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MOINEAUX SANS NID N° 103

26 Janvier 2012, 09:00am

Publié par nosloisirs

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103 UNE RENCONTRE ...

 

Epuisé et mourant littéralement de faim, comme nous l’avons déjà raconté à nos lecteurs, Pierrot avait quitté la maison de Juliette pour frapper à cette ferme auberge.

Comme les quelques sous qui lui restaient ne pouvaient lui permettre de louer une chambre pour la nuit, il dut se contenter de coucher sur la paille de la grange comme un vagabond, mais cela ne l’effrayait guère.

Que de fois déjà, dans sa courte existence d’enfant des rues, avait-il rêvé d’un pareil refuge !

Avant d’aller dormir, il avala une assiette de soupe épaisse qui lui sembla être le plat le plus détestable de la terre.

Il se sentait tout à fait satisfait ; il pouvait maintenant compter sur un témoin prêt à déposer pour lui et rapporter ce que lui avait fait subir le marquis, à lui et à Mireille.

— Ils verront, à présent, qui est Pierrot Delorme, même si je suis encore petit ! Murmurait-il assis devant une longue table sur laquelle deux hommes en salopette mangeait avec appétit leur assiettée de soupe qu’ils accompagnaient de grands verre de vin.

Soudain, l’un d’eux se tourna vers lui et lui demanda :

— Et toi, petit, où vas-tu comme ça tout seul à ton âge ?

— Je rentre à Paris, répliqua tranquillement Pierrot.

— Pour chercher du travail, peut-être ?

— Non, j’ai déjà une situation.

L’homme éclata de rire, incrédule.

— Ta-ra-ta-ta, dit-il. Je parie que tu t’es sauvé de chez toi pour aller à l’aventure.

— Puisque je n’ai pas de maison, comment m’en serais-je enfui ? Répondit l’enfant.

— Et d’où viens-tu ?

— Du pavillon de chasse du marquis d’Evreux. Je suis allé jusque la lui ramener un âne.

— Tu m’as l’air bien malin, toi !

— On dit souvent ça de moi, convint Pierrot en haussant négligemment les épaules.

— Si tu veux, je t’offre de travailler avec moi ; tu voyageras un peu partout, chaudement habillé, mangeant au hasard de la route et ...

— Non, je vous remercie beaucoup, interrompit aimablement le petit garçon, mais je préfère mon métier de vendeur de journaux à Paris.

— Drôle de travail ! Et combien gagnes-tu ?

— Suffisamment. Autrement, je ne le ferais pas.

L’arrivée d’une femme assez bizarre coupa leur entretien, elle était vêtue de façon assez élégante, mais portait une robe très usagée, recouverte d’un manteau fortement ravaudé.

Elle devait avoir une trentaine d’années et elle était même jolie, bien qu’elle ne fût pas d’une propreté méticuleuse et ne se montrât sûrement pas à son avantage.

— Bonsoir, dit-elle, en allant s’asseoir près de la cheminée où pétillait gaiement un grand feu de bûches qui réchauffait tout juste l’immense salle commune.

Le maître de céans s’approcha d’elle et lui demanda :

— Que désirez-vous ?

— Tout d’abord me réchauffer un peu, ensuite manger et dormir le plus économiquement possible.

— J’ai de la soupe aux choux à cent francs l’assiette ; la chambre coûte trois cent francs.

— Ca fait quatre cent en tout, n’est-ce pas ? Non, c’est trop cher pour moi, reprit-elle après un court silence ... Vous n’avez pas autre chose à me proposer ?

— Il y a bien la grange ... ça ne vous coûterait que cinquante francs.

— Va pour la grange, alors. Maintenant, donnez-moi vite à manger acheva-t-elle en allant se placer auprès de Pierrot. Mon Dieu !... Mon Dieu ! Murmura-t-elle, au bord des larmes, en être réduite là !

Les deux hommes ne cessaient de dévisager avec complaisance la nouvelle venue, la trouvant certainement fort à leur goût.

— Vous allez loin d’ici, Madame ? Demanda l’un d’eux.

— Encore assez ; à Bonnières. Vous connaissez ?

— Je comprends ; nous y allons fort souvent avec notre camion ; nous y avons de très gros clients.

