sombrement Anselme.

Sa sœur éclata de rire une fois encore.

— Allons ! Allons, Anselme ne tombe pas dans un pessimisme exagéré, d’autant plus que le véritable incendiaire est un certain Ernest Dubois avec qui le marquis d’Evreux n’a absolument aucun lien

Le corps d’Anselme était agité d’un tremblement convulsif.

Il était évident que cet homme cruel et impitoyable, qu’aune infamie ne rebutait éprouvait un semblant de remords que sa sœur ne pouvait réussir à atténuer.

Peut-être aussi avait-il peur d’être découvert, car malgré toute sa superbe et son assurance, je marquis d’Evreux était un lâche.

Il essuya de son mouchoir son front moite de sueur et bégaya :

— A ... Alice !

— Qu’est-ce qui t’arrive ? S’écria la jeune femme, en le fixant avec mépris, et d’où vient pareille frayeur ?

— Je n’en sais rien ! Soupira-t-il d’une voix brisée.

Après un silence qui n’en finissait plus, la jeune femme ajouta :

— Demain, tu agiras comme les jours passés et tu retourneras là où tu as l’habitude d’aller. Surtout n’aie aucune crainte et aucun remords. Que peux-tu désirer de plus ? Te voici très riche, tu n’as qu’à dépenser ta fortune, t’amuser et te distraire ! Tu as été réformé, ce qui t’évite la crainte d’aller te faire tuer ... Le monde t’appartient, Anselme !

Le marquis ne répondit pas. Malgré tous ses efforts, il ne parvenait pas à se ressaisir.

Soudain la perverse femme éclata d’un rire strident.

— Je savais bien que tu n’étais qu’un faible et un lâche ! Déclara-t-elle avec dégoût et je me demande ce que tu ferais si je n’étais pas près de toi pour te diriger ?

Anselme gardait toujours le silence.

Alice, perdant complètement patience, reprit durement :

— Puis-je savoir pourquoi tu as encore peur ? Crains-tu que l’on découvre que tu es l’auteur volontaire de cet incendie ? Voyons, réfléchis un peu Anselme ! Si quelqu’un était soupçonné, ça ne pourrait être que cet Ernest Dubois avec lequel le marquis d’Evreux n’a aucun lien. Alors tranquille-toi complètement, car nul ne pourra jamais établir le moindre rapport entre vous deux ! Amuse-toi et dans quelques jours, tu auras tout à fait oublié ce désagréable incident, acheva-t-elle en riant.

 

( A SUIVRE LE 4 DÉCEMBRE )

 

 

041

Commenter cet article