Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

LE CENTENAIRE DU CHRYSANTHEME

29 Septembre 2013, 09:00am

Publié par nosloisirs

LE CENTENAIRE DU CHRYSANTHEME

Comme il est de mode de célébrer tous les centenaires, nous ne pouvons passer sous silence un de plus aimables : le centenaire du chrysanthème.

— Centenaire me diriez-vous, vous voulez rire ? Le chrysanthème est une fleur de notre sol. Allez dans les champs vous verrez parmi les blés de larges marguerites dorées, qui ne sont autres que les chrysanthèmes des moissons et on sans doute existé depuis que le froment lève sur la terre de notre vieille Europe.

Vous avez raison, contradicteur anonyme ; il y a un chrysanthème bien français ; celui qui a mérité ce nom de chrysanthème dont l'étymologie signifie « fleur d'or »

Mais celui-là, je n'ai cure aujourd'hui. Je veux parler du délicieux exotique acclimaté dans nos jardins, qui contribue à l'éclat floral de l'automne, du radieux chrysanthème de l'Inde, dont la beauté rivalise d'enthousiasme avec celle du chrysanthème japonais. Car le chrysanthème ne nous est apparu qu'au milieu du siècle dernier, comme la fleur symbolique du royaume du Mikado. Pour nos ancêtres, il fut une plante rare et merveilleuse, arrachée au mystère de l'Extrême-Orient, de l'Inde et de la Chine.

Un voyageur — commerçant qui était de Marseille naturellement — fit, pour le chrysanthème indien, ce que Jean Nicot accompli pour le tabac. Il rapporta précieusement sur son voilier quelques-unes de ces plantes qui l'avaient ravi sur la terre sacrée de Brahma.

Cet explorateur n'était pas Marseillais pour rien ; il se montra pratique et malin.

Ses fleurs se seraient desséchées de mélancolie et risquaient de ne jamais devenir célèbres, s'il s'était contenté de les présenter aux botanistes de sa ville natale.

Blancard — car il est nommait ainsi — un beau jour de l'année 1808 prit la poste en emportant ses chrysanthèmes.

On était en automne et les fleurs se trouvaient dans tout leur éclat. Blancard obtint une audience de l'impératrice Joséphine et lui offrit ses élèves. La femme de Napoléon 1er ne manqua pas de s'émerveiller des tons délicats de leur chevelure souple et aussitôt s'en para avec la coquetterie que l'histoire lui attribue.

Blancard qui était tout juste connu pour un savant manuel sur les ressources commerciales de l'Extrême-Orient, devient célèbre d'un jour à l'autre. Grâce à son coup hardi de publicité ses chrysanthèmes devinrent une fort bonne affaire. Toutes les femmes en voulurent et les jardinières se disputèrent d'honneur d'en orner leurs parterres.

Pourtant les chrysanthèmes de 1808, n'avaient pas, croyez-le bien, les dimensions invraisemblables et les couleurs exquises de ceux que nos savants horticoles nous montrent, chaque automne en leur exposition du Cours-de-la-Reine. Ils étaient bien petits en comparaison de ceux-ci ; ils avaient des proportions de ceux qui poussent en pleine terre, sans soins assidus ni combinaisons ingénieuses.

La fleur de Blancard a profité, depuis un siècle de l'expérience des générations successives d'horticulteurs.

Le chrysanthème de l'Inde avec ses fleurs bombées qui ont l'apparence et la grosseur de crânes d'enfants, le chrysanthème chinois dont, au contraire, les rayons s'étalent et se replient comme de minuscules serpents, voici les variétés dont nous pouvons célébrer le centenaire.

Le profane ne confond-il pas trop souvent ces grands ancêtres avec les beaux chrysanthèmes japonais, remarquables par l'énorme développement de leurs capitules, qui ne furent acclimatés chez nous que beaucoup plus tard.

Surtout depuis que M. Pierre Loti a baptisé une de ses héroïnes de ce joli nom de fleur, on n'est plus à considérer le chrysanthème comme une plante exclusivement nippone.

Il convenait donc de rendre à l'Inde et à la Chine ce qui leur appartenait. Et en outre, il n'est pas inutile d'ajouter que certaines autres espèces des plus joliment nuancées et de la plus grande taille nous viennent soit des Iles Canaries — comme le chrysanthème à grandes fleurs — soit d'Algérie — le chrysanthème à fleurs jaunes — soit du Portugal — le chrysanthème des lacs — soit enfin du Caucase — le délicieux chrysanthème rose.

Le chrysanthème est donc un peu citoyen de tout l'univers, et c'est une fleur gracieuse et robuste, un dernier et éclatant sourire de la terre avant sur grand sommeil d'hiver.

STANCES

Ne dites pas ; la vie est un joyeux festin ;

Où c'est d'un esprit sot ou c'est d'une âme basse

Surtout ne dites-point ; elle est malheur sans fin ;

C'est d'un mauvais courage et qui trop tôt se lasse.

Riez comme au printemps s'agitent les rameaux

Pleurez comme la buse ou le flot sur la gréve

Goûtez tous les plaisirs et souffrez tous les maux ;

Et dites ; c'est beaucoup et c'est l'ombre d'un rêve.

J. MOREAS

Commenter cet article