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APACHE ROI N° 32

24 Août 2012, 11:00am

Publié par nosloisirs

 

APACHE ROI TITRE

 

De la fenêtre de la chambre que venait de violer le ravisseur, le grand-père et la grand-mère du petit Jean excitaient les gens à la poursuite de l'homme.

Et toute la domesticité du château, hommes et femmes se ruait en hurlant sur les pas du misérable.

Lui fuyait toujours mais encore que léger, son fardeau le gênait et ceux qui lui donnaient la chasse gagnaient sur lui maintenant, ils le voyait presque distinctement dans la nuit, ils pouvaient le viser.

Les armes braquées en courant partirent, un cri répondit à la décharge, ce cri d'homme blessé à mort qui était arrivé jusqu'à Jacqueline.

Et, à leur tour, les chasseurs d'hommes crièrent :

— Il y est ! Il y est !

Le gibier était à terre, étendu sur le ventre, le visage dans la poussière, il ne bougeait plus.

Une seconde, et ceux qui l'avaient abattu furent sur lui, grondant, vociférant prêts à l'achever s'il n'était déjà mort et, même mort, à le frapper encore...

Derrière eux, la voix du maître éclata :

— L'enfant ! Prenez garde de faire du mal à l'enfant !

Et à cette voix, une mère, celle de Mme Dolabelle se mêlait :

— Mon enfant ! Mon pauvre petit...

Le grand-père et la grand-mère arrivaient essoufflés ; le groupe des domestiques s'ouvrit devant eux pour leur laisser voir l'homme à terre.

Mais ce n'était pas cet homme qu'ils voulaient voir, c'était l'enfant, leur enfant.

— Où est-il ? Où est notre enfant ? Vous ne lui avez pas fait de mal, au moins !

Les domestiques se regardèrent, semblant se demander de l'un à l'autre :

— Leur enfant ! Que voulaient-ils dire ?

Ils ignoraient eux, que l'homme étendu là eût emporté l'enfant adopté par les maîtres ; ils n'avaient entendu que le cri :

— Au voleur !

Et ils n'en avaient pas demandé davantage pour courir sus à celui qui fuyait ; et, maintenant encore l'homme effondré sur la route, devant eux, ils restaient tout effarés de ce que disaient les maîtres :

— Leur enfant...?

Il n'y en avait pas, d'enfant !

Il n'y avait qu'un corps à terre, celui de l'homme.

Le petit Jean avait disparu !

D'un regard les grands-parents le constatèrent et la grand-mère poussa un véritablement hurlement de douleur, et le grand-père qui gardait assez de sang-froid pour réfléchir, commanda :

— Cherchons !... cherchons !... Sur la route ! Dans les fossés !... Le misérable s'en sera débarrassé pour mieux courir.

Et il donna lui-même l'exemple, et l'on abandonna l'homme pour ne plus s'occuper que de retrouver l'enfant.

Les recherches restèrent vaines, le ravisseur n'avait jeté l'enfant ni sur la chaussée ni dans les fossés de la route.

Quelqu'un opina :

— Nous perdons notre temps. Le bandit ne s'est pas débarrassé de l'enfant ; il l'a gardé dans ses bras et en tombant il l'aura recouvert.

Cela arracha un autre hurlement à la grand-mère ; son enfant était mort ! L'homme pesant sur lui de tout son poids l'avait étouffé.

On revint au misérable, on retourna le corps en le soulevant.

Le petit Jean n'était pas là, il n'y avait rien sous l'homme qu'un ruisseau de sang, de son sang à lui.

Mais tout ceux qui regardaient cela tressaillirent à la fois.

L'homme qu'on croyait mort ne l'était pas ; il respirait encore, il parlait d'une voix faible mais distincte :

— Ne me laissez pas mourir sur la route, emportez-moi...

— Misérable ! Grondèrent les domestiques.

M. Dolabelle ne répondit rien lui ; il s'était vivement penché sur l'homme.

Il avait cru reconnaître sa voix et voulait voir son visage et, l'avait vu il se redressa en jetant un nom :

— Roulisse !

Après la voix il avait reconnu le visage de l'homme et il répétait :

— Roulisse !... C'est Roulisse !...

