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APACHE ROI N° 28

12 Août 2012, 11:00am

Publié par nosloisirs

 

APACHE ROI TITRE

 

Pierre se tâta, fit une objection :

Les trois agents ne sont pas morts ; je n'ai qu'assommé les deux premiers et un peu étranglé le troisième, mais ils vont revenir à eux.

Justement ! Revenir à eux et fouiller la cave ils n'auront pas même besoin de chercher pour découvrir la fosse et ceux qui y sont couchés. Et je ne veux pas ! Et si tu as peur, j'y vais moi-même.

Elle sautait à terre, Pierre la retint.

Restez là ! Ne bougez pas. Je ferai la besogne tout seul... mais promettez-moi quelque chose...

Dis !

Tenez-vous prête à partir et, à la première alerte, partez sans moi.

Et, à son tour, il formula une volonté :

Je veux que vous restez libre ! Je ne veux pas qu'on vous prenne, vous. Ne vous occupez pas de moi, je m'en tirerai toujours. Dits-moi seulement où je pourrais vous retrouver … si vous permettez que je vous retrouve.

Si je permets !

Elle dit ses intentions, le pays où elle comptait se réfugier, fixa un rendez-vous.

Tout cela pour répondre à ton désir, mon Pierre ; mais je suis sûre que nous allons partir ensemble... Va ! Va vite !

Il obéit. Il redescendit à la cave aussi tranquillement que si nul danger ne l'y eut attendu.

La cave était toujours silencieuse et, devant l'entrée , les trois agents étaient toujours étendus, inertes, sous la lumière tremblotante du flambeau que Pierre, en s'en allant, avait laissé là.

Tiens, tiens ! Fit l'hercule en les enjambant pour la seconde fois, est-ce qu'ils seraient morts.

Il ne s'en inquiéta pas autrement ; il alla à la fosse et se mit à l’œuvre.

La tache était facile ; il suffisait de repousser la terre dans le trou d'où elle venait, et de l'y tasser de façon à obtenir exactement le sol uni d'avant le premier coup de bêche.

Ce fut pour l'hercule l'affaire de quelques minutes.

Il avait terminé ; il en était à essuyer la sueur sur son front en donnant un dernier regard à la besogne faite, quand un léger bruit le fit tressaillir.

Il se retourna :

Les trois agents étaient debout, le revolver au poing, et si près de lui que les trois armes le touchaient presque.

D'instinct il fit un bon en arrière.

Les trois hommes deux pas en avant, les trois revolvers se rapprochèrent encore, et le chef de l'expédition commanda :

Rendez-vous !

Il se vit perdu, c'était peu de chose et il en prenait son pari ; mais Jacqueline... Est-ce que les agents n'allaient pas l'arrêter.

Il fallait à tout prix, lui donner l'alerte pour qu'elle prit la fuite, comme elle l'avait promis.

C'est bon, mugit-il. Je suis fais, je me rends.

Et il tendit les poignets au cabriolet ; mais comme les agents, trompés dans la franchise de son geste, lui mettait la main sur l'épaule, il écarta violemment les bras qu'il leur avait tendus.

Deux des agents roulèrent à terre.

D'un bond il fut sur le troisième, le culbuta et l'élança dans l'escalier.

Les agents aussitôt relevés, s'élancèrent à leur tour et tout à coup, dans l'obscurité de l'escalier une fusillade crépita.

Certain que leur homme était devant eux, l'entendant monter, les agents déchargeaient leurs revolvers à coup sûr ; il était à peu près impossible que le fuyard ne fût pas atteint.

Il montait toujours le fuyard , il atteignait le haut de l'escalier, il courait à la pièce d'entrée en hurlant :

Je suis pris !

Arrivé à la porte, au moment de la franchir, il s'abattait en poussant un dernier cri, un rugissement à réveiller un mort.

Il était blessé grièvement ; les balles de revolver avaient porté ; blessé et bien perdu cette fois, incapable de se relever mais un sourire e bonheur attendrissait sa face rude.

En s'abattant, il avait perçu un ronflement auquel il ne pouvait se tromper ; l'automobile démarrait.

Il avait atteint son but ; Jacqueline avait entendue le cri qu'il poussait pour elle, elle fuyait... elle était sauvée.

Les agents purent lui tomber dessus et le bourrer comme ne bête malfaisante qu'il était pour eux ; il ne se défendit pas, il ne se plaignait pas.

C'est ma tournée ; allez-y les cognes !

Quand on le releva pour l'emporter on s'aperçut qu'il avait un bras cassé, et qu'une de ses jambes refusait tout service.

C’est les pruneaux à vos criquets qui m'auront fait ça ! Expliqua-t-il sans colère aux agents.