— Est-ce que par hasard, vous ne connaîtriez pas Félix Porreaux ?

— Très bien ! C’est un fort brave homme.

— Je vais chez lui, expliqua l’étrange femme.

— Excusez ma curiosité ; seriez-vous sa parente ?

— Oui, c’est mon cousin.

— Alors, cessez de vous tourmenter. Cet homme a beaucoup de cœur et aide volontiers ceux qui sont dans l’ennui. Si vous voulez l’accepter, nous vous emmènerons à Bonnières demain avec notre camion.

— Je vous remercie et je vous en serai très reconnaissante.

— Ne me remerciez pas. C’est du grand cœur, d’autant plus que nous avons quelque chose à demander à Porreaux.

— Comment va-t-il ?

— Tout doucement.

— Il est souffrant ?

— Non, mais ...

— Il a des ennuis ?

— Oh ! Il ne s’agit peut-être que de commérages, répondit son interlocuteur, mais on m’a raconté qu’il est engagé dans une drôle d’histoire.

— Ah ! De quoi s’agit-il donc ?

— Je ne sais rien de très précis, mais il parait qu’il voit beaucoup une femme nouvellement installée dans le pays et que personne ne connaît. On croit que c’est une ancienne artiste, et certains disent même que c’était « une pas grande chose ».

— Et ... elle vit avec lui ?

— Oui, ou à peu près. Il est veuf. Alors, n’est-ce pas ...

La femme soupira et constata, d’un air découragé :

— Ce n’est pas une bonne nouvelle pour moi.

— Remarquez que je ne sais rien de sûr. Je ne fais que répéter les bruits du patelin ! S’empressa de rectifier le brave homme pour la rassurer.

— Encore un espoir perdu ! Dit tristement la mystérieuse voyageuse.

Quelques instants plus tard, le patron de la ferme auberge vint annoncer qu’il était l’heure de ce coucher qu’il éteignait partout.

Les deux camionneurs montèrent dans leur chambre, non sans avoir donné rendez-vous à la mystérieuse voyageuse pour le lendemain matin à six heures ; puis cette dernière et Pierrot se rendirent à la grange où ils s’étendirent sur la paille. Ce n’était guère agréable, mais il y faisait chaud.

Les yeux grands ouverts, l’enfant se disait que, dès son retour à Paris, il irait voir l’abbé Louis afin de lui demander conseil, il irait se présenter au juge pour lui révéler tout ce qu’on lui avait fait ... Soudain, il entendit pleurer la femme près de lui.

— Qu’avez-vous, Madame ? Demanda-t-il, apitoyé.

— Excuse-moi, petit, de t’avoir réveillé, bredouilla-t-elle à travers ses larmes.

— Je ne dormais pas, Madame, mais ... Seriez-vous souffrance ?

— Non, non, je pleure sur moi, sur ma misère !... Vois-tu j’ai été une dame, et maintenant ...

Mais elle ne put poursuivre, car elle éclata en sanglots.

— Ne vous désespérez pas ainsi, la consola gentiment l’enfant. Peut-être les choses s’arrangeront-elles ...

— Je ne crois pas ! Tout est tellement dur pour moi !

— Cela changera au moment où vous vous y attendrez le moins !

— Tu as peut-être raison, petit, mais rien ne me réussit pour le moment, hélas !

— Puis elle poursuivit à haute voix, ne parlant plus à elle-même qu’à Pierrot :

— Que puis-je espérer de mon cousin si une femme vit avec lui ? Voudra-t-il m’accueillir ? Ne s’opposera-t-elle pas ? Les gens sont tellement égoïstes et méchants ! Que deviendrai-je s’il me repousse ? Mon Dieu ! N’ai-je donc pas été suffisamment punie de ma mauvaise action ... Je n’ai cependant cherché qu’à me défendre ! Est-ce ma faute si j’ai mis au monde un enfant mort ?... Si mon mari n’avait été aussi cruel, si dur et si injuste envers moi, jamais certes, je n’aurais agi comme je l’ai fait !...

— Qu’avez-vous donc fait de tellement mal, Madame ? Ne put s’empêcher de questionner Pierrot, stupéfait. Vous ne me semblez pas pourtant bien méchante !

