Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

MOINEAUX SANS NID N° 143

25 Mai 2012, 09:00am

Publié par nosloisirs

 

CHAPITRE-143-.jpegLe lendemain du jour où la pauvre Mireille avait été contrainte de regagner le taudis de sa mère adoptive, Pierrot revenait chez Valérie en compagnie de Vaillant, son bon et fidèle chien. Avant de monter, le petit garçon s’arrêta chez la concierge.

— Avez-vous vu enfin ma petite sœur, Madame ? Demanda-t-il.

— Oui, Pierrot, s’empressa-t-elle de répondre avec gentillesse, car elle aimait beaucoup les deux enfants. Ta sœur est venue ici, mais elle a été forcée de repartir, emmenée par une vieille femme qui prétendait être sa mère adoptive.

— Toujours cette affreuse sorcière ! S’exclama Pierrot désolé. Mais comment cela a-t-il pu arriver ? Racontez-moi tout, je vous en prie, Madame !

La concierge avait à peine commencé son récit qu’un agent de police frappait à la loge, et, apercevant Pierrot, il se montra ravi, car il avait ordre – comme ses collègues – de surveiller le retour de l’enfant dans cette maison. 

— Te voilà dont enfin ! S’écria le gardien de la paix.

— Qu’y a-t-il ? Vous me cherchiez ? Questionna le petit garçon en le dévisageant d’un air méfiant.

— En effet, répondit l’agent, car je dois te faire conduire chez le juge d’instruction.

— Chez le juge d’instruction ? S’exclama Pierrot, inquiet et indigné. Qu’ai-je donc encore fait ? Et de quoi m’accuse-t-on ?

— Il te l’expliquera lui-même, répondit l’autre. Maintenant, viens avec moi, je suis pressé !

Pierrot réfléchit un instant puis se décida. Il y était bien forcé d’ailleurs !

— D’accord, je viens. Comme je n’ai rien à me reprocher, je n’ai non plus, rien à craindre.

— Parfait, l’approuva l’homme. Tu m’éviteras ainsi d’user de la force. Dépêchons-nous mon garçon.

Mais l’enfant ne bougea pas encore. Il paraissait plongé dans de profondes réflexions et il s’informa, fixant l’agent avec attention :

— Ne voulez-vous pas me dire, s’il vous plait, pourquoi vous m’arrêtez ?

L’autre hocha la tête.

— Il n’est pas dit qu’on t’arrête, d’abord ... Je t’affirme petit, que j’aimerais pouvoir te renseigner puisque tu me le demandes si gentiment, mais hélas je ne sais rien. Je crois toutefois qu’il s’agit du vol de la rue de l’ourcq.

— « Le Boiteux » à sans doute été arrêté, lui ? Demanda Pierrot très intéressé.

— Non, car il a pu prouver son innocence expliqua l’agent et on l’a remis en liberté.

— Oh ! S’exclama Pierrot avec stupéfaction. Ca, c’est vraiment un peu fort ! « Le Boiteux » est en liberté et monsieur Robert en prison ! Et on appelle ça la justice !

— Allons, allons, ne dis pas de pareilles sottises, fit l’agent en haussant les épaules, partons à présent. Vas-tu me suivre oui ou non ?

— Je suis prêt, répliqua l’enfant vivement.

Ils quittèrent la loge de la concierge, passèrent au commissariat où un planton prit en charge le petit garçon. Bientôt tous deux s’engouffraient dans la bouche du métro la plus proche pour se rendre à la Préfecture de Police.

Pierrot dut attendre pas mal de temps dans l’immense couloir désert, parce que le magistrat était occupé. Enfin, il fut introduit dans le bureau du juge d’instruction qui, en le voyant, le dévisagea attentivement et sévèrement. Soudain, il demanda à brûle-pourpoint :

— Ainsi, tu es donc le fameux Pierrot ?

— Oui, Monsieur le juge, répondit sans hésiter l’enfant de sa voix fraîche et claire.

— Nous avons déjà plusieurs fois envoyé un agent te chercher chez toi, mais tu étais absent, déclara le juge. Pourquoi ? Et où étais-tu donc ?

— Sur la route d’Evreux, Monsieur le juge, dans un pavillon de chasse.

— Pour quelle raison es-tu allé là-bas ?

— Pour reprendre mon chien que j’y avais laissé parce qu’il était blessé, et aussi parce que je vouloir voir une dame à qui j’avais besoin de parler. Mais je suis à présent à votre entière disposition, Monsieur le juge, ajouta Pierrot avec le plus grand calme.

— L’autre soir, tu as accusé deux hommes d’être coupables du vol de la rue de l’Ourq, rappela le magistrat après un léger silence.

— En effet, Monsieur le juge, reconnut immédiatement le petit garçon ; il s’agissait d’un homme surnommé « Le Boiteux » et d’un autre que je ne connais pas !

— Sur quoi se basait ton accusation ? S’informa le magistrat frappé par la netteté de ces réponses et leur indéniable accent de franchise.

— Sur ce que j’ai entendu pendant leur repas !

Le juge hocha la tête d’un air de reproche.

— Tu as dans ce cas, mal entendu, petit, parce que ces deux hommes sont innocents.

— Vous en êtes sûr, Monsieur ? Demanda Pierrot.

— Oui, car c’est la petite fille qui a été enlevée qui l’a affirmé elle-même.

— Vous voulez parler de Mireille, monsieur le juge ? Questionna Pierrot très ému.

— En effet, admit le magistrat, Pourquoi me demandes-tu cela ?

— Parce que si c’est Mireille qui vous l’a dit, ça doit être vrai, expliqua Pierrot, Mireille ne ment jamais !

— Fort bien, reprit le juge en le fixant de nouveau très attentivement. Maintenant, c’est à toi de dire la vérité.

— Je n’ai aucune raison de la cacher, répondit spontanément le petit garçon. Prenez tous les renseignements que vous voudrez sur moi et vous saurez ainsi que je ne suis pas un menteur.

Le visage du magistrat s’éclaira d’un sourire indulgent.

— Je te souhaite, dit-il. D’ailleurs, tu me parais un gentil enfant. Tu aimes beaucoup Mireille, n’est-ce pas ?

— Oh ! Oui ! Monsieur le juge ! Affirma Pierrot avec élan. Elle est même la seule personne que j’aime au monde !

— Ceci d’honore, mon garçon. Mais dis-moi un peu ; est-il vrai que monsieur Robert Montpellier, mademoiselle Valérie Labeille et toi, vous étiez d’accord pour que cette enfant ne retourne pas chez sa mère adoptive ?

Pierrot secoua la tête de haut en bas fort énergiquement.

— Ca oui ! Car elle la battait et le forçait à mendier par tous les temps avec un méchant tablier !

— Donc, tous les trois, vous étiez d’accord pour l’enlever à madame Picquet ?

L’enfant bondit de la chaise sur laquelle on l’avait fait asseoir.

— Jamais de la vie, Monsieur le juge ! S’exclama-t-il avec indignation, et celui qui a pu vous raconter une telle chose est un odieux menteur ! Nous sommes tous les trois totalement étranger s à cet enlèvement.

— Prends garde, petit ! Avertit le juge en le dévisageant sévèrement, il y a des preuves !

— C’est impossible ! S’écria l’enfant.

— Ne parle pas ainsi, et réponds plutôt à une autre question : D’où vient l’argent qui a été découvert chez toi sous le matelas de ton lit ?

Pierrot leva vers lui de grands yeux étonnés.

— Qu’est-ce que cela a, à voir avec Mireille ? Demanda-t-il.

— Réponds à ma question je te prie. Tu n’as pas à discuter.

Le petit garçon, alors, sortit de sa poche le billet que lui avait laissé Valérie avant son départ et il le tendit au magistrat.

— Lisez ces lignes, Monsieur le juge, dit-il simplement.

L’homme de loi le prit et le lut très attentivement, le front soudain barré d’une ride profonde.

— Mais c’est un document authentique ! S’exclama-t-il.

— Et pourquoi ne le serait-il pas ? Protesta l’enfant. C’est mademoiselle Valérie qui m’a laissé cet argent que j’ai rangé avec celui que j’avais gagné moi-même, je vous l’ai dit, Monsieur.

Le juge le regarda, perplexe mais la franchise et l’assurance du petit garçon lui inspiraient confiance. Et l’interrogatoire de Pierrot se poursuivis sans que la magistrat put en retirer grand’chose concernant ce qui l’intéressait. Finalement, il conclut que Pierrot était tout à fait étranger au vol et à l’enlèvement de la rue de l’Ourcq.

Et sa conviction fut si forte qu’il lui restitua l’argent confisqué pendant la perquisition au logis de Valérie.

— Voici ton bien, petit, lui dit-il avec bonté, et prends bien garde qu’on ne te vole pas. Je te conseille vivement de le confier à quelqu’un de sûr.

Pierrot fit une grimace comique et sourit malicieusement.

— N’ayez crainte, Monsieur le juge, répliqua-t-il aussitôt. Et puisque je suis ici, me permettrez—vous de vous poser quelques questions concernant Mireille et cette odieuse mégère que je voudrais voir à tous les diables !

Surpris le juge le fixa quelques instants, puis concéda gentiment :

— Demande-moi ce qu’il te plaira !

Pierrot réfléchit puis reprit après un silence :

— Si la mère de Mireille, je veux parler de sa vraie mère se présentait, Monsieur le juge, et si elle affirmait que cette petite fille est la sienne, la retirerait-on à cette vieille sorcière ?

Le juge lui adressa un sourire plein de sympathie.

— Certainement, si cette vraie mère pouvait prouver ce qu’elle prétend, répondit-il.

— Même si madame Picquet l’avait achetée à son père ? Questionna de nouveau l’enfant avec une légère inquiétude dans la voix.

— Oui, petit, affirma le juge, et si ce que tu viens de dire était vrai, ce père dénaturé ainsi que madame Picquet seraient mis en prison pour de nombreuses années. Mais pourquoi me poses-tu toutes ces questions, mon enfant ?

— Parce que je sais, moi que la mère Picquet a acheté Mireille à son père, expliqua Pierrot ; Et c’est pour être certain de ce que je viens de vous révéler que je me suis absenté tout dernièrement de Paris.

Le magistrat fronça les sourcils et examina son jeune interlocuteur avec une soudaine sévérité.

— Sais-tu que ce que tu dis là est très grave ? Dit-il.

Le petit garçon haussa les épaules, nullement ému par cette appréciation de ce qu’il vient de dévoiler.

— Ca ne me semble pas grave, à moi, et je crois au contraire, que ce sera très bon pour Mireille, car je sais que sa vraie mère est mademoiselle Valérie, mais toutes deux l’ignorent encore.

Le juge le fixa de nouveau et lui demanda, très intéressé.

— Et qui est son père ?

— Jean Marigny, déclara Pierrot sans hésiter. Oui, l’homme de la rue Lakanal. Mais il faut que je vous raconte tout ce que je sais ...

Le magistrat semblait de plus en plus intéresser.

— Oui, murmura-t-il, raconte-la moi. Je suis sûr qu’il s’agit de quelque chose de très important. Ainsi il serait donc exact que mademoiselle Valérie aurait eu des relations sérieuses et intimes avec ce triste sire.

L’enfant parut embarrassé, et leva vers le juge de grands yeux pleins de candeur.

— Je ne comprends pas très bien ce que vous venez de dire, Monsieur le juge, répondit-il, mais je peux vous jurer que mademoiselle Valérie est la meilleure femme de la terre et que ce vilain bonhomme l’hypnotisait. Je ne sais pâs non plus bien exactement ce que ça signifie, mais mademoiselle Valérie ne ment jamais, et elle déteste cet homme !

L’homme de loi observa quelques minutes de silence ; il réfléchissait intensément tout en continuant à examiner cet enfant qui montrait une telle désinvolture et attirait toute sa sympathie.

— Dis-moi encore, Pierrot, reprit-il : Sais-tu pourquoi madame Picquet avait acheté Mireille ?

— Pour la revendre à une dame qui avait besoin d’un bébé venant tout juste de naître, et cela pour revendiquer un héritage, expliqua-t-il sans hésiter ; et je connais cette femme.

La plus vive surprise se refléta dans les yeux du magistrat.

— Ah ! S’exclama-t-il, tu sais aussi son nom ?

Pierrot opina de la tête et prit un air mystérieux.

— Je ne puis encore vous le révéler, dit-il parce que j’ai juré de le taire jusqu’à ce qu’il me soit plus possible de faire autrement ; c’est-à-dire tant que tout ne se sera pas arrangé et si ... Monsieur le juge me promet de ne pas sévir.

L’homme de loi sourit et répondit :

— D’accord, petit. Je suis content de constater que tu te conduis comme un vrai gentilhomme ! A présent, dis-moi tout ce que tu sais là-dessus en me disant pas le nom de cette personne, naturellement ... et provisoirement.

Pierrot lui raconta ainsi l’histoire de la fille de Valérie, sa rencontre avec la femme dans l’auberge et ce qu’elle lui avait dévoilé quant à l’intervention de Paul Macaire pour l’achat de la fillette.

Le juge était stupéfait par l’intelligence exceptionnelle de cet enfant, par la netteté de ses réponses et sa facilité d’élocution et ses erreurs de langage.

— Ainsi, cette dame inconnue a donné le jour à un enfant mort, répéta-t-il et comme elle en avait besoin d’un autre pour hériter de son défunt mari, elle s’adressa à Paul Macaire qui, à son tour, recourut à madame Picquet. C’est bien cela ?

— Oui, Monsieur !

— Et cette femme lui céda la fille de Jean Marigny ?

Le petit garçon hésita, puis répondit :

— Je n’en ai pas la preuve, mais je le crois ... J’en mettrais même ma main au feu.

— Il ne peut que tu aies raison, Pierrot, conclut le magistrat en lui souriant avec indulgence. Je vais me charger de démêler tout cela, ne t’inquiète pas.

Puis, appelant son secrétaire, il lui ordonna de convoquer Macaire afin qu’il se présentât tout de suite devant lui. Et il pria d’attendre gentiment, tandis qu’il compulsait d’autres dossiers.

( A SUIVRE LE 28 MAI )

 

 

041

Commenter cet article