 

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Et se penchant de nouveaux sur le blessé, il lui parlait, l'interrogeait :

— Vous !... Vous, Roulisse !... Voyons, voyons ! Expliquez... Ce n'est pas vous qui nous avez enlevé notre enfant après nous l'avoir fait offrir par votre sœur !... Non, ce n'est pas vous, c'est impossible...

— Non, ce n'est pas moi, murmura la voix faible du blessé...

— Alors !... Alors !... Comment êtes-vous là... Comment...

— Je savais qu'on allait votre prendre l'enfant, j'accourais vous prévenir. J'ai rencontré l'homme comme on tirait sur lui. C'est moi qui ai reçu les balles.

— Et lui ! Lui ? Où est-il ? Qui est-il ? Pressa le grand-père.

— Je... je n'en peux plus... balbutia le blessé dont la voix s'éteignait...

Puis dans un souffle suprême :

— Par pitié... ne me laisser par mourir.

L'égoïsme des grands-parents dut se résigner ; il fallait d'abord donner des soins au malheureux qui se mourait.

On l'emporta évanoui au château, quelqu'un courut chercher le médecin et, en l'attendant, on essaya de penser la blessure du moribond.

La blessure... il y en avait deux, l'une au cou l'autre en pleine poitrine — deux trous par lesquels le sang s'échappait. Et si M. Dolabelle eût gardé le moindre doute, il en eût été soulagé à constater que les belles balles avaient pénétré par devant ; Roulisse ne tournait pas le dos. Roulisse ne fuyait pas quand les balles l'avait frappé ; comme il l'avait dit, il venait bien au château.

Le médecin arriva, visita le blessé, sonda les deux plaies — et fit une grimace significative.

Roulisse était perdu.

M. Dolabelle vit cette grimace ; il tira le médecin à part.

— Reste-t-il un espoir de le sauver ?

— Peut-être... mais si mince !

— Faites l'impossible, docteur ! Et d'abord je vous en prie, rendez à ce malheureux quelque force au moins celle de me répondre... j'ai besoin qu'il parle !

— Bien, je vais essayer...

Le médecin opéra les pansements qui s'imposaient puis il fit une piqûre à son patient.

L'instant après, Roulisse ouvrait les yeux regardait autour de lui et ses yeux s'arrêtant sur Mme Dolabelle qui sanglotait, il soupira :

— Pauvre mère !

La grand-mère entendit ce soupir et se rapprocha — et son mari n'eut pas à lui souffler ce qu'elle avait à demander au blessé.

Elle posa la question tout de suite :

— Au nom du ciel, au nom de votre mère, dites-nous ce qu'est devenu notre enfant, donnez-nous le moyen de le retrouver.

Roulisse entendit et comprit — et il répondit très bas :

— Faites sortir tout le monde.

Il allait parler, donner satisfaction au grand-père et à,la grand-mère, leur livrer sans doute tout ce qu'il savait de l'enlèvement de l'enfant et leur indiquer l'endroit où courait le ravisseur.

M. et Mme Dolabelle restés seuls devant lui, il commença par cette déclaration :

— J'ai mérité ce qui m'arrive...

Et s'expliquant :

— Je paie ce soir la faute que je commis lze jour où pour vous oébir, monsieur Dolabelle, pour sauver ma situation que vous me menaciez de briser, je fis enlever l'enfant à sa mère.

M. Dolabelle s'agita :

— Ce n'est pas cela que nous vous demandons. Vous voyez notre douleur, notre désespoir ; dites-nous où est notre enfant.

— Vous ne l'avez donc pas deviné ? Observa le blessé.

Et doucement d'une voix qu'attendrissait l'image qui passait devant ses yeux :

— A cette heure, l'enfant est dans les bras de sa mère... de sa vraie mère...

— Sa mère ! Cette misérable fille ! Jeta le grand-père...

— Oui... oui... cette pauvre fille, rectifia Roulisse.

— Vous la plaignez !

— Non ! Je ne la plains plus ; elle a tout ce qu'elle désirait... son enfant.

— Et nous ! Et nous !

— Vous... C'est vous que je plains maintenant.

Vous avez mieux à faire ; vous pouvez nous rendre cet enfant en nous révélant la retraite de la mère... car vous la connaissez, cette retraite, vous savez où se cache celle que le bagne attend et c'est votre devoir de le dire... Vous nous le devez, vous le devez à la justice...


( A SUIVRE LE 27 AOUT )

 

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