— C’est vrai, petit, mais parfois les injustices nous poussent à commettre des actes regrettables ...

Elle se tut brusquement, puis reprit, presque perdue dans ses souvenirs !

— « Il » m’avait presque laissée mourir de faim parce que je ne lui donnais pas d’héritier, alors qu’il était tellement riche. Sa dureté finit pas me révolter, mais j’attendais justement un enfant et savais que, plus tard, il hériterait ...

— Comment cela ? S’exclama Pierrot, vivement intéressé par ce récit bizarre.

— Mon mari mourut brusquement, laissant sa fortune à son frère, à défaut de famille directe.

— Et alors ...

— Mon bébé naquit six mois plus tard ... mais il ne vécut pas.

— Alors, vous n’avez rien eu ?

— Mon mari s’était entendu avec son frère ; je n’avais droit à rien, puisque je n’avais pas d’enfant.

— Je vois ...

— Me sentant perdue, j’achetai une fillette ...

— Comment ? Interrompit le petit garçon, indigné. On peut donc acheter des enfants ?

— Il existe, hélas ! Des gens de toute espèce sur terre. Un homme me procura une petite fille qui venait de naître afin que je puisse la faire passer pour la mienne ... C’est le seul pêché de ma vie ?

— Et ... ça à réussit ? S’informa Pierrot anxieusement.

— Si cela avait réussi, je n’en serais pas réduite à coucher ici cette nuit ! Soupira la femme ... Mon beau-frère découvrit à temps mon subterfuge et se mit à travers de mon plan.

— Vous n’avez vraiment pas de chance, murmura l’enfant.

— Je fis un procès à mon beau-frère, et j’y laissai mes derniers sous !

— Mais ... Que devint cette petite fille ?

— Je n’en sais rien. On m’a dit qu’elle avait été rendue à ses parents ... Cela aussi m’a coûté très cher !

— C’est dommage pour vous et pour cette petite fille également.

— Pauvre mignonne ! Murmura la femme d’une voix qui se brisa. Si mon coup avait réussi, elle serait aujourd’hui immensément riche et je l’aurais aimée comme si elle avait été réellement à moi. Dieu sait ce qu’elle est devenue à présent ?

— Pourquoi ne l’avez-vous pas gardée ?

— C’était impossible par le bandit qui me l’avait procurée avait des exigences folles, et il ne voulait pas se contenter des arrhes que je lui avais versées ... Tu es trop petit pour comprendre d’aussi sordides histoires !

— Vous vous trompez, protesta Pierrot, car moi aussi j’ai de gros ennuis au sujet d’un héritage ... Mais comment se nommait l’homme qui vous a fait avoir cette petite fille ?

— Paul Macaire, si mes souvenirs sont exacts.

— Le misérable ! J’avais tout de suite deviné que c’était une canaille ! S’exclama l’enfant, fort excité. Ne loge-t-il pas tout près de l’église de Pantin ?

— Je n’en sais rien, répondit son interlocutrice. Je ne connais que son nom, mais je n’ignore pas que cet odieux personnage avait la réputation d’un très brave homme.

— Savez-vous comment et où il avait trouvé cette pauvre petite fille ?

— Il n’a jamais voulu me le révéler. Je sais que c’est une espèce de mendiante qui la lui a remise.

— Vous ne savez vraiment rien d’autre ?

— Non !... Mais ... Pourquoi me poses-tu toutes ses questions ?

— Parce que je suis sûr qu’il ne peut exister qu’une seule sorcière capable de telle manigances !

— La mère Picquet ? Répéta la voyageuse, sans comprendre.

— Oui, et si c’est elle, la petite fille ne peut-être que ...

— Qui donc ?

— Mireille ! Répondit Pierrot, bouleversé. Mon Dieu ! Si je pouvais réussir à retrouver ses parents ... Paul Macaire ... la vieille sorcière ...Tout ça c’est la même odieuse engeance. Ma petite Mireille, je crois bien que je ne vais pas tarder à découvrir qui est la véritable maman !

Pierrot continua à poursuivre son idée, tandis que la pauvre femme à son côté, essayait à s’endormir ...

 

( A SUIVRE LE 29 JANVIER )

 

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