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LE CHIEN JAUNE

21 Janvier 2012, 09:00am

Publié par nosloisirs

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LE CHIEN JAUNE

Au Luxembourg, du côté de la petite maison égayée de faïences bleues dans l'ex-pépinière où l'on démontre que les abeilles sont la Providence des frotteurs, puisqu'elles fournissent la cirer des parquets, je m'assieds auprès d'une très vieille femme, coiffée d'un chapeau qui en a tant vu de toutes les couleurs, en fait de rubans et de fleurs qu'il s'est décidé à ne plus aborder que le noir, et quel noir !

Un noir d'intérieur de cœur désespéré de tout.

La pauvre créature exhale du forte odeur de chenil. Oh ! Elle pue ferme.

La cause s'est sans doute que sa cassolette à parfums lui est remplie par un grand voyou de chien jaune efflanqué, avec une queue pelée et propre comme celle d'un castor; qui flâne devant nous, arrêtant tous les êtres de sa race et les flairant avec ironie en haussant les oreilles.

Je regarde ce grand voyou de chien jaune. La vieille me regarde. Je souris. Elle sourit. Un vieux souris plein de bonté où je retrouve comme un vague reflet des sourires disparues de parentes qui m'ont gâté jadis.

Il est à vous ce grand chien jaune, madame ?

Il est à moi monsieur. Il est beau n'est-ce pas ?

Je m'incline poliment. A quoi bon briser un cœur.

Un Anglais m'en a offert 500 francs.

J'allais vous le dire, madame. Et le contraire m'eût étonné.

Seulement continue ma vieille voisine de banc, monsieur s'échappe quelquefois. Dame je n'ai plus mes jambes de vingt ans. Je l'ai retrouvé il y a trois ans avec une compagne. Elle était jaune comme lui. Elle ne savait plus où aller. Je l'ai adopté comme une fille. C'était ma bru à quatre pattes.

Bravo !

Ils ont fait des petits, des amours, monsieur, tous jaunes comme père et mère.

Chez vous !

Dans ma chambre ; mais vous pensez, je ne pouvais pas toujours surveiller mon petit monde. Il fallait aux provisions, les petits grandirent. Je n'étais pas là.

Je comprends. Ils croissaient et multipliaient.

Oui, monsieur.

Voilà bien des enfants à soigner.

A qui le dite-vous ? J'en a trente quatre...

Miséricorde !

Mais tous jaunes, monsieur, tous comme père et mère.

Et... vous... dans votre chambre ?

Oui, mais je les sors.

Pauvre femme !

Seulement, voyez-vous, monsieur, le concierge n'aime pas les chiens. C'est un vrai Osage. S'il savait que j'en ai trente quatre, ça serait un déluge. Heureusement ils sont tous jaunes. Alors je les sors l'un après l'autre, toute la journée, et le concierge croit que c'est le même.

REVUE NOS LOISIRS DU 1er MARS 1908

 

 

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