Les pruneaux aux criquets les balles de revolver il en avait reçu deux dans le bras et trois dans la cuisse.

Quand le lendemain matin le juge lui fit subir son premier interrogatoire il y garda la même tranquillité joviale.

Ce qu'est devenu ma camarade ? Quelle camarade ?

La femme qui était dans la cave avec vous, Mlle Jacqueline Myra , car nous sommes sûrs que c'était elle...

 

APACHE-ROI-05-AVRIL-1908--.jpeg


Ah ! Vous êtes sûrs... Allons ! Tant mieux. Quant à savoir ce qu'elle est devenue... moi non plus. Allez-y voir... et si vous voulez que j'y aille moi-même, je ne demande pas mieux. Maintenant si c'est mon sentiment qu'il vous faut, je suppose qu'elle aura pris peur en entendant la fusillade, couru à l'automobile qui attendait là , et qu'elle se sera fait la paire à la troisième vitesse.

Bien. Mais cette fuite est un aveu...

Un aveu de quoi ? Elle n'a rien à avouer Mlle Jacqueline.

C'est vous qui le dites, mais voici ce que nous disons, nous : Elle était à la cave avec vous, et la besogne que vous y faisiez était si peu catholique, que vous avez accueilli en en assommant deux et étranglant le troisième, les agents qui venaient vous y surprendre.

C'est leur faute. Trois individus qui s'introduisaient la nuit dans cette maison, qui descendaient à la cave, je les ai pris pour des cambrioleurs. Ils n'avaient qu'à s'annoncer convenablement, qu'a faire passer leur carte.

Ne plaisantons pas, s'il vous plaît ! Nous savons ce que vous faisiez dans la cave.

Vrai ? Alors pourquoi me le demandez-vous ?

Parce que c'est notre devoir de vous interroger.

Votre devoir... Oh ! Là ! Là ! Dites donc que vous ne savez rien du tout et que vous voudriez bien savoir... Mais voilà... Je n'ai rien à vous dire, loi... et je n'ai rien à vous dire, parce qu'il n'y a rien du tout. J'étais dans la cave à faire le tour du propriétaire pour le compte de Mlle Jacqueline qui avait laissé sa maison toute seule depuis plusieurs jours.

Et pourquoi frappiez-vous des coups qui ont révélé aux agents l'endroit ou vous aviez disparus avec votre camarade ?

Dame !... pour effrayer les cambrioleurs s'il y en avait eu de cachés.

Ah ! C'était pour effrayer... Soit !

Le magistrat acceptait tout sans discuter et loin de presser son client, il s'attardait à lui poser des questions oiseuses.

Et sur quoi frappiez-vous ?

Manifestement, il amusait le tapis, en attendant quelque chose qui allait venir.

Sur les murs ou sur le sol.

Pierre répondait, toujours tranquille, un peu goguenard, maintenant qu'il se sentait prendre le dessus.

Je frappai un peu partout, sur les murs, sur le sol... même en l'air mais là ça ne faisait pas de bruit.

Bien. Très bien... Et avec quoi frappiez-vous ? Une canne, un bâton, une trique ?

L'hercule remonta ses épaules; et allongea le cou :

Sais plus au juste... Peut-être avec ma casquette, tout simplement...

Mais il frissonna soudain et quelque chose de son assurance gouailleuse s'en alla ; le magistrat lui posait cette question :

Est-ce que ça ne serait pas avec la bêche qu'on a retrouvé dans la cave...

La bêche... il avait oublié de faire disparaître la bêche !

Ce fut dans un souffle qu'il répondit :

Une bêche... Sais pas.

Vraiment ? Alors, je vais vous éclairer, moi.

Et, ses yeux dans les yeux clignotants de son client, le magistrat fit la lumière :

C'était bien avec cette bêche que vous frappiez et ce n'était pas pour effrayer des cambrioleurs imaginaires, mais pour creuser le sol... et la preuve...

Pierre frémit : est-ce qu'on avait aussi découvert les cadavres ?

La preuve , acheva le magistrat, la voici...

il faisait un signe, on lui apportait la bêche, il l'a montrait à son client :

La voici la preuve ; cette terre toute fraîche autour du fer de la bêche.

Et il concluait :

Donc, vous creusiez bien un trou. Pourquoi ce trou ? Qu'aviez-vous à enterrer ?

Rien du tout... Vous avez rêvé ça...

Pierre retrouvait son assurance ; le magistrat ne parlait que d'enterrer, il n'avait donc pas découvert les cadavres.

Mais il se troubla de nouveau en entendant le curieux prononcer :

J'ai mal posé la question ; j'aurais dû dire de vous demandez : qu'aviez-vous à déterrer ?

