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MOINEAUX SANS NID N° 149

12 Juin 2012, 09:00am

Publié par nosloisirs

CHAPITRE 149

LedocteurDominguezétaittrèsréputédanstoutelavilleetseshonorairesétaientloindêtremodiques,maisunteldétailnepréoccupaitguèreMichelLabeillequi,grâceàDieu,pouvaitfairefaceauxréponseslesplusélevées,dautantplusquecemédecinluiavaitprodiguédessoinsattentifsetquesasantéallaitsaméliorantdejourenjour.

Dominguez trouva Labeille dans son lit où l’avait installé Valérie et il l’ausculta avec la plus grande attention. Il releva la te^te. Puis, après quelques instants de réflexion, et désignant de l’index la poitrine de son patient, il déclara :

— Il vient de se passer ici quelque chose que je ne m’explique pas ...

Valérie pâlit en entendant ses paroles.

— Hier, reprit le praticien, je vous ai quitté très satisfait par votre état, et je vous trouve aujourd’hui subitement beaucoup moins bien. Je crains que vous n’ayez pas suivi mes prescriptions.

— Je vous affirme, docteur, qu’elles ont toutes été suivies à la lettre, protesta Michel Labeille.

— Toutes, vraiment ? Répéta le médecin, l’air sceptique.

— Je vous l’assure, docteur.

— Avez-vous pris le dernier médicament que je vous avais ordonné toutes les trois heures ? S’informa Dominguez, perplexe.

— Mais bien sûr, Docteur, répliqua le père de Valérie.

Le médecin réfléchit quelques secondes puis recommença à examiner son malade avec une attention accrue. Lorsqu’il eut achevé il se redressa et s’informa :

— Auriez-vous eu une contrariété, par hasard, monsieur Labeille ? Où vous seriez-vous mis en colère ?

— Il est vrai, reconnut Michel Labeille qu »’il suffit de peu pour me fâcher. J’ai si mauvais caractère ! Reconnut-il au riant. C’est exact ; j’ai été contrarié et à la suite de cela j’ai réagi par une violente colère.

— Alors, dit le praticien, il ne faut pas chercher plus loin ; c’est l’unique raison de votre malaise, cher monsieur.

— Docteur Dominguez, soupira Michel Labeille, il est parfois difficile dans la vie, d’éviter certains éclats, vous ne l’ignorez pas.

— Je le sais, répondit le praticien, mais je dois vous rappeler que les émotions sont extrêmement fâcheuses pour un grand nerveux comme vous et qu’elles peuvent finir par vous expédier très vite dans l’autre monde.

Valérie écoutait, très effrayée. Elle comprenait que le douloureux entretien avec Jean Marigny était la cause de la rechute du malade.

Le médecin se tourna vers elle et lui dit très aimablement :

— Je suis convaincu, Mademoiselle, que vous aimez profondément votre père.

— Oh ! Docteur, comment pourriez-vous en douter ? S’écria-t-elle en joignant les mains.

— Telle n’est pas sa pensée, affirma Dominguez. Mais si vous désirez conserver votre père pendant encore de nombreuses années, agissez de manière à l’éloigner de ses occupations et de ses affaires. De plus, il faut absolument lui éviter toute contrariété.

— Nous reparlerons de tout cela plus tard, intervint Michel Labeille. Pour l’instant d’ailleurs, je travaille au ralenti.

— Il n’y a pas à en reparler, trancha le médecin avec énergie. Vous devez m’obéir strictement ; autrement je ne puis répondre de rien !

— Cependant, la vie d’un homme d’affaires est toujours assez agitée, protesta faiblement le malade.

— Vous êtes assez riche, cher Monsieur pour y renoncer, reprit sévèrement Dominguez, et liquider rapidement les choses les plus urgentes.

— Evidemment, admit Labeille, c’est faisable.

— Alors, n’hésitez pas, et souvenez-vous que, le plus vite possible il vous faut une grande tranquillité, ainsi qu’une vie bien réglée au grand air.

— Mais à Barcelone l’air est excellent, remarqua Michel.

— Pas suffisamment pour vous, répondit le praticien, je préférerais vous savoir à la campagne ou dans une petite ville où l’air n’est pas vicié par de trop nombreuses voitures ni par des fumées d’usines, ainsi que par celles des navires ancrés dans le port, sans parler de toutes les odeurs nauséabondes communes à tous les ports du monde.

Valérie prit la parole à son tour après avoir jeté un tendre regard à son père.

— Nous agirons selon vos directives, Docteur, et le plus vite possible, à condition toutefois qu’un voyage ne fatigue pas trop mon père.

— Même un long voyage, s’il est entrepris dans des conditions très confortables, ne peut faire de mal à monsieur Labeille répondit le médecin en souriant à la jeune femme.

