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MOINEAUX SANS NID N° 126

4 Avril 2012, 09:00am

Publié par nosloisirs

 

CHAPITRE-126-.jpegEn proie à une terreur indescriptible, Mireille s’accrocha encore plus fortement au cou de la jeune femme. La receleuse lui inspirait une véritable répulsion.

— Que venez-vous faire ici, Madame ? Demanda Valérie au sinistre sorcière, après quelques secondes d’un silence les plus dramatique.

— Je viens chercher ma fille adoptive, répliqua la femme de sa voix éraillée.

— Avez-vous un mandat d’amener vous autorisant à pénétrer ici ? Intervint Montpellier s’adressant aux agents.

— Certainement, Monsieur, le voici, répondit l’un des agents en lui tendant le papier en question.

— Jamais je ne me séparerai de cette enfant ! S’écria douloureusement Valérie.

— Vous ne pouvez l’éviter, Madame, déclara le même agent. La loi est formelle et nous avons reçu l’ordre de vous retirer cette petite fille pour la remettre entre les mains de sa mère adoptive.

— Mais cette femme est indigne de sa tutelle ! S’exclama Valérie avec force. Elle a exploité Mireille en l’envoyant mendier dans les rues et ...

— C’est un mensonge ! Interrompit vivement « l’Araigne ».

— C’est la pure vérité ! Affirma Pierrot en se plantant devant la mégère et la fixant avec défi.

— Tais-toi, gamin ! Ordonna l’agent. Je crois que nous avons également quelque chose qui te concerne. Cette dame possède des papiers parfaitement en règle. Si vous avez des objections à formuler, présentez-les au Procureur de la République. L’affaire suivra son cours, mais pour l’instant, il faut vous incliner.

Robert comprit l’inutilité de protester, bien qu’il fût réellement monstrueux de remettre cette pauvre enfant sans défense à la vieille receleuse. Il prit les papiers de la mère Picquet et les examina avec le plus grand soin ; impossible de contester leur authenticité ... Hélas ! Jusqu’à sa majorité, la fillette ne pourrait être retirée à la mégère, à moins d’un jugement la lui enlevant pour mauvais traitements. Le jeune peintre s’approcha de « l’Araigne ».

— Combien voulez-vous pour vous céder vos droits, Madame ? Demanda-t-il froidement.

La femme eut un sourire méchant et narquois.

— Je ne le ferais pas même pour son pesant d’or ? Répliqua-t-elle d’une voix sifflante.

— Je suis cependant prêt à vous payer ce que vous me demanderez, insista Robert.

— Non, je tiens à cette petite !

— Je crois que, pour vous, il s’agit surtout d’une affaire, déclara sèchement Montpellier. Pourquoi voulez-vous garder auprès de vous un être que vous n’aimez pas ? La souffrance d’une innocente vous serait-elle agréable ?

— Je sais ce que je fais, répliqua la femme, et je n’ai aucune explication à vous donner. Je veux ma fille, un point c’est tout !

— Mais moi je ne veux pas vous suivre ! Hurla Mireille en sanglotant. Je ne veux pas d’autre maman que mademoiselle Valérie qui m’aime et qui ne m’envoie pas mendier dans la rue en pleine nuit par n’importe quel temps, comme vous me forciez à le faire lorsque j’étais chez vous !

— Vous l’entendez, Messieurs ? S’exclama Valérie avec angoisse ; cette femme martyrisait cette enfant et il serait criminel de la lui confier !

— C’est encore plus criminel de vous la laisser, répliqua madame Picquet en ricanant, car vous avez été accusée d’être la complice d’un assassin et d’un tas de vilaines choses du même genre. Et que peut-on dire de moi ? Que je mendie ? Oui, cela m’arrive lorsque je n’ai pas de quoi manger, et ce n’est pas un crime, après tout ! C’est vous qui devriez avoir honte ! Vous être momentanément avec Monsieur, après avoir été barman, et vous osez me trouver indigne de vouloir, uniquement par générosité de cœur, me charger de cette orpheline ?

Ces paroles portèrent un coup effroyable à la pauvre jeune femme ; c’était la pire de toutes les choses qui puissent la toucher ; être ainsi traitée par cette abjecte créature, véritable rebut de la société !

Devinant l’état d’âme de celle qu’il aimait, Robert se planta devant la mégère.

— Taisez-vous, méchante femme ! S’écria-t-il. Mademoiselle est une pauvre martyre et vous avez largement contribué à tous ses malheurs. Si vous étiez un homme, je vous forcerais à me rendre raison de pareilles insultes !

Puis, se tournant vers les deux agents qui assistaient à cette scène, de plus en plus stupéfaits, leur dit :

— Emmenez cette femme hors d’ici, car il m’est difficile de me contenir plus longtemps !

— Nous avons cependant un ordre à exécuter, Monsieur. Conseillez plutôt à Madame de nous remettre la fillette ; sinon, nous nous verrons dans l’obligation d’user de la force.