Il chercha sa réponse, ne a trouva que dans une dénégation violente :

Ce n'est pas vrai ! Je ne comprends rien à vos histoires.

Une diversion se produisit, qui lui permit de reprendre son sang froid.

Le curieux fut appelé dans la pièce voisine et il resta quelques minutes absent ; mais quand il revint, il avait un air qui glaça l'hercule.

Nous disions donc que vous ne compreniez rien à ces histoires, fit-il sévère et tranchant. Eh bien ! Je vais vous faire comprendre, moi .

Et il asséna :

Ce que j'attendais est arrivé. Ce que j'avais prévu s'est vérifié ; j'ai fait fouiller le sol de la cave, et l'on vient d'exhumer deux cadavres qui ont été aussitôt reconnus pour ceux de M. Dolabelle fils et de sa fiancée. Faut-il vous les montrer pour que vous les reconnaissiez à vous tour ?

D'abord, l'hercule ne répondit rien ; il était atterré.

Les cadavres découvert il ne songeait pas à en douter c'était la fin de tout, il n'était plus possible de nier, il n'y avait plus qu'à avouer et déjà son silence était un aveu d'on s'emparait le magistrat :

Allons ! Vous êtes pris et vous allez tout dire, n'est-ce pas ?

Il fit un mouvement pour se dresser, retomba en étouffant un cri de souffrance, et farouche, lâcha dans sa langue d'apache :

Eh bien ! Oui, ça y est, et j'en ai assez, j'en crève, et je me mets à table, et je mange...

Et il se mit à table, il entama le récit complet de toute l'affaire.

Voici... Pas besoin de me les montrer les cadavres, je les connais... Ah ! Si je les connais les cadavres ! Personne ne peut se flatter de les connaître aussi bien que moi.

Et dans un ricanement sinistre, l'aveu attendu :

C'est moi qui, les ai faits ! Oui, oui, c'est moi, Pierre Dary, chauffeur du comte Ramy, qui est une femme, comme vous devez le savoir, puisqu'elle a dit ça au juge... Une femme qui s'appelle Jacqueline Myra... Parfaitement ! Jacqueline Myra , celle qui est venu avec moi à la villa, celle qui est descendue avec moi à la cave où vous avez déterré les deux cadavres...

L'hercule perdait-il la tête ?

Allait-il dénoncer et livrer son idole, après avoir risqué sa peau pour la faire fuir ?

Il continuait :

Comment je les ai faits, les deux cadavres ? Je vais vous le dire. D'abord la petite, la fiancée c'est moi qui l'enlevai en me donnant pour le chauffeur de son amoureux. Elle monta en auto avec moi et on ne l'a plus revue. Je la conduisais à la villa, elle y est restée, vous savez comment, étranglée.

Voici qu'il faisait le fanfaron, qu'il se chargeait à plaisir, en se donnant pour l'assassin de la fiancée.

A l'autre maintenant, le fiancé de la morte, le joli garçon qui allait l'épouser. La disparition de son trésor l'avait tout détraqué ; je n'eus qu'à aller le trouver, qu'à lui dire : « Je sais où elle est , je peux vous conduire... » Il me sauta au cou. « Vite, vite, conduisez-moi... » Ah ! Ces amoureux ! Tous les mêmes !... une demi heure après il arrivait à son tour à la villa, je le mettais devant la morte : « « Je le l'ai promise, la voici, prends-là et ne vous quittez plus ! » en même temps, d'un coup de couteau, je le trouais lui... Et voilà...vous savez le reste, l'endroit où j'avais fait disparaître les deux cadavres, la fosse dans la cave, la même fosse pour les deux, leur lit nuptial, comme on dit dans les romans.

Il fanfaronnait toujours, aggravant l'horreur de crime, en affectant de se pourlécher.

Oui, vous savez tout ça ; mais ce que vous ne savez pas, c'est le pourquoi de ces crimes. Comment je suis devenu l'assassin de ces deux amoureux, pourquoi je les ai supprimés... Je vais vous dire encore ça...

Et il le dit, et là, il raconta la vérité pure, le roman lamentable de Jacqueline, et le sien propre.

Pour la première fois, il laissa jaillir, il cria devant un autre que lui-même, le secret de son cœur, son amour pour Jacqueline.

Alors, vous comprenez, n'est pas ? Monsieur le juge... Un misérable m'avait pris mon adoration et il l'avait prise pour s'en amuser et la plaquer ensuite... l'abandonner après l'avoir déshonorée... De ce moment , le misérable était perdu ; je l'avais marqué pour finir de ma main. A notre première rencontre, il devait y passer. C'est fait, il y a passé... et avec lui, celle qu'il allait épouser... Je sais bien qu'elle ne m'avait rien fait celle-là, mais il l'aimait lui, elle allait être sa femme. Alors... la vengeance... l'abandonnée que je le voyais malheureuse et que,ce mariage allait encore souffleter. Bref j'ai fait coup double, j'ai refroidi les deux... Et voilà , c'est tout... Non un dernier mot... un mot que j'aurais dû dire toute de suite.

Ce mot, il sembla se recueillir pour le dire, son accent fanfaron tomba, sa voix se fit grave, presque solennelle.

Tout ça, monsieur le juge, je lai fait tout seul . Personne ne n'y a aidé, personne n'en a même rien su ! Et voilà pourquoi mon secret a été si bien gardé ; j'étais tout seul à le garder... Oui, tout seul, je le jure !

C'était là qu'il,voulait y venir ; prendre tout à sa charge, empêcher qu'on ne lui recherchât des complices et surtout mettre Jacqueline hors de cause.

Les cadavres découverts, il n'avait eu que cette préoccupation ; sauver celle qu'il aimait.

Le juge accueillait encore cette dernière déclaration sans la discuter ; mais il demanda :

Maintenant expliquez-moi pourquoi Mlle Myra qui ne savait rien, est descendue à la cave avec vous et pourquoi elle a pris la fuite à l'arrivée des agents.

Pierre ne parut pas embarrassé ; il devait avoir sa réponse prête.

Bien, fit-il tranquille. Je vais vous l'expliquer...

Et il expliqua :

Vous savez que Mlle Jacqueline a été soupçonnée et quasiment arrêtée pour les deux disparitions... Vous le savez, n'est-ce pas ?

Oui, et puis ?

Et puis ? Vous ne la voyez pas l'explication ? Vous ne sentez pas ce qui se passait sous son crâne pendant qu'on l'accusait, elle, l'adorée, des crimes que j'avais commis , moi ! Hier soir quand elle m'est revenue, j'allais me livrer pour en finir et, en la revoyant, ça été plus fort que moi , je me suis jeté à ses pieds pour lui demander pardon, et je lui ai tout avoué. Et alors... j'ai cru qu'elle allait en devenir folle... Ah ! Les choses terribles qu'elles m'a dites ! Elle se voyait perdue. Jamais on n'admettrait qu'elle ne fut pour rien dans mes deux crimes, qu'elle ne n'eût pas poussé à la venger, et elle aurait beau se défendre, on la condamnerait avec moi !... Et après cette scène, elle a voulu que je lui montre mes victimes. Elle aimait toujours le misérable qui l'a abandonnée !... Oui elle l'aimait toujours, et elle voulait le revoir une dernière fois, et il m'a fallu la conduire à la villa et rouvrir la fosse devant elle et le lui faire voir, son adoré... et vous pouvez me faire couper la tête, monsieur le juge, je souffrirai moins que pendant tout ça ! Et je vous prie de me laisser tranquille enfin... je vous ai tout dit.

Non, fit le juge, pas tout. Vous ne m'avez pas dit pourquoi Mlle Myra avait pris la fuite.

Comment ! Je ne vous ai pas dit !... Vous êtes donc sourd ! Vous n'avez pas entendu qu'elle s'était vue perdue ? Elle avait raison de trembler ? C'est donc vrai que vous allez l'accuser de m'avoir poussé à tuer... Ah ! Ah ! Ah !vous voilà bien, les juges ! Ça ne vous suffit pas qu'elle ait souffert tous les martyres, il faut encore que vous en fassiez une criminelle !... Ah ! Oui, elle avait raison de vous craindre et elle a bien fait de filer. Mais après tout, je ne sais pas pourquoi je me fais du sang !... C'est la vérité qui a toujours le dernier mot, et je l'ai dite la vérité et il faudra bien qu'on s'y rende. Et maintenant c'est bien fini. Vous n'obtiendrez plus rien de moi. Faites de moi ce que vous voulez mais ne m'asticoter plus...

Et il n'ouvrit plus la bouche que pour demander à boire, car il avait une fièvre de cheval.

On l'envoya à l'infirmerie du Dépôt, on le livra à la faculté pour l'extraction des balles de revolver.

Il se laissa faire sans dire un mot, il supporta tout sans proférer une plainte...

Il n'était pas là pendant qu'on le charcutait ; sa tête et son cœur suivaient là-bas, très loin, celle qui avait pris la fuite, et c'était à elle qu'il parlait tout bas.

J'ai fais ce que j'ai pu pour vous sauver, mademoiselle Jacqueline, mais ne revenez pas et ne vous laissez pas prendre ; je crois bien que les juges vous ferez passer en cour d'assises avec moi, et j'aimerais mieux, voyez-vous, qu'on me guillotinât deux fois, que de vous entendre traîner dans la boue...

 

( A SUIVRE LE 15 AOUT )

 

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