Il se pencha de nouveau sur son patient, lui tâta le pouls et ajouta :

— Une fois à la campagne, cher Monsieur, vous n’aurez plus besoin d’aucun médicament ; l’air pur et une nourriture saine suffiront amplement à vous remonter.

— Très bien, Docteur, soupira Michel d’un air résigné, je suivrai scrupuleusement vos conseils.

Dominguez rédigea son ordonnance qu’il tendit à la jeune femme, puis prit congé de Valérie et du malade.

Après son départ, Valérie dit tendrement à son père :

— Maintenant, papa, il va falloir nous arranger pour quitter Barcelone le plus vite possible.

— Voyons, chérie, sois raisonnable, essaya de protester Michel Labeille qui se sentait déjà délivré de l’autorité médicale. Comment veux-tu que je puisse le faire et tous mes intérêts me retiennent ici ?

— Peu importe ? S’écria Valérie. Ta santé passe avant tout et la décision de Dominguez à pour moi force de loi !

Labeille soupira de nouveau avec lassitude et se mit à réfléchit intensément en fronçant les sourcils.

— Je t’affirme Valérie que ... commença-t-il.

Mais la jeune femme l’interrompit en posant un tendre baiser sur son front, puis elle poursuivit :

— J’ai déjà pensé à tout, papa chéri ; tu confieras provisoirement la direction de ta société à ton principal administrateur, en qui tu sembles avoir une entière confiance, et tu verras plus tard quelle décision prendre pour renoncer complètement à toute activité.

— Cependant ...

— Tu n’as pas le choix ! Insista Valérie. D’ailleurs, à quoi bon rester à Barcelone souffrant et dans l’impossibilité de t’occuper personnellement de tes affaires ? Non, crois-moi, papa, il faut suivre ses conseils. Ton administrateur pourra te tenir au courant de tout, journellement, par lettre ou par téléphone.

Cette fois Michel Labeille sourit, ravi de l’esprit d’initiative de sa fille.

— Oui, Valérie, tu as raison, déclara-t-il avec un sourire désabusé. Partons donc, puisqu’il le faut ... Mais ... si nous retournions en France ?

— C’est précisément ce que j’allais te proposer ! S’exclama la jeune femme.

— Nous pourrions aller à paris, et ...

— Jamais de la vie ! Coupa-t-elle. Avant tout, le climat parisien ne te vaudrait rien, et ensuite nous aurions là-bas à affronter tous nos ennuis, ce qui t’émotionnerait beaucoup trop, alors que, justement, il te faut du calme.

— C’est juste, admit Labeille avec amertume. Pourtant, un jour, il faudra bien nous décider à entamer la procédure nécessaire pour obtenir ta réhabilitation. Or, cela, c’est seulement à paris que nous pourrons le faire.

— Pour le moment ce qui compte avant tout, c’est ta santé, déclara Valérie affectueusement. Lorsque tu seras tout à fait remis nous verrons alors quelle décision prendre. Nous rentrerons donc en France, mais je pense qu’il vaudra mieux éviter les fatigues d’un long voyage et chercher à nous installer dans les environs de Perpignan, pas trop loin de la mer, dans un coin paisible et pittoresque où tu guériras le plus vite possible.

Michel l’enveloppa d’un regard plein d’amour et de reconnaissance.

— Ma petite fille chérie ! S’exclama-t-il, tu vas encore te sacrifier et c’est précisément ce que j’aurais voulu éviter !

— Non, papa ! Répliqua-t-elle en lui souriant très tendrement, ne pense pas à te telles choses. Et puis, ne t’es-tu pas également beaucoup sacrifié pour moi ? Il est donc naturel qu’à mon tour je fasse tout ce qui est en mon pouvoir pour toi ; c’est le moindre de mes devoirs de fille dévouée et aimante.

Les yeux du malade se remplirent de larmes, et il tourna la tête, honteux de cette faiblesse.

— Je comprends ton point de vue, ma chérie, reprit-il en essayant de se dominer, mais ce qui prime pour moi, c’est toi ; tu es jeune et tu as tout l’avenir devant toi, tandis que j’arrive au bout de ma route, je juge ton sacrifice tout à fait inadmissible !

Valérie se pencha de nouveau sur lui et l’embrassa avec tendresse.

— Tu dis des tas de grosses sottises, papa chéri ! Reprocha-t-elle taquine. Je te remercie de toutes les délicatesses envers moi, mais n’oublie cependant pas que je ne saurais être heureuse en te sachant malade. Et puis, tu n’ignores pas les tracas qui me guettent ; aussi, tu dois te dépêcher de guérir pour me soutenir et m’aider à livrer ma bataille !

— Comment pourrais-je m’en tirer toute seule ? Non, papa, je te défends de parler ainsi ! Rien d’autre ne compte pour moi à présent que ta santé, et je suis décidée à m’occuper uniquement de toi pour arriver à te rendre une parfaite santé.

Michel Labeille profondément ému, garda le silence, et caressa avec amour les beaux cheveux de la charmante jeune femme.

— Ma chérie, murmura-t-il d’une voix presque tremblante, quels trésors de bonté et d’abnégation renferme ton cœur ! Lorsque je pense à ma dureté, à ma sottise et mon intransigeance envers toi j’éprouve un sentiment de honte très pénible, je t’assure.

Cette fois, ce fut au tour de Valérie d’être bouleversée.

Un autre long silence s’établit, rempli toutefois d’une entente totale entre ces deux êtres qui se chérissaient.

— Cessons de parler de tout cela, mon petit papa, murmura Valérie en lui souriant avec tendresse, car il ne s’est agi, après tout, que d’une lamentable erreur, même si j’en ai beaucoup souffert. Grâce au Ciel, les choses ont été éclaircies entre nous, et dorénavant nous resterons toujours unis tous deux.

— Certes, ma fille adorée ! S’exclama le malade d’une voix vibrante d’émotion. Quoi qu’il puise arriver, jamais je ne te priverai de mon affection, car tu es le plus noble et le plus digne de toutes les femmes !

Leur entretien se poursuivit encore quelques minutes, puis le valet de chambre revint, apportant les médicaments prescrits par le médecin, et que Valérie s’empressa d’administrer à son père.

Peu après, Michel Labeille s’accroupit et sa fille quitta la pièce sur la pointe des pieds. Elle allait donner les coups de téléphone indispensables pour régler le départ qu’elle souhaitait aussi rapide que possible. Lorsqu’elle revint dans la chambre, son père dormait profondément et calmement.

Michel Labeille passa une nuit sans alerte et Valérie n’eut guère à bouger du divan qu’elle avait fait placer dans la pièce, afin d’accourir au moindre appel de son cher malade.

Le lendemain matin, Dominguez revint examiner Michel Labeille et il le trouva dans un état assez satisfaisant.

— Ce qu’il faut surtout à présent, dit-il en souriant, c’est je vous le répète de vivre dans le calme le plus absolu.

— Nous avons décidé, Docteur, de partir cet après-midi même ou demain au plus tard pour la France, lui annonça Valérie.

— Parfait ! S’exclama le médecin, je suis certain que, là-bas, votre père aura vite fait de se remettre.

Estelle vint les voir au début de l’après-midi et Valérie la mit au courant de leur départ.

— Je suis sûre que le retour dans votre chère patrie aidera un rétablissement de Michel, dit la jeune femme. Il a besoin de beaucoup de tranquillité et de repos, de renoncer momentanément aux affaires, loin des bruits de la ville et de tous les tracas.

— C’est précisément pour ces raisons que nous avons choisi, pour nous établir un petit coin tranquille aux environs de Perpignan.

— Vous avez eu une excellente idée ! Convint Estelle, et j’espère que vous m’autoriserez à aller vous y surprendre de temps à autre.

— Naturellement, Estelle ! Vous serez toujours la bienvenue à la maison, vous ne l’ignorez pas.

— Et quand partez-vous ? Demanda mademoiselle Marnier. Je dois vous avouer que j’ai beaucoup de chagrin de me séparer de votre père et que, si mon travail me l’avait permis, je n’aurais pas hésité à vous accompagner ; mais en ce moment, je tourne des scènes importantes de mon prochain film, et je ne puis quitter Barcelone, fut-ce pour quarante-huit heures.

— Nous vous attendrons dès que vous serez libre, répondit Valérie. Nous avons décidé de partir demain matin et je vais dès à présent m’occuper de nos valises.

— Comme je suis libre tantôt, annonça Estelle, je peux vous aider si toutefois vous me le permettez.

— Merci, Estelle, j’accepte votre offre avec plaisir, car j’ai tant à faire que je me demande par où commencer ? Il me faut, également congédier les domestiques, puisque mon père ne garde pas cette maison.

— Vous allez partir seuls tous les deux ? Demanda Estelle. Mais comment vous débrouillerez-vous dans votre nouvelle demeure ?

— Je compte bien trouver dans le pays, au moins une femme qui me secondera pour les gros travaux. D’ailleurs, j’ai fait retenir une toute petite maison ; l’entretien sera facile.

— Vous avez raison, approuva sa nouvelle amie. Je vais monter dire bonjour à votre père, puis je reviendrai vous aider à faire vos bagages.

Et la gentille femme rejoignit son vieil ami, tandis que Valérie commençait à sortir des penderies les vêtements et le linge qu’elle désirait emporter

 

( A SUIVRE LE 15 JUIN )

 

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