— Mais il est injuste de confier à une pareille femme un être si jeune et si faible !

— Pensez ce que vous vouez, Monsieur ! Quant à toi, petite, tu dois suivre ta mère adoptive !

— Pour l’amour du Ciel, ne me l’enlevez pas ! Implora Valérie étreignant Mireille qui s’accrochait à elle en sanglotant. Pierrot, lui non plus, ne pouvait retenir ses larmes.

— Il faut obéir à la loi, Madame, répondit l’agent, et nous ne pouvons nous éternisez ici.

— Il est impossible de rendre cette enfant à une femme pareille ! S’exclama Valérie, désespérée.

— Et de quel droit ? Dit l’agent.

— Du droit de l’affection que je lui porte !

— Cela ne compte pas devant la loi, hélas ! Observa le représentant de l’ordre. Je vous conseille de céder de bonne grâce si vous ne voulez pas avoir d’ennuis. Tâchez de la raisonner, Monsieur. Nous sommes forcés d’exécuter nos ordres.

— Il faut céder, Valérie, murmura Robert, la mort dans l’âme. Cette vieille, hélas ! A la loi pour elle. Nous déposerons une plainte, l’accusant d’avoir maltraité Mireille et profité d’elle, mais pour le moment, il faut obéir !

— Ne voyez-vous pas que cette enfant est terrorisée ? Insista Valérie. Ne voyez-vous pas que cette femme la terrorise ?

L’infortunée fillette tremblait de tous ses membres, ce pressant contre la jeune femme, n’osant fixer « l’Araigne » qui allait l’emmener. Au comble de l’émotion, Robert se tourna vers les agents en disant :

— Sortez d’ici !

— Pas avoir d’avoir psi cette petite. Méfiez-vous ! Nous appellerons du renfort et nous ferons arrêter quiconque cherchera à nous empêcher de faire notre devoir.

La mère Picquet prit la parole à son tour :

— Eh bien ! Qu’est-ce que vous attendez ? Je veux ma fille, moi !

La porte avait été laissée ouverte et une femme entra dans la pièce en courant ; c’était Estelle.

— Vite, Mademoiselle ! Dit-elle bouleversée. J’ai trouvé un second télégramme qui m’attendait à ma banque ; votre père est au plus mal et vous réclame immédiatement.

— Mon Dieu ! Que faire ? Gémit la pauvre Valérie, désespérée.

Abandonner Mireille à cette harpie, c’est briser volontairement son cœur ... Ne pas se rendre à l’appel de son père mourant était également horrible ...

Les agents profitèrent de cet instant d’hésitation pour lui arracher l’enfant qui se mit à hurler et à se débattre de toutes ses forces.

Pierrot en sanglotant, essaya de se jeter sur l’homme, mais l’autre agent le retint solidement par un bras.

— Ne l’emmenez pas ! Criait le gamin en pleurant. Cette sorcière la tuera !

Mais « l’Araigne » et l’agent avaient déjà disparu dans l’escalier avec la fillette. Le second agent se hâta de les rejoindre, toujours escorté du petit garçon qui ne cessait de pleurer tout en lui criant des injures.

Valérie, épuisée, avait perdu connaissance et robert, aidé d’Estelle essayait de la ranimer. Elle revint à elle assez vite, heureusement. Et comme le télégramme expédié de Barcelone était pressant, la pauvre Valérie quittait sa maison quelques minutes plus tard soutenue affectueusement par Estelle, puis montait avec sa compagne dans un taxi qui se dirigea rapidement vers la gare d’Austerlitz.

Robert était resté seul dans l’humble logis.

« Quandreviendra-t-elle ?Sedemandait-il,lecœurserré.Non,cettefemmenepeutêtremauvaise,malgrétouslesfaitsquilaccablent,carellegardetoujoursuneattitudedunedignitévraimentremarquable.Quelleaille,pourlemoment,revoirsonpère,quellereçoivesabénédiction,etquelleluipardonnelemalquilluiafait !Pendantcetemps,jemefforceraidéclaircirlemystèrequilentourepourlaréhabiliterauxyeuxdetous. »

« Jeveuxégalementveillersurcesdeuxenfantsqui etbienmieuxquemoi ontsuimmédiatementdiscernerlanoblessedesoncœuralorsquetousdoutaientdelle ! »

Le jeune homme ne se décidait pas à s’en aller ; il lui semblait qu’ici il s’alimentait du souffle même de celle qu’il aimait ...Valérie avait dû laisser une parcelle de son âme entre les murs de cette humble pièce.

Brusquement, il réalisa que Pierrot avait disparu. Il sortit aussitôt pour se précipiter à sa recherche, mais il ne put le retrouver car le second agent l’avait emmené au commissariat, l’enfant lui ayant crié de graves injures.

— Tu l’as bien cherché, petit voyou ! Quelques jours à l’ombre t’enseigneront à respecter l’autorité, lui dit l’agent.

— Pourquoi vous rangez-vous du côté de la mère Picquet ? Vous n’avez pas de cœur ! Assura Pierrot.

Le policier le secoua avec rudesse.

— Vous et votre collègue, reprit avec obstination le petit garçon, vous n’ignorez pas que cette sorcière battait Mireille et l’envoyait mendier dans les rues en compagnie du « Boiteux ». Et elle la punissait cruellement lorsque la recette lui semblait insuffisante !

L’agent ne réagit pas à ces propos et conduisit Pierrot au commissariat de police le plus proche et on décida de le garder deux jours.

— Ca lui servira de leçon ! Parfois, on ne peut agir autrement avec des odieux gamins !

Il est impossible de décrire la terreur de Mireille lorsqu’elle se retrouva dans l’immonde tanière de « l’Araigne ».

Quand elle vit la porte se refermer derrière son dos, il lui sembla qu’on l’avait pour ainsi dire enterrée vive, et que, jamais plus, elle ne pourrait revoir le soleil, ni respirer l’air pur du dehors.

Que deviendrait-elle loin de Pierrot et de sa chère petite maman ? Recommencerait-elle à demander l’aumône et à souffrir si cruellement du froid durant ses longues nuits d’hiver, misérablement vêtue pour attirer davantage la compassion des passants ?

Après avoir donné un double tour de clé à la serrure de la porte d’entrée, la vieille se dirigea vers elle. Alors, la pauvrette courut se cacher dans un coin encombré d’objets des plus hétéroclites en proie à une frayeur indicible. Mais la mégère, au lieu de la menacer lui souriait, au contraire, en murmurant :

— N’aie pas peur ! Je ne te veux aucun mal ! Viens, ma mignonne. Tout est changé maintenant. Je tiens à être très gentille avec toi, à condition, naturellement, que tu le sois aussi.

— Ne me battez pas ! Supplia l’enfant toute tremblante.

— Mais non, voyons. Et tu n’iras plus jamais, non, jamais demanda la charité.

— Vrai ? S’étonna Mireille, incrédule, en écarquillant ses beaux yeux de ciel.

— Tu n’ignores pas que je fais toujours ce que je dis, reprit l’autre. Je me retire des affaires. J’ai de quoi vivre, Dieu merci ! Et je tiens même à ce que tu t’instruises et que tu deviennes une petite fille bien élevée.

— Pourquoi ? Demanda l’enfant, ahurie.

Elle ne pouvait croire à un tel revirement de la part de « l’Araigne ».

— Parce que, répondit la femme avec un haussement d’épaules, je ne veux pas que l’on me croie méchante envers toi. Tu grandis et tu dois aller à l’école comme tous les autres enfants. Mais ne songer pas à t’enfuir de nouveau, car tu ne sortiras jamais seule !

— Et je pourrai voir Pierrot ? Demanda Mireille anxieusement.

— Ce maudit garnement ? Plus méchant que la peste ? Gronda la vieille. Si jamais je te voyais lui parler, finies alors mes gentillesses pour toi. Quant à lui, il recevrait la leçon qu’il mérite.

— Oh ! Non ! Protesta Mireille, avec des larmes dans les yeux. Pierrot est si bon, au contraire !

— Bon à pendre, oui ! S’écria la vieille en ricanant méchamment. Si je vous trouvais ensemble, je vous corrigerais de belle façon !

— Et mademoiselle Valérie ? Questionna timidement Mireille. Pourrais-je la revoir, elle ?

— Celle-là aussi ! Rugit la mégère. Tu ne t’es donc attachée qu’à des intrigants, des ...

— C’est faux ! Interrompit vivement la fillette, Mademoiselle Valérie n’est pas une intrigante. Elle a été seulement très malheureuse à cause de la méchanceté e tout le monde, acheva tristement.

— Parce qu’elle est méchante elle-même ! Répliqua perfidement la mère Picquet

— Ne parlez pas ainsi ! Protesta Mireille en pleurant, c’est un ange. Elle m’aime et je l’aime comme si elle était ma vraie maman !

La vieille femme la fixa, interdite, puis reprit, furieuse :

— Assez ! Mireille. Si tu veux vivre en bon terme avec moi, ne continue pas les louanges de cette femme que je méprise profondément car c’est une menteuse, une pas ...

— Non ! Non ! Vous n’avez pas le droit de la traiter ainsi, interrompit de nouveau la petite fille. Elle est bonne et généreuse, et je l’aimerai toujours, toujours ! Acheva-t-elle en éclatant en sanglots, cachant son beau visage entre ses petites mains frêles.

« L’Araigne » l’enveloppa d’un long regard, tandis que mille pensées s’agitaient tumultueusement dans son cerveau ; elle se demandait comment s’y prendre pour découvrir si, réellement, Valérie était la mère de cette enfant ...

( A SUIVRE LE 7 AVRIL